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Avis de tempête sur le commerce international : quelle stratégie pour l'Europe ? CAE. Juillet 2018.

Publié le 15/07/2018

Face aux attaques américaines des règles multilatérales, une guerre commerciale mondiale ne peut plus être exclue et aurait pour effet, d'après cette note du conseil d'analyse économique, une baisse permanente d'environ 3,3% de PIB, soit plus de 1125 euros par an par habitant en France. L'impact serait comparable à celui de la Grande récession de 2008‐2009. Les trois auteurs de l'étude en concluent que la stratégie européenne doit être d'abord de défendre le multilatéralisme, en adoptant des mesures de rétorsion proportionnées, mais aussi par une offre de négociation sur les sujets légitimes. Il s'agit aussi de donner une nouvelle dimension aux accords commerciaux. Ceux‐ci peuvent être interprétés comme une «police d'assurance» en cas de guerre commerciale et doivent mieux répondre aux préoccupations liées à l'ouverture des échanges, tout particulièrement dans le domaine fiscal et environnemental.

Note du CAE n°46, 3 juillet 2018.

Communiqué de presse.

par Sébastien Jean, Philippe Martin et André Sapir.

Résumé

Le système multilatéral commercial est aujourd'hui gravement menacé par le pays qui en a été l'inspirateur principal, les États-Unis. La position américaine focalisée sur les déséquilibres commerciaux bilatéraux qui résulteraient de politiques commerciales déséquilibrées est une erreur d'analyse. Elle n'a non seulement que peu de sens en présence de chaînes mondiales de valeurs mais elle rate aussi sa cible : ce sont les déséquilibres des balances commerciales agrégées qui posent problème et celles-ci dépendent surtout du différentiel entre investissement et épargne domestiques et peu de la politique commerciale.

Cette Note analyse d'abord les conséquences économiques d'une guerre commerciale généralisée. Nos estimations suggèrent qu'elle aurait un effet permanent sur le PIB par habitant d'ampleur similaire sur les trois grandes puissances mondiales (Union européenne, États-Unis

et Chine), d'environ 3 à 4% de PIB. L'impact serait comparable à celui de la Grande récession de 2008-2009. Il serait beaucoup plus grave pour les petits pays. L'Union européenne est en partie protégée par la taille de son marché intérieur. En outre, les effets de court terme devraient être plus importants du fait du choc négatif de demande et d'offre que subirait l'économie mondiale. Pour cette raison, l'Union européenne doit s'engager résolument dans une stratégie de défense du multilatéralisme commercial.

Nous recommandons de combiner l'adoption de mesures de rétorsion fermes et crédibles en réponse aux attaques actuelles et l'initiative d'une offre de négociations multilatérales ou plurilatérales sur les sujets légitimes : déséquilibres macroéconomiques, fonctionnement du règlement des différends à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), réciprocité des engagements et mise à jour des règles sur les subventions, les entreprises d'État et sur le droit de la propriété intellectuelle. L'Europe a cependant besoin d'un plan B tant une négociation plurilatérale ou multilatérale avec l'Administration américaine semble difficile.

À court terme cela nécessite, par exemple, de fédérer un club de pays afin d'identifier et mettre en œuvre des stratégies de contournement du blocage américain de l'OMC au niveau de l'organe d'appel.

Nous recommandons par ailleurs de poursuivre une politique ambitieuse d'accords commerciaux. Les gains économiques que nous prédisons sont modestes. Mais ils peuvent jouer un double rôle de «police d'assurance» en cas de guerre commerciale généralisée et ils peuvent être utilisés comme un levier sur des sujets non commerciaux. Ces accords doivent donc changer de nature et répondre à deux des principales inquiétudes sur la mondialisation : la protection de l'environnement avec la question du changement climatique et les problèmes liés à l'évasion et l'optimisation fiscales.

Nous recommandons donc de conditionner la signature d'un accord commercial à l'adoption du plan d'action de l'OCDE de lutte contre l'érosion de la base fiscale ainsi qu'à la mise en œuvre de l'Accord de Paris sur le climat. Nous proposons des mesures progressives de contrôle et de sanction pour en assurer la mise en œuvre effective.

Sommaire

  • Mondialisation, inégalités et montée du populisme
  • Les attaques contre le multilatéralisme et la position inconfortable de l'Union européenne
  • Éviter la guerre commerciale

Quels effets d'une guerre commerciale généralisée ?
Sauvegarder le multilatéralisme

  • Quel rôle des accords commerciaux ?

Qui gagne aux accords commerciaux ?
La dimension «assurantielle» des accords commerciaux
Pourquoi introduire d'autres objectifs que le commerce dans des accords commerciaux ?
Comment faire ?
Accords commerciaux et coopération fiscale
La dimension environnementale

  • Encadré : Quel accord commercial post-Brexit avec le Royaume-Uni ?

Graphique effets d'une guerre commerciale "totale" ou "limitée" en % du PIB