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Homoparentalite : état des lieux

Publié le 03/12/2007
Auteur(s) - Autrice(s) : Martine Gross
Stephanie Fraisse-D'Olimpio
ERES, Collection "La vie de l'enfant", 2005
Fiche de lecture de l'ouvrage "Homoparentalite : Etat des lieux " de Martine Gross. Deux parties composent le livre : la première se nomme « Parentés et différence des sexes » et réunit des textes théoriques et politiques, et la seconde se consacre aux « Familles homoparentales » et rassemble des études de terrain qui se penchent sur divers aspects de la vie quotidienne des familles homoparentales. La somme de connaissances compilées dans cet ouvrage en fait une référence incontournable sur le thème de l'homoparentalité. Le regroupement par thématiques des diverses recherches abordées rend l'ouvrage très lisible et cohérent. Et si le discours sous-jacent peut paraître militant, cela n'enlève rien à la qualité scientifique des travaux présentés.

Présentation

Couverture de "Homoparentalite: Etat des lieux" de Martine GrossLa première édition de l'ouvrage Homoparentalités, états des lieux, réunissait la plupart des contributions du colloque « Parentés et différences des sexes » organisé par l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) en octobre 1999. Cette seconde édition parue en 2005 présente une version enrichie de nouveaux articles. Martine Gross souligne que peu de changements politique et juridique ont eu lieu au cours de ces quelques années même si l'homoparentalité est entrée officiellement dans la langue française grâce au petit Robert en 2002. C'est peut-être en somme du côté de la recherche universitaire que les avancées ont été les plus importantes et l'ouvrage s'efforce de refléter ces nouveaux apports.

Deux parties composent le livre : la première se nomme « Parentés et différence des sexes » et réunit des textes théoriques et politiques, la seconde se consacre aux « Familles homoparentales » et rassemble des études de terrain qui se penchent sur divers aspects de la vie quotidienne des familles homoparentales.

La question fondamentale qui est posée dans la première partie du livre est celle de la nature de la filiation. La filiation ne concerne-t-elle qu'un père et une mère ? Qu'en est-il d'une possible filiation additionnelle ? Peut-on penser une certaine multiparentalité où se côtoieraient parents biologiques et parents sociaux ? La différence de sexes doit-elle impérativement être incarnée au sein de la cellule familiale ?

Plusieurs contributions vont chercher des éléments de réponse dans l'anthropologie et d'autres scrutent le droit français en matière d'adoption par exemple et émettent parfois des propositions. Marie-France Nicolas-Maguin (juriste) articule le temps long de la parenté au temps court de l'autorité parentale et introduit le concept de « filiation élective » pour désigner ce lien résultant du désir d'être parent plus que de la procréation elle-même. Anne Robinson questionne la possibilité d'inscrire dans la loi un concept de pluriparenté qui tiendrait compte des réalités homoparentales et hétéroparentales...Plusieurs sociologues inscrivent les revendications des familles monoparentales dans l'histoire de la famille. Irène Théry présente ainsi les acteurs situés à chaque extrême du débat public d'une part les organicistes au cœur de l'homophobie, et d'autre part les militants poussant à bout les discours identitaires. Les deux se retrouvent selon elle sur la confusion entre différence des sexes et hétérosexualité.

La seconde partie consacrée aux travaux de terrain, présente plusieurs enquêtes sur le fonctionnement des familles homoparentales insistant d'abord sur les figures de l'homosexualité en distinguant maternités lesbiennes et paternités gayes, puis sur le développement des enfants et enfin sur la vie quotidienne des familles homoparentales. Anne Cadoret (ethnologue) présente par exemple les diverses configurations familiales possibles et insiste sur la remise en question du lien devenu « illusoire » entre procréation et parenté / filiation. Didier Gall revient sur le rôle beau-parental que les familles homoparentales comparent souvent aux situations rencontrées dans les familles recomposées hétérosexuelles. La belle-mère ne se substituerait pas au parent absent mais occuperait une position à part que l'auteur associe à celle de « consultante ». Katrien Vanfraussen décrit, à partir d'une étude réalisée en Belgique auprès d'enfants de famille homoparentales, la manière dont ces jeunes parlent de leur structure familiale et réagissent aux possibles difficultés que cela engendre en particulier auprès du groupe des pairs. Les résultats de l'étude montrent que ces enfants acceptent plutôt bien leur cadre familial non traditionnel et que leur bien-être ne diffère pas de celui des autres enfants. Geneviève Delaisi (psychiatre) souligne à cet égard que l'équilibre relationnel entre tous les sujets de ces « procréations à plusieurs » est déterminante pour l'équilibre psychique des enfants et peut neutraliser leur sentiment de différence. Elle plaidera toutefois en faveur d'une transparence sur les origines de l'enfant favorable à la pluriparentalité ou à des parentés additionnelles. L'enquête menée au Royaume-Uni par la psychologue Susan Golombok au sujet des orientations sexuelles des enfants élevés par des couples de lesbiennes, indique que les vingt-cinq enfants issus de foyers homosexuels rencontrés à 9 ans puis à 23 ans, ne présentent pas plus d'orientation homosexuelle que le groupe référent de vingt et un enfants issus de foyers hétérosexuels. Le travail de Stéphane Nadaud sur le profil comportemental et psychologique de cinquante-deux enfants de 4 à 16 ans éduqués par un couple homosexuel vient confirmer l'absence de spécificité de ces jeunes.

Les recherches sur la vie quotidienne des familles homoparentales, et notamment celle réalisée par François de Singly et Virginie Descoutures montrent que les modalités de parentalité des couples homosexuels attestent du fait qu'ils sont un couple parental comme un autre. Ils ne présentent pas de caractéristiques particulières à part peut-être celle d'élaborer un travail d'institution pour exister en tant que groupe familial puisque ces couples n'accèdent pas à la plupart des rites d'institution à l'exception peut-être du PACS.

Enfin, d'autres études vont s'interroger sur la manière dont les parents de familles homoparentales vont se distinguer l'un de l'autre dans le travail éducatif dans la mesure où la distinction ne s'établit pas entre eux sur leur identité sexuelle. Enfin, les avancées de la législation québécoise vers la reconnaissance de l'égalité des droits parentaux des gais et lesbiennes ont ouvert la voie à de nombreuses études notamment sur les relations des gays et lesbiennes avec leur famille d'origine et sur celles de leurs enfants avec leurs grands-parents.

Le livre s'achève par une contribution de Martine Gross sur la transmission des valeurs notamment religieuses dans les familles homoparentales. L'auteur présente les stratégies argumentatives qui s'efforcent de réduire la contradiction entre le vécu homosexuel et la tradition religieuse.

La somme de connaissances compilées dans cet ouvrage en fait une référence incontournable sur le thème de l'homoparentalité. Le regroupement par thématiques des diverses recherches abordées rend l'ouvrage très lisible et cohérent. Et si le discours sous-jacent peut paraître au total militant, cela n'enlève rien à la qualité scientifique des travaux présentés.

Stephanie Fraisse-D'Olimpio pour SES-ENS.