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COVID-19 : le décryptage de la pandémie par les sciences sociales. Avril 2020.

Publié le 05/05/2020
Les éclairages des chercheur·e·s en sciences sociales sur la crise du Covid-19

La crise sanitaire du coronavirus et le confinement représentent un choc majeur sur notre société dont l'organisation est bouleversée. L'apport des sciences sociales, notamment de la sociologie, de l'anthropologie, de la science politique, de la démographie, s'avère indispensable pour saisir les impacts et les enjeux de cette situation inédite. Quels sont les effets de la crise sur le lien social, les formes de solidarité, les conditions de travail, les modes de consommation ? Quelles sont les populations les plus vulnérables ? Quelles inégalités révèle-t-elle ? Quelles sont les attitudes (socialement différenciées) des individus face au risque ? Comment la démographie est-elle affectée ? Que fait l'état d'urgence sanitaire à la démocratie ? Comment analyser la gestion de la crise sanitaire ? etc. La communauté des chercheurs et chercheuses s'est fortement mobilisée depuis le mois de mars pour tenter de répondre aux nombreuses questions soulevées la crise sanitaire et produire les premières analyses « à chaud ». Par ailleurs, plusieurs projets d'enquêtes ont été lancés par des sociologues, anthropologues et politistes, pour étudier plus précisément l'impact du confinement sur les conditions de vie et les relations sociales, ainsi que l'attitude des citoyens face aux politiques publiques.

Vous trouverez ci-dessous une sélection d'articles et billets classés par thèmes et des sites utiles pour trouver des ressources ou accéder aux résultats des enquêtes en cours. Du fait du très grand nombre de publications, nous avons privilégié les articles en français. Les éclairages des chercheurs.ses en économie sur la crise du Covid-19 font l'objet de publications spécifiques dans notre rubrique Actualités : Crise du coronavirus : impacts, enjeux et politiques économiques. Mars 2020.

Inégalités face à l'épidémie

► Didier Fassin, Du Coronavirus en Amérique. AOC, 19 mars 2020 (accès restreint).

Le 11 mars dernier, Donald Trump annonçait la fermeture des frontières des États-Unis à l'Europe. Une intervention qui mettait fin à la dénégation persistante du Président mais qui révélait également son inaptitude à endiguer la crise. Xénophobie d'État, nationalisme scientifique, guerre économique, inégalités sociales, absence de solidarité : le coronavirus dévoile, plutôt qu'il ne produit, les maux qui rongent la société états-unienne.

« Le coronavirus, "c'est la revanche des petites inégalités" », entretien avec François Dubet. Public Sénat, 1er avril 2020.

François Dubet, sociologue, Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, et ancien directeur d'études à l'EHESS voit en la crise du Covid-19 un exhausteur des « petites inégalités » jusqu'à présent invisibles dans notre société. Un terreau d'injustices potentiellement dangereux pour l'après-crise.

« L'épreuve du confinement révèle des inégalités qui peuvent devenir haine », entretien avec François Dubet par Denis Lafay, La Tribune, 6 avril 2020.

► Nancy Fraser : « Aux États-Unis, l'épidémie met en lumière les problèmes systémiques et structurels ». France Culture, « Coronavirus : une conversation mondiale », 8 avril 2020.

Depuis New-York, la philosophe Nancy Fraser analyse la crise actuelle comme une mise à nu des problèmes systémiques et structurels du système de santé américain.

► Axelle Brodiez-Dolino, En situation de crise, quid des plus démunis ? The Conversation, 8 avril 2020.

Les sans-abri et les populations fragiles sont plus vulnérables face à la pandémie. Les grandes crises du passé permettent de prendre la mesure de cette vulnérabilité et d'observer les réponses apportées.

► Renaud Epstein et Thomas Kirszbaum, Épidémie virale et panique morale : les quartiers populaires au temps du Covid-19. AOC, 15 avril 2020 (accès restreint).

Les quartiers populaires fournissent le gros des troupes face à l'épidémie de Covid-19. Il n'est donc pas interdit d'espérer qu'à la « guerre sanitaire » succédera une bataille politique et sociale, pour que leurs habitants ne soient plus considérés comme une menace, mais voient leurs mérites reconnus et les risques disproportionnés qu'ils encourent enfin pris en compte. N'en déplaise aux spécialistes de la stigmatisation qui ont encore donné de la voix ces derniers jours.

► Grace A. Noppert (Postdoctoral Scholar in Epidemiology), États-Unis : pourquoi les Noirs et les pauvres sont les plus touchés par le Covid-19. The Conversation, 19 avril 2020.

Aux États-Unis, le taux de mortalité dû au Covid-19 est plus élevé chez les Noirs que chez les Blancs, ce qui constitue une nouvelle illustration des inégalités existant dans le pays.

► Jocelyn Lachance, auteur de La famille connectée (Ed. érès, 2019), Sommes-nous égaux face aux écrans en période de confinement ? The Conversation, 19 avril 2020.

