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Comment expliquer la sous-représentation des femmes dans les écoles d’ingénieurs les plus sélectives ? IPP. Mai 2025.

Publié le 07/09/2025

Note de l'Institut des Politiques Publiques n° 115, mai 2025.

Par Cécile Bonneau et Léa Dousset.

Version téléchargeable

Résumé

Cette note s'appuie sur une base de données inédite, construite à partir d'un appariement entre les données administratives exhaustives du Service de concours écoles d'ingénieurs, des données administratives du ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, ainsi que de données collectées auprès de 18 classes préparatoires scientifiques en France métropolitaine couvrant la période 2015-2023.

Bien que les femmes soient majoritaires dans l'enseignement supérieur en France, elles restent fortement sous-représentées dans les grandes écoles d'ingénieurs, notamment les plus sélectives. Ces écoles recrutent sur concours, censés garantir une sélection objective fondée sur les performances académiques. Leur préparation exige deux à trois années en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE), réputées pour leur intensité. La faible proportion de femmes admises dans les écoles les plus sélectives pourrait s'expliquer par deux types de facteurs : des écarts de performance (avant ou pendant la CPGE, ou au moment du concours), ou des différences de préférences quant aux concours présentés ou au choix d'affectation.

Les analyses des auteures de cette note permettent d'écarter le rôle des performances avant l'entrée en CPGE comme cause principale, car ce facteur joue en réalité en faveur des femmes. Le cœur de l'explication réside dans une inversion progressive de l'écart de performance entre les femmes et les hommes au cours des années de classe préparatoire, notamment dans les filières les plus sélectives et compétitives, les classes « étoile ». Ce résultat suggère que des modalités de préparation des concours fortement compétitives peuvent engendrer des coûts en matière d'équité de genre.

Ce décrochage se double d'un léger désavantage des femmes le jour du concours, qui contribue également– bien que dans une moindre mesure – à leur sous-représentation dans les écoles d'ingénieurs les plus sélectives. Ainsi, les femmes représentent seulement 20 % des effectifs de ces écoles, contre 25 % de ceux des CPGE scientifiques.

Sommaire

  • Contexte institutionnel
  • Echantillon d'analyse
  • Décomposition des écarts de genre dans l'accès aux écoles d'ingénieurs les plus sélectives
  • L'effet d'un environnement de préparation compétitif sur les performances académiques selon le genre

Cliquez sur l'image pour agrandir les figures.

Décomposition de l’écart de genre dans l’accès aux grandes écoles d’ingénieurs les plus sélectives

Panel (a) : 25,3% des étudiants de CPGE scientifiques de notre échantillon ont intégré l’une des 10% des écoles d’ingénieurs les plus sélectives, contre 20,2% de leurs homologues féminines, soit un écart de 5,1 points de pourcentage.
Panel (b) : 24 %de cet écart s’explique par l’effet du « jour J ». Autrement dit, à caractéristiques démographiques comparables, à performances scolaires équivalentes avant et pendant la CPGE, et à comportement de candidature similaire, les femmes obtiennent e moyenne de moins bons résultats que les hommes aux épreuves écrites du concours. Cette sous-performance le jour des épreuves contribue à hauteur de 24% de l’écart global observé entre les sexes dans l’accès aux écoles les plus sélectives.

 

Lecture : Ce graphique présente la décomposition de l’écart entre les hommes et les femmes dans l’accès aux 10% des écoles d’ingénieurs les plus sélectives (voir l’encadré 2 pour la définition de la sélectivité). La décomposition repose sur une méthode d’ajout progressif de contrôles afin de mesurer la réduction (ou l’accroissement) de l’écart initial (5,1 points de pourcentage). Sont inclus : des variables démographiques, les performances scolaires antérieures (mesurées via la mention obtenue au baccalauréat) ; des effets fixes pour l’année, le lycée de la CPGE et la filière (MP, PC, PT, PSI) ; les résultats pendant la CPGE sont mesurés par les notes obtenues au cours du premier semestre de première année et au second semestre de deuxième année; le fait d’avoir fréquenté une classe étoile en deuxième année est également intégré comme variable de contrôle de la performance en CPGE; les comportements de candidature aux concours des écoles d’ingénieurs les plus sélectives sont contrôlées par des variables indicatrices des concours présentés ; l’effet du « jour J » est contrôlé à partir du classement obtenu par les candidats à chacun des concours les plus sélectifs ; enfin, les préférences exprimées par les candidats sont contrôlées à l’aide d’indicatrices indiquant si chaque grande école sélective figure ou non dans leur liste de voeux. Nombre d’observations : N = 8 779.

Sources : Données du SCEI et des 18 CPGE ayant participé à l’enquête. Note de l'IPP n° 115, mai 2025.

Pour aller plus loin

Buisson-Fenet H., Rakoto-Raharimanana H., Albenga V., Garcia M-C, Depoilly S., Guérandel C., Lemarchant C., Bernard P-Y., Michaut C., Moreau M-P., Pons X., Gindt-Ducros A., Devineau S., Jarty J. (2014), « Ecole des filles, école des femmes », SES-ENS.