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Homosexualité et procréation : les prémices d'un matriarcat ?

Publié le 30/11/2007
Auteur(s) - Autrice(s) : Cyril Desjeux
Jane Méjias
L'HARMATTAN
Fiche de lecture de l'ouvrage "Homosexualité et procréation : les prémices d'un matriarcat ?" de Ciryl Desjeux. Plusieurs points non attendus autour de la question d'élever des enfants dans un couple homosexuel sont ici soulevés et doivent encourager cette lecture. Il s'agit de comprendre pourquoi d'une façon générale, dans la minorité que constituent les homosexuels, seule une minorité souhaite aujourd'hui s'investir dans un projet homoparental.

Présentation

Couverture de "Homosexualité et procréation : les prémices d'un matriarcat ?" de Cyril DesjeuxCe livre est tiré du mémoire de DEA de Cyril Desjeux, réalisé sous la direction de François de Singly. L'auteur a effectué une enquête qualitative auprès de cinq couples homosexuels, masculins et féminins : un couple d'hommes qui ne veut pas d'enfant ; un couple d'hommes qui a eu un enfant avec un couple de femmes ; un homme en couple qui a eu un enfant sans que son conjoint se sente concerné par le projet ; un couple de femmes qui a un enfant sans père présent ; un couple de femmes aujourd'hui séparé qui a un enfant de 25 ans. La présentation de la méthodologie met l'accent, avec justesse, sur les précautions qui doivent entourer une étude qualitative et particulièrement sur le risque d'extrapolation à partir d'un échantillon aussi faible. L'intérêt de l'étude n'est donc pas là, mais dans le fait que l'enquête permet de pénétrer de façon fine dans les composantes du rapport à la parentalité de tels couples. Le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit d'un rapport complexe. D'abord parce que les configurations possibles sont à la fois plus nombreuses que dans les couples hétérosexuels, mais aussi limitées par des considérations biologiques. Ainsi, il existerait au moins six configurations possibles de la famille homoparentale, une famille à quatre parents, sans second parent, sans père, recomposée, sans parent biologique et même éventuellement sans mère, bien que le cas ne soit pas étudié.

Plusieurs points, non attendus, sont intéressants. Par exemple, le projet de devenir parent n'est pas toujours un projet de couple. Ce peut être celui d'un individu seulement. L'enfant peut être conçu « tout simplement » à l'occasion d'un rapport hétérosexuel entre un homme et une femme homosexuels par ailleurs. Dans un cas, ils vont même se marier pour bénéficier de la procréation médicalement assistée. Certains ne souhaitent pas avoir d'enfants parce que, selon l'auteur, ils ont intériorisé l'homophobie ambiante et considèrent d'une certaine façon que c'est « contre nature » d'élever des enfants dans un couple homosexuel.

D'une façon générale, l'auteur précise bien que, dans la minorité que constituent les homosexuels, seule une minorité souhaite aujourd'hui s'investir dans un projet homoparental.

Le premier chapitre met l'accent sur les stratégies mises en œuvre par les couples ou les individus pour avoir un enfant. Le deuxième sur le poids des contextes sociaux dans cette décision. De ce point de vue, le sous titre de l'ouvrage, « Analyse stratégique » n'est pas forcément très approprié puisque l'auteur utilise autant une analyse en termes d'acteur stratège que celle en termes d'agent immergé dans un contexte social qui le contraint. Le troisième chapitre élargit la réflexion et montre en quoi la question de l'homoparentalité interroge la famille en général. Par exemple, elle amène à revisiter la conception de rôles masculin et féminin en montrant qu'un même individu peut avoir un rôle « masculin » dans le couple de parents et « féminin » dans son couple conjugal. Ou encore que l'expression du genre dans un couple de même sexe est complexe. « Les rapports ne sont pas plus égalitaires et l'on retrouve des rapports de pouvoir liés aux classes sociales, au genre, à la gestion du temps, aux métiers et aux réseaux sociaux ». Finalement, on retrouve beaucoup des débats qui concernent aujourd'hui la famille en général sur la question de la filiation, biologique ou sociale. Quelle place est faite de nos jours au « second parent » social, quelle que soit par ailleurs l'orientation sexuelle de celui-ci ?

Les derniers développements concernent la question du « matriarcat ». Ils ont l'intérêt de faire un point assez solide sur la question et d'apporter un éclairage critique sur la position de Françoise Héritier selon laquelle la parenté homosexuelle serait impossible car impensable. Mais ses conclusions, selon lesquelles « l'homoparentalité tend à être non patriarcale dans le contexte actuel français » et que « les rapports de pouvoir seraient moins entre l'homme et la femme qu'entre la femme et la femme ou entre l'homme et l'homme » mériteraient d'être discutées et davantage étayées. Enfin, l'auteur remercie son « entourage pour [son] douloureux travail qui a été de corriger [son] orthographe ». Cependant, il reste un nombre étonnamment élevé de fautes de grammaire ou d'orthographe qui gênent la lecture dans la mesure où elles en altèrent le sens.

Jane Méjias, agrégée de sciences économiques et sociales, formatrice à l'IUFM de Lyon.

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