En temps « normal », les parents et leurs enfants éprouvent déjà des difficultés à gérer les usages. Quelles évolutions alors que le télétravail et les relations sociales virtuelles se généralisent ?

Peut-on éviter une crise sociale en plus de la crise sanitaire en France ? Entretien avec Serge Paugam, RFI, 21 avril 2020 (00:05:36 et 00:14:00).

Inégalités liées au logement, au travail, à la capacité de bien manger… On voit ces inégalités s'accentuer avec la crise, on voit aussi apparaître de nouvelles catégories de personnes fragilisées, précarisées… comme on voit apparaître, depuis quelques semaines, de nouvelles formes de solidarité.

► Camille Froidevaux-Metterie, Le poids des émotions, la charge des femmes. AOC, 21 avril 2020 (accès restreint).

L'épidémie de Covid-19 est l'occasion de mettre en évidence le « travail émotionnel » effectué au quotidien par les femmes, que ce soit professionnellement ou dans la sphère privée. C'est à elles qu'incombe presque exclusivement la gestion de ces émotions qui ont été marchandisées et standardisées à mesure que les métiers du care se sont développés. Les conséquences de la crise sanitaire sur la santé mentale de toutes celles qui supportent le poids des émotions risquent d'être incommensurables.

► Eric Marliere, Dans les cités, le sentiment d'injustice s'intensifie avec le confinement. The Conversation, 27 avril 2020.

Pour beaucoup de jeunes de quartiers populaires, le confinement est vécu comme insurmontable, injuste, suspect et a récemment donné lieu à de fortes violences.

Inégalités femmes-hommes : y a-t-il une lecture de genre de la crise ? France Culture, Emission Le temps du débat, avec Hélène Périvier, Laure Murat et Laura Freixas, 29 avril 2020.

Les professions en « première ligne » dans la crise sont des professions mal rémunérées, dans lesquelles les femmes sont surreprésentées. Dans le même temps certains prêtent aux femmes dirigeantes une meilleure gestion de ce moment. Inégalités structurelles, biais de genre : quels enseignements ?

► Ryoa CHUNG, Une pandémie qui met en lumière les injustices sociales. The Conversation, 1er mai 2020.

Les épidémies révèlent les inégalités tolérées en temps « normal » mais qui auront ont un impact délétère sur la santé d'une population si des mesures ne sont pas prises pour compenser ces injustices.

Conditions de vie et de logement

► Anne Lambert, Avec le coronavirus et le confinement, le scandale des inégalités sociales éclate. Le HuffPost, 19 mars 2020.

Soignants, fonctionnaires, prolétariat urbain endiguent l'épidémie tandis que les classes supérieures fuient. Il faudra s'en souvenir. Il faudra que justice se fasse.

► Julien Damon, Sans-abri et épidémie : que faire ? Note de la Fondation Jean Jaurès, 18 mars 2020.

L'épidémie du coronavirus met davantage en danger les populations fragiles, dont les sans-abri. Vulnérables physiquement et exposés publiquement, quand ils sont totalement à la rue, ils subissent souvent des niveaux élevés d'exiguïté et de promiscuité quand ils sont dans les centres d'hébergement. Pour Julien Damon, professeur associé à Sciences Po et conseiller scientifique de l'École nationale supérieure de la sécurité sociale, se posent la question de l'ajustement des services, mais aussi des problèmes plus fondamentaux comme celui du consentement au confinement. Actualisation : À l'épicentre de l'épidémie : les sans-abri (Télos, 23 mars 2020).

► Fanny Parise, Le confinement, une transition vers de nouveaux modes de vie ? The Conversation, 2 avril 2020.

Décryptage anthropologique de l'impact du confinement comme initiation à un nouveau mode de vie dans les sociétés néolibérales, à travers la présentation des premiers résultats de l'étude Consovid-19, une enquête quantitative en ligne sur le quotidien du confinement.

► Anne Lambert, Fanny Bugeja, Logement : comment la crise sanitaire amplifie les inégalités. The Conversation, 7 avril 2020.

Si le confinement imposé par l'épidémie de Covid-19 fait ressortir le drame du mal-logement, il exacerbe aussi les écarts entre les 65 millions de Français vivant dans des logements dits ordinaires.

► Confinement – Conditions de vie. Projet COCONEL (COronavirus et CONfinement), Note de synthèse, vague 1, avril 2020.

Cette note détaille les principaux résultats de la première vague de l'enquête (1012 enquêtés, interrogés du 27 au 29 mars), réalisée après 10 jours de confinement, sur les aspects suivants : confinement et conditions de vie ; proximité personnelle au COVID-19 ; opinions à l'égard du confinement ; pronostic sur la durée de l'épidémie.

Dix jours après sa mise en place, le confinement a déjà un impact très significatif sur le travail et les finances, et en outre socialement différencié, qui contribue à creuser des inégalités sociales existantes. De plus, il induit des vulnérabilités elles-aussi contrastées selon les caractéristiques sociodémographiques (isolement, en particulier des plus âgés ; promiscuité, en particulier dans les banlieues modestes).

