Acier et aluminium : le protectionnisme américain monte d'un cran. CEPII. Mars 2018.
Avec la décision de porter les droits de douane à 25% sur les importations d'acier et à 10% sur les importations d'aluminium, à l'exception pour l'instant des produits en provenance du Canada et du Mexique, le président Donald Trump poursuit la mise en application de son programme protectionniste. Cette décision s'inscrit dans une série de mesures tarifaires qui visent à redresser la balance commerciale des États-Unis et à protéger les entreprises et les emplois industriels américains. L'administration Trump a notamment imposé des droits de sauvegarde sur les importations de panneaux solaires et de lave-linge, ainsi que des droits antidumping et/ou des droits compensatoires sur le bois et le papier canadiens, les feuilles d'aluminium chinoises, les avions CSeries fabriqués par le canadien Bombardier… Mais cette fois, la principale raison invoquée pour le relèvement des droits de douanes sur l'acier et l'aluminium est la protection de la sécurité nationale (article XXI du GATT), ces produits entrant dans la fabrication du matériel de transport militaire. Un argument rarement utilisé (et jusqu'à présent quasiment toujours pour des mesures d'embargo dans un contexte de conflits), mais qui pourrait dès lors être avancé par d'autres pays pour justifier des restrictions aux importations sans limitation de durée. Parallèlement, les États-Unis se sont retirés en 2017 du projet de Partenariat Transpacifique (TPP) et souhaitent renégocier certains traités commerciaux, en particulier l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Cecilia Bellora et Sébastien Jean, économistes au CEPII et spécialistes des politiques commerciales, évaluent, dans un article publié sur The Conversation et le blog du CEPII, l'impact des mesures douanières prises par Donald Trump le 8 mars 2018 sur les pays exportateurs d'aluminium et d'acier visés. L'Union européenne, à l'origine de 14% des importations concernées, serait le principal exportateur touché si le Canada et le Mexique restent exemptés. Les deux économistes reviennent sur plusieurs précédents de hausse des taxes sur les importations américaines et sur leur impact sur l'économie et les relations commerciales des États-Unis : les mesures de sauvegardes décidées par le président Georges W. Bush contre les importations d'acier en 2002, celles prises par le Président Obama contre les importations de pneus en provenance de Chine en 2009, et enfin l'application d'une surtaxe temporaire de 10% sur toutes les importations américaines décidée par le Président Nixon en 1971. Ils estiment que l'impact macroéconomique des récentes mesures serait principalement indirect. Ces dernières risquent d'une part d'aggraver les difficultés du marché européen de l'acier et de l'aluminium, déjà en surcapacités, et d'autre part de déclencher une guerre commerciale dont les coûts induits seraient probablement élevés.
Plusieurs billets à lire sur le blog du CEPII :
Cecilia Bellora et Sébastien Jean, "Pour comprendre la crise des importations américaines d'acier et d'aluminium", Blog du CEPII, billet du 13 mars 2018.
Résumé : Le jeudi 8 mars 2018, le Président Donald Trump a confirmé la mise en place de droits à l'importation de 25% sur un grand nombre de produits en acier et de 10% sur les produits en aluminium. Les mesures seront effectives à partir du 23 mars, elles s'ajoutent aux mesures douanières déjà existantes sur ces produits (les exportations européennes d'acier à destination des États-Unis font aujourd'hui face à des droits de douane d'environ 3%).
Sébastien Jean, "Face aux menaces commerciales américaines, l'Europe doit réagir fermement", Blog du CEPII, billet du 13 mars 2018.
Résumé : L'annonce par Donald Trump de la décision imminente de frapper les importations américaines d'acier d'une taxe de 25% et celles d'aluminium de 10% n'est pas seulement un incident commercial de plus. Si elle était confirmée, elle serait profondément déstabilisante pour les relations commerciales internationales et leur cadre institutionnel, pour plusieurs raisons. La réplique de l'Union européenne doit être ferme et coordonnée avec ses partenaires.
Jean-François Boittin, "Acier et aluminium : le défi de Donald Trump", Blog du CEPII, billet du 13 mars 2018.
Résumé : La décision du Président Trump sur les importations d'acier et d'aluminium, prise au nom d'une prétendue "sécurité nationale", représente un défi pour l'OMC. Elle souligne aussi la relativité des engagements internationaux des États-Unis, y compris en matière de défense.
Voir également l'analyse de Patrick Artus sur Natixis Recherche :
"Le protectionnisme aux États-Unis est une mauvaise idée pour les États-Unis, à court terme et à long terme", Flash Économie n°261, 8 mars 2018.