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L'idéologie de l'identité nationale comme facteur de désagrégation de la société : éclairages à partir du cas de la Côte-d'Ivoire

Publié le 31/03/2008
Auteur(s) - Autrice(s) : Laurent Bazin
En Côte-d'Ivoire, la notion d'identité nationale, l'« ivoirité », a été construite au milieu des années 90 et a constitué un véritable piège idéologique. Sa promotion, loin d'avoir contribué à unifier la nation, a entrainé une suspicion généralisée remettant en question l'idée de citoyenneté sur laquelle s'était bâti l'Etat post-colonial après 1960. La notion « d'ivoirité » est ainsi devenue une approche discriminante de la citoyenneté, reflet de l'aggravation de la situation économique et de luttes politiques de successions.

Un résumé de l'article de Laurent Bazin

En Côte-d'Ivoire, la notion d'identité nationale (« ivoirité ») a été construite au milieu des années 90 et a constitué un véritable piège idéologique.

Fin 1994, Henri Conan Bédié assure la fonction de chef de l'Etat après le décès du président Félix Houphouet-Boigny jusqu'aux élections. Ce dernier, leader politique du pays depuis 1945, avait été président de la République depuis l'indépendance en 1960. Il avait exercé son pouvoir dans un régime de parti unique (Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI)) mais avait été contraint de légaliser d'autres partis et une presse d'opposition en 1990. Son opposant Laurent Gbagbo qui s'était présenté contre lui en 1990 et n'avait obtenu que 20% des voix, avait accuse Houphouet-Boigny de s'être fait élire en faisant massivement voter les étrangers africains.

En 1990, Alassane Dramane Ouattara est élu 1e ministre et devient la cible des attaques de Front Populaire Ivoirien (FPI) que dirige Gbagbo. Ouattara, en conflit ouvert avec Konan Bédié fait scission avec l'ex-parti unique pour créer le RDR (Rassemblement des républicains).

En décembre 1994, un nouveau code électoral est voté qui retire le droit de vote aux étrangers ressortissants des pays voisins et spécifiait, comme condition pour être candidat à l'élection présidentielle, qu'il fallait être « né ivoirien », de père et de mère eux-mêmes « nés ivoiriens ». Cela écarta durablement Ouattara de la compétition électorale. (tout en privant Gbagbo d'argument de campagne). Enfin, le thème de l'ivoirité qui n'avait jamais été évoqué auparavant permet d'évacuer toute autre question en centrant le débat sur l'identité.

Les tensions sont attisées et l'opposition, privée de son thème de contestation principal (le vote des étrangers) se met à dénoncer le fait que les autorités avaient distribué des cartes d'identité à des étrangers. Elle réclame donc, pour accepter la tenue d'élections, la vérification de l'authenticité de la nationalité ivoirienne à tous ceux qui en bénéficiaient.

« L'identification » est une opération qui va constituer à décider de destituer ou non certains citoyens de leur nationalité et va entrainer un fort sentiment d'exclusion de la population du Nord du pays.

Les attaques xénophobes sur des milliers de burkinabés chassés de leurs terres se multiplient.(La population « étrangère » représentait un quart de la population au milieu des années 90.)

La promotion de « l'identité nationale » a entrainé une suspicion généralisée et n'a pas contribué à unifier la nation.

On assiste à une remise en question de l'idée de citoyenneté sur laquelle s'était bâti l'Etat post-colonial après 1960 : la citoyenneté reflète la participation au développement économique et à la modernisation de la société.

La notion « d'ivoirité » offre une approche discriminante de la citoyenneté, reflet de l'aggravation de la situation économique et de luttes politiques de successions.

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