► Collectif, Confinement pour tous, épreuve pour certains Les résultats de la première vague d'enquête du projet CoCo. Projet CoCo « Faire face au Covid-19 », Policy Brief #1, 20 avril 2020.

Ce premier rapport préliminaire du projet de recherche « Faire face au Covid-19 » (voir ci-dessous) est consacré à la manière dont la population française a fait face aux deux premières semaines de confinement. Nous constatons que le virus est devenu rapidement une menace tangible : environ quatre personnes sur dix connaissent quelqu'un qui a été infecté. Malgré cela, les trois quarts de la population française déclarent ne pas se sentir trop stressés. Dans certains cas, cette expérience est vécue avec philosophie : les longues heures passées à la maison permettent de ralentir le rythme et de réfléchir au sens de la vie. Plus que tout, c'est l'accès à la nature et aux espaces verts qui soulage ceux qui tentent de s'adapter à une organisation sociale désormais centrée sur le domicile. Pourtant, des fissures transparaissent. Les femmes, les personnes nées à l'étranger et les individus confrontés à des difficultés financières sont soumis à des tensions émotionnelles plus fortes que le reste de la population. Les inégalités entre les sexes ont été renforcées pendant le confinement : les femmes consacrent encore plus de temps à nettoyer et à prendre soin des autres. Bien que le Covid-19 ait tendance à frapper davantage les hommes, les conséquences du confinement affectent plus intensément les femmes.

Ecouter : Podcast CNRS le Journal, Mirna Safi, directrice de l'Observatoire sociologique du changement, Le confinement changera-t-il la vie des Français ? (27/04/20).

► Anne Lambert, Fanny Bugeja, Le logement, vecteur des inégalités. La Vie des idées, 27 avril 2020.

La qualité de l'habitat augmente, mais également les inégalités de logement entre catégories socio-professionnelles, que le confinement rend particulièrement visibles. Surface, surpeuplement, localisation et accès à l'extérieur figurent parmi les indicateurs de cette hiérarchie sociale.

► Collectif, Dans l'œil du cyclone. La société française après un mois de confinement, Projet CoCo « Faire face au Covid-19 », Policy Brief #2, 4 mai 2020.

Deuxième rapport préliminaire du projet de recherche « Faire face au Covid-19 » (voir ci-dessous). Nous analysons ici la façon dont la société française a fait face à ce premier mois de confinement, notamment en ce qui concerne les préoccupations sur l'état de l'économie, la santé et le bien-être autodéclarés, et enfin l'enseignement à la maison.

► Pierre Gilbert, Le Covid-19, la guerre et les quartiers populaires. Métropolitiques, 16 avril 2020.

Accusés d'aggraver la pandémie en raison de leur supposée « incivilité », les habitants des quartiers populaires sont montrés du doigt par des discours réactivant le fantasme du ghetto urbain. De nombreuses inégalités – de logement, santé, travail et transport – rendent pourtant le confinement particulièrement difficile dans les cités HLM, et exposent davantage leurs habitants au coronavirus.

► Bernard Vincent et al., Logements suroccupés, personnes âgées isolées... : des conditions de confinement diverses selon les territoires. Insee Focus, n° 189, 21 avril 2020.

Les mesures de confinement mises en place depuis le 17 mars 2020 touchent de façon différenciée les populations, selon le type de logement qu'elles occupent ou la composition de leur ménage. Cinq millions de personnes vivent dans un logement au nombre de pièces insuffisant. Par ailleurs, dix millions de personnes, dont 2,4 millions de 75 ans ou plus, vivent seules dans leur logement. En période de confinement, certaines populations peuvent être davantage fragilisées : les familles monoparentales avec de jeunes enfants dans des logements trop petits ou les personnes âgées vivant seules, dans des zones rurales éloignées des commerces d'alimentation générale. Si les technologies numériques peuvent faciliter l'accès à la vie économique et sociale ou permettre de rester en contact avec les siens, les populations âgées ou peu diplômées en sont davantage privées, ayant moins accès à Internet et des difficultés accrues à les mobiliser.

Le confinement, reflet des inégalités sociales liées au logement et au niveau de revenu des Français, Le Monde, 21 avril 2020 (accès restreint).

La manière de vivre la crise sanitaire et économique est très dépendante du niveau de vie, selon l'enquête Ipsos-Sopra Steria pour le Cevipof.

► Julien Damon, Les bidonvilles contre le coronavirus, le confinement contre les bidonvilles. Note de la Fondation Jean Jaurès, 29 avril 2020.

Le coronavirus touche aussi les pays en développement. Il faut y imaginer l'impact potentiel de l'épidémie dans les bidonvilles de métropoles colossales, là où se conjuguent insalubrité de l'habitat et importante densité de population. Pour le moment, les conséquences sanitaires semblent relativement légères. En revanche, le choc économique et la récession qui s'annonce s'avèrent très sévères, indique le sociologue Julien Damon.

Travail et télétravail

► Emilie Biland-Curinier, Télétravail et travail domestique: nos vies confinées sont inégalitaires. Blog Mediapart, 20 mars 2020.

En réunissant les deux faces, domestique et professionnelle, du travail, le confinement révèle les puissantes inégalités qui structurent la vie privée et le monde du travail. Il nous incite à poursuivre, depuis nos foyers, les luttes pour la justice sociale et l'émancipation féministe qui nous ont tant mobilisées dans les derniers mois.

► Dave Cook (anthropologue), La Covid-19 force le télétravail. Une étude lève le voile sur ses risques cachés. The Conversation, 24 mars 2020.

COVID-19 a obligé beaucoup d'entre nous à travailler de la maison. Un anthropologue, qui a observé un groupe de travailleurs à distance, soulève quelques inquiétudes et partage quelques conseils.

► Sylvain Brouard, Les effets du Coronavirus sur l'emploi et ses caractéristiques en France. CEVIPOF, Attitudes des citoyens face au COVID-19, Note 1, 30 mars 2020.

Au-delà de ses conséquences sanitaires dramatiques, la pandémie de coronavirus (COVID-19) a entraîné l'adoption de mesures drastiques de santé publique qui affectent d'une manière inédite le fonctionnement des entreprises et les conditions de travail. La fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées et universités puis des commerces non essentiels suivie par le confinement des Français, l'interdiction des regroupements et l'adoption de règles de distanciation spatiale a brusquement transformé l'activité des entreprises et administrations.

► Claire Le Breton (doctorante EM Lyon réalisant une thèse sur les travailleurs des plates-formes de livraison de repas à domicile), Confinement : les livreurs de repas à domicile toujours plus déshumanisés. The Conversation, 31 mars 2020.

Le contexte de pandémie amplifie l'indifférence des clients au sort des coursiers de l'économie des plates-formes.

► Alizée Delpierre (doctorante au CSO, Sciences Po), Travailleur·e·s à domicile : envisager une vraie protection au-delà de la crise, The Conversation, 31 mars 2020.

Interrogeons frontalement ce que la crise fait en ce moment aux travailleur·e·s des services à la personne à domicile, et soulignons ce qui peut être concrètement fait pour les protéger.

► Alizée Delpierre, Quand la crise sanitaire interroge le travail invisible : le cas des employé.e.s domestiques. Site du CSO, 10 avril 2020.

La prise de mesures strictes de confinement depuis plus de deux semaines a fait couler beaucoup d'encre chez les journalistes et les chercheur.e.s dans la presse, notamment à propos de l'utilité sociale des métiers et de leurs hiérarchies symbolique et économique. Si les soignant.e.s de la fonction publique hospitalière sont au premier plan, ce sont aussi d'autres métiers habituellement invisibles qui sont mis en lumière : les caissières, les éboueurs, ou encore les travailleur.e.s du bâtiment et les aides à domicile. C'est à propos de ces dernières, et plus largement des travailleur.e.s qui prennent soin des autres et font le travail domestique chez les autres, qu'il s'agit ici d'apporter quelques pistes de réflexion pour la recherche sociologique.

► Hadrien Clouet, Travailleurs confinés, conflits débridés ? Site du CSO, 21 avril 2020.

La décision de confiner les populations a été prononcée au milieu d'une enquête sociologique en cours portant sur le travail d'agents dans une organisation publique. J'ai pu continuer les entretiens par visioconférences avec des agents en télétravail ou en activité maintenue, tout en m'attachant à interroger les autres membres du foyer confinés pour multiplier les expériences étudiées. Dans ce cadre, je collecte depuis un mois des matériaux de recherche sur les négociations professionnelles et les conditions d'emploi. Voici réunis ici quelques éléments préliminaires d'analyse, permettant de réfléchir aux conflits du travail sous Covid-19 au sein des entreprises.

Voir également l'article : Confinement du temps de travail – élargissement du surtravail ? dans le Carnet de recherche Confinements, 15 avril 2020.

► Marianne Le Gagneur (doctorante à l'Iris), 2020, l'année du télétravail ? Carnet de l'EHESS, 22 avril 2020.

Deux événements majeurs ont récemment entraîné la diffusion du télétravail, comme mode d'organisation palliatif, en France : les grèves interprofessionnelles de décembre 2019 et janvier 2020, puis l'épidémie de Covid-19 que nous traversons actuellement. Ce mode de travail à distance permet alors, dans des conditions développées plus bas, de continuer l'activité professionnelle dans le cadre de déplacements contraints. Face à son développement accéléré et soudain, quels enjeux peut-on observer dans le recours au télétravail, à partir de ce que l'on sait de ce phénomène dans sa pratique antérieure ?

Bascule-t-on vers un autre monde du travail ? France Culture, Emission Le temps du débat, avec Antonio Casilli, Sophie Bernard, Carole Grandjean, 1er mai 2020.

Taux de chômage en forte hausse, nouvelle échelle de valeurs et d'utilité sociale, visibilisation des précaires, télétravail : la crise sanitaire a bousculé notre quotidien de travailleurs et travailleuses, jusqu'à ce 1er Mai bien empêché.

Lien social et nouvelles formes de solidarité

► Dominique Boullier, Virus, mèmes et bonnes pratiques : la compétition des propagations. The Conversation, 23 mars 2020.

Messages d'alerte ou de soutien sur les réseaux sociaux, bonnes pratiques, peurs, fake news, tout se diffuse selon un même modèle de viralité.

Penser l'engagement solidaire en temps de crise, Entretien avec le sociologue Tommaso Vitale. Revue Projet, 3 avril 2020 (en accès libre jusqu'au 3 juin 2020).

La crise sanitaire mondiale que nous traversons questionne fortement notre engagement solidaire, de surcroit en condition de confinement. Comment assurer une présence active auprès des personnes les plus vulnérables ? Quelles relations tisser ? Comment nourrir une appartenance commune ? Pour en discuter, nous avons interrogé le sociologue Tommaso Vitale, professeur à Sciences Po Paris. Italien travaillant en France, il nous partage son regard sur ce qui émerge de part et d'autre des Alpes.

► Pierre Bréchon, Avec le coronavirus, des Européens plus solidaires ou plus individualistes ? The Conversation, 28 avril 2020.

L'impact de la crise du coronavirus sur les valeurs de solidarité des Européens pourrait rester assez faible car les crises ne sont pas les principales causes du changement de valeurs.

Attitudes face au risque, santé et épidémies

► Étienne Forestier-Peyrat, Une grippe à cent millions de morts. À propos de Freddy Vinet, La grande grippe. 1918. La pire épidémie du siècle (Vendémiaire, 2018), La Vie des idées, 17 mars 2020.

Prise entre les grandes épidémies du passé et l'horreur de la guerre mondiale, la grippe de 1918-1919 a longtemps peiné à être reconnue comme un désastre sanitaire et social majeur. Les réactions face à l'épidémie actuelle témoignent d'un déni récurrent face à une maladie qui déconcerte.

► Ludovic Lestrelin, Une épidémie, c'est aussi de la sociologie. AOC, 20 mars 2020 (accès restreint).

La gestion de la crise sanitaire actuelle n'est pas la seule affaire des médecins : les questions qu'elle soulève s'étendent en effet bien au-delà de la sphère médicale, révélant par là les dysfonctionnements sociaux et politiques de notre société. Dans ce contexte, la sociologie n'offre pas seulement des armes pour penser, mais aussi pour agir.

► Camille Lancelevée et Thomas Fovet, Coronavirus : la prison en état critique. The Conversation, 25 mars 2020.

Plus de la moitié des prisonniers en France se trouvent dans une structure sur-occupée à plus de 120 %, dans ces conditions, bien difficile d'appliquer les « gestes barrière ».

► Gwenola Ricordeau, Pourquoi vider les prisons est nécessaire. The Conversation, 25 mars 2020.

Alors que la pandémie du coronavirus touche la société dans son ensemble, les prisons du monde entier se retrouvent en première ligne de cette crise tant sanitaire que sociale.

► Antoine Pelissolo, Bruno Cautrès, Jeremy K. Ward, Laurent Bibard, Patrick Zylberman, Pourquoi a-t-on peur face à l'épidémie ? The Conversation, 26 mars 2020.

Cinq experts décryptent la peur qui a saisi la planète depuis l'apparition de l'épidémie en Chine il y a plusieurs semaines.

► Ludovic Jeanne (géographe), La pandémie révèle nos rapports ambigus aux risques. The Conversation, 30 mars 2020.

Nos contradictions face à la prise de risque nous entravent, tant dans l'anticipation que dans la gestion de crise. Une typologie des attitudes face au risque.

► Michaël Mangeon et Mathias Roger, Barrières, confinement, distanciation : les leçons des accidents nucléaires, The Conversation, 30 mars 2020.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l'industrie nucléaire est le principal incubateur des mesures de distanciation et de confinement mises en place pour prévenir les accidents et les crises.

► Bruno Latour, Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d'avant-crise. AOC, 30 mars 2020 (accès restreint).

Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L'inventaire annuel, c'est maintenant qu'il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l'identique tout ce que nous faisions avant.

« La crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n'est pas une crise – toujours passagère – mais une mutation écologique durable et irréversible. Si nous avons de bonne chance de « sortir » de la première, nous n'en avons aucune de « sortir » de la seconde. Les deux situations ne sont pas à la même échelle, mais il est très éclairant de les articuler l'une sur l'autre. En tout cas, ce serait dommage de ne pas se servir de la crise sanitaire pour découvrir d'autres moyens d'entrer dans la mutation écologique autrement qu'à l'aveugle. »

Bruno Latour était l'invité du grand entretien du 8h20 sur France Inter le 30 mars 2020.

► Sociologie du risque et crises sanitaires : un éclairage sur la pandémie du coronavirus, entretien avec Patrick Peretti-Watel, SES-ENS, 8 avril 2020.

La pandémie du coronavirus témoigne de la place centrale qu'occupe le risque dans les sociétés contemporaines, à la fois en tant que préoccupation sociale et produit de leur développement. Dans cet entretien, le sociologue Patrick Peretti-Watel revient sur la manière dont la sociologie appréhende le risque et les questions sociales que soulèvent les crises sanitaires et leur gestion. Il nous explique que les représentations, les attitudes face au risque et la différenciation sociale de l'exposition au risque sont des éléments à ne pas négliger lorsqu'on cherche à prévenir un risque sanitaire.

► Sylvain Brouard, Pavlos Vasilopoulos, Les effets sanitaires invisibles. CEVIPOF, Attitudes des citoyens face au COVID-19, Note 5, 9 avril 2020.

Lorsque le 16 mars 2020 au soir, Emmanuel Macron annonce les mesures de confinement en France, l'objectif poursuivi est de minimiser la propagation de la pandémie de coronavirus et le nombre de ces victimes. La mesure adoptée, inédite dans la France de l'après-guerre, implique une rupture de la sociabilité des Français dans un contexte hautement anxiogène. En protégeant de la diffusion du virus, elle expose cependant également une part importante des Français aux risques propres à l'isolement social ou à la cohabitation familiale en vase clos, aux effets de l'ennui, de l'inactivité voire du désœuvrement, à l'impact du bouleversement radical de la vie quotidienne, au stress du travail et de l'enseignement à distance, etc. Après deux semaines de confinement, quel bilan peut-on tirer ? Pour y répondre, nous nous appuierons sur les trois enquêtes IPSOS menées les 16 et 17 mars 2020, 24 et 25 mars 2020 ainsi que les 1er et 2 avril 2020 pour le projet « Attitudes des citoyens pendant la pandémie de Covid-19 ».

► Didier Fassin, L'illusion dangereuse de l'égalité devant l'épidémie. Collège de France, 16 avril 2020.

Didier Fassin est professeur à l'Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d'études à l'EHESS. Il a été invité à occuper en 2019-2020 la chaire Santé publique du Collège de France, créée en partenariat avec Santé publique France, dont la leçon inaugurale L'inégalité des vies s'est tenue le 16 janvier dernier. Ses cours au Collège de France sont reportés à l'année académique 2020-2021.

« L'humanité a toujours vécu avec les virus », entretien avec l'historienne Anne Rasmussen. Journal du CNRS, 17 avril 2020.

De la peste noire au Covid-19 en passant par la grippe espagnole ou Ebola, nos sociétés ont souvent été traversées par des crises sanitaires. Historiquement, les grandes épidémies comme la grippe espagnole ont été traumatisantes, mais des maladies endémiques comme la tuberculose ou la syphilis auraient plus profondément marqué les sociétés, estime l'historienne Anne Rasmussen.

► Confinement – Impact santé mentale. Projet COCONEL (COronavirus et CONfinement), Note de synthèse, vague 2, avril 2020.

Cette note détaille les principaux résultats de la seconde vague (1005 enquêtés, interrogés du 31 mars au 2 avril), réalisée après deux semaines de confinement, et revient sur certains aspects encore inexploités de la vague 1 : les troubles du sommeil, les signes de détresse psychologique, la proximité personnelle au COVID-19, l'acceptabilité d'un vaccin contre le COVID-19, et enfin le pronostic sur la durée de l'épidémie.

► Confinement – Masques, Chloroquine, Vaccins. Projet COCONEL (COronavirus et CONfinement), Note de synthèse, vague 3, avril 2020.

Cette note détaille les principaux résultats de la troisième vague (1006 enquêtés, interrogés du 7 au 9 avril), réalisée après trois semaines de confinement. Elle aborde les opinions des Français à l'égard du confinement, des masques, de la chloroquine, d'un éventuel vaccin contre le COVID-19, et enfin leur pronostic sur la durée de l'épidémie.

► Eric Macé, Nous ne sommes pas en guerre, nous sommes en « care ». The Conversation, 5 mai 2020.

À mesure que l'épidémie connaît une « grande accélération » en écho à celle du changement climatique, il nous faut intégrer la notion de « care » dans nos interdépendances.

Démographie, mortalité

► Alain Bayet, Sylvie Le Minez et Valérie Roux, Mourir de la grippe ou du coronavirus : faire parler les chiffres de décès publiés par l'Insee… avec discernement. Blog de l'Insee, 7 avril 2020.

Les données sur les décès par département que l'Insee diffuse exceptionnellement depuis le vendredi 27 mars concourent à estimer la surmortalité dans notre pays. C'est à partir de cette surmortalité que les experts évaluent l'impact des épidémies de grippe. Il faudra du temps pour dresser un bilan statistique rigoureux des conséquences du virus sur la mortalité en France, comme dans le monde.

► Gilles Pison et France Meslé, Comment la France compte-t-elle ses morts ? et La statistique publique face à l'urgence du décompte des morts. The Conversation, 15 avril 2020.

Depuis le début de l'épidémie de Covid-19, l'avalanche d'informations sur le nombre des morts laisse une impression contradictoire : ils seraient comptés jour après jour mais gravement sous-estimés. Comment le décompte des décès, qui prend du temps, s'adapte-t-il lors d'une crise ? La statistique publique est l'héritière d'une tradition administrative dont les temps de production sont peu compatibles avec l'urgence.

Entretien de France Meslé et Jean-Marie Robine (INED) sur la collecte de données sur les décès liés au COVID-19, 31 mars 2020.

► Dominique Andolfatto, Covid-19 et surmortalité en France. Revue Politique et Parlementaire, 10 avril 2020.

Dominique Andolfatto, professeur de science politique à l'Université  de Bourgogne, Credespo, revient  sur les treize épisodes de surmortalité qu'a connus la France depuis 1946.

Nature, science et environnement

► Dominique Linhardt, Didier Raoult ou la controverse scientifique dans le temps de l'urgence ? Carnet EHESS, 27 mars 2020.

Une étude des ressorts de la controverse scientifique dans le temps de l'urgence à travers l'exemple du professeur Raoult.

► Michel Dubois, Le coronavirus peut-il altérer la confiance en la science ? Le Journal du CNRS, 1er avril 2020

La pandémie de Covid-19 entraîne une explosion des sollicitations envers les scientifiques, qui se doivent de répondre aux inquiétudes des Français tout en conseillant les politiques. Si l'indicateur de confiance semble être au beau fixe, les relations entre science et société sont bien plus complexes qu'il n'y paraît. Décryptage avec le sociologue Michel Dubois.

► Dominique Bourg, Philippe Desbrosses, Gauthier Chapelle, Johann Chapoutot, Xavier Ricard-Lanata, Pablo Servigne et Sophie Swaton, Propositions pour un retour sur Terre. La pensée écologique, avril 2020. Ce texte est extrait de l'ouvrage pour Un retour sur Terre à paraitre aux PUF en juin 2020.

Dominique Bourg était invité au grand entretien de 8h20 sur France Inter le 17 avril 2020.

► Mathieu Quet, Le pangolin pris au piège de la marchandisation de la nature. The Conversation, 28 avril 2020.

La consommation et le trafic du pangolin sont aujourd'hui montrés du doigt parmi les causes probables de la pandémie. Au-delà des pratiques et croyances liées à sa consommation locale, c'est plus généralement la marchandisation de la nature et la globalisation des marchés qu'il faut reconsidérer.

Effets politiques de la crise sanitaire : démocratie, libertés, vote, relations internationales

► Chiara Destri et Cyrille Thiébaut, De la démocratie en temps de Covid-19. The Conversation, 14 mars 2020.

Les élections municipales risquent d'être marquées par un déficit de légitimité.

► Virginie Tournay, Le vote, un rituel politique modifié par le Covid-19. The Conversation, 16 mars 2020.

Si l'onde de choc du coronavirus Covid-19 sur notre village planétaire est indéniablement de politique, ses effets sur la représentation démocratique sont encore faiblement interrogés.

► Tristan Haute, Les régularités sociales de la participation électorale à l'épreuve du Coronavirus. Blog Chercheurs, 18 mars 2020.

► Luc Rouban, Les effets politiques de l'épidémie : l'efficacité contre la démocratie ? The Conversation, 29 mars 2020.

La gestion de la pandémie par le gouvernement Macron pourrait donner lieu à de nouvelles formes de gouvernances plus autoritaires fondées sur le rejet de la démocratie représentative ordinaire.

► Jean-Dominique Giuliani, Dans la tempête. Fondation R. Schuman, Question d'Europe n°552, 30 mars 2020.

La crise sanitaire du coronavirus interroge sur ce qui se passe dans nos sociétés et sur la scène internationale : Le retour des Etats et des frontières ? - Les démocraties plus efficaces que les régimes autoritaires ? - Quand le virus emprunte les routes de la soie - Les Américains ne veulent-ils plus conduire les affaires du monde ? - L'Europe dans l'entre-deux ; L'Europe dans l'entre-deux - Nos vies ont déjà changé - Les économies marquées durablement - Des incertitudes stratégiques plus fortes.

► Elise Rousseau et Benjamin Puybareau, COVID - La gestion de crise pandémique sera-t-elle nécessairement liberticide ? Institut Open Diplomacy, 2 avril 2020.

Alors que la plupart des États occidentaux décident de prolonger le confinement pour contrer la propagation du coronavirus, certains s'interrogent sur les répercussions de cette crise sans précédent. En effet, les choix opérés pour gérer la pandémie seront déterminants, y compris pour nos systèmes politiques.

► Antoine Jardin, Epidémie, sécurité et contrôle social. Note de la Fondation Jean Jaurès, 2 avril 2020.

La crise du Covid-19 est un phénomène qui dépasse de loin la question sanitaire. Par le prisme de la santé, sous l'angle du risque de contagion, elle atteint l'ensemble des institutions sociales et de l'organisation collective. Comme au XIXe siècle, la secousse provoquée met en jeu, cette fois d'une façon nouvelle, la définition, la mise en œuvre et le contrôle de l'ordre social. Antoine Jardin, docteur en science politique, ingénieur de recherche CNRS au Cesdip, enseignant à Sciences Po et à l'Université de Versailles Saint-Quentin, livre son analyse.

► Tournay Virginie, La modification. Ce que le COVID-19 fait aux libertés publiques. Sciences Po CEVIPOF, Policy Brief #1, avril 2020.

L'expérience de la pandémie modifie les libertés publiques. Si les mesures de confinement pour contrer la menace biologique en sont l'illustration, les perceptions individuelles de l'État de droit sont aussi influencées par les bouleversements du quotidien. Ainsi, le régime de liberté a une dimension à la fois politique et sensorielle. Croiser investigation scientifique et enquête littéraire, depuis les études d'opinion sur la crise jusqu'aux fictions politiques – permet de saisir la complexité de cette modification qui s'inscrit dans un contexte de grande incertitude scientifique et sociale.

► Luc Rouban, Les conséquences politiques de la crise sanitaire : le retour de l'État. CEVIPOF, Baromètre de la confiance politique, Note #1 / vague 11bis, avril 2020.

L'un des principaux effets de la crise sanitaire provoquée par l'épidémie de coronavirus est de voir se développer des représentations bien plus favorables à la fermeture des frontières et au contrôle de l'État sur son territoire. Entre février et avril 2020, on enregistre une hausse importante de la demande de protection à l'égard de la mondialisation et cela dans toutes les catégories sociales. Cette demande marque cependant davantage l'électorat de droite. Elle porte en priorité sur le protectionnisme économique et ne traduit pas une montée en puissance de la xénophobie.

► François Héran, L'idéologie du confinement national n'est qu'un ruineux cauchemar. Le Monde, 26 avril 2020 (accès restreint).

Technique de lutte contre l'épidémie, le confinement devient une dangereuse idéologie s'il prend prétexte de la protection sanitaire pour viser les seuls migrants, souligne le sociologue François Héran dans une tribune au « Monde ». « Les contrôles aux frontières pour ralentir la propagation des épidémies sont légitimes, mais rien ne justifie de les réserver aux migrants, alors que les voyageurs internationaux sont de 140 à 200 fois plus nombreux. Ce serait déguiser une politique migratoire en politique sanitaire ».

► Sylvain Brouard, Martial Foucault, Eric Kerrouche, Pandémie et mesures limitant les libertés publiques : vers la fin de l'assentiment ? CEVIPOF, Attitudes des citoyens face au COVID-19, Note 8, 30 avril 2020.

Comme nous avons déjà eu l'occasion de le rappeler dans des notes précédentes (voir la note 4 et la note 6), de nombreuses mesures de limitations des libertés publiques ont été prises par les pays confrontés à la pandémie de COVID 19. Autrement dit, la crise sanitaire a amené à la mise entre parenthèses de valeurs essentielles pour les démocraties occidentales : libertés de circulation et d'entreprendre, libertés de réunion et de manifestation ainsi que, de façon indirecte, droit à la vie privée et familiale et droit à l'éducation. Dans notre pays, cette situation exceptionnelle s'est matérialisée par le vote d'un état d'urgence sanitaire par la loi du 23 mars 20201. Pour rappel, ce texte contenait 43 habilitations à prendre des ordonnances pour le gouvernement, marquant par là même l'importance des pouvoirs confiés à l'exécutif pendant cette période. La traduction la plus spectaculaire de la limitation des libertés réside probablement dans le confinement à domicile qui, au 7 avril 2020, concernait 4 milliards de personnes. Bien que la question de la stratégie de déconfinement soit désormais abordée, notamment par le Premier ministre lors de son discours du 28 avril, de nombreuses personnes connaissent toujours une limitation sans précédent de leur liberté de se déplacer qui ne sera pas levée, pour la plupart d'entre eux, avant le 11 mai. Par ailleurs, de nouvelles mesures privatives de libertés ou encadrant celles-ci sont évoquées (traçage des téléphones, quarantaines obligatoires, tests systématiques de dépistage) soulignant la persistance des effets de la crise.

Politiques publiques et gestion de la crise sanitaire

► Fabrice Flipo, Face au « mini-effondrement » actuel, la réponse doit être démocratique. The Conversation, 27 mars 2020.

La pandémie, en ce qu'elle représente un risque majeur donc exceptionnel, appelle une réponse construite collectivement, et non pas par un petit groupe d'experts ou de décideurs.

► Michel Callon et Pierre Lascoumes, Covid-19 et néfaste oubli du principe de précaution. AOC, 27 mars 2020 (accès restreint).

Aux sources de l'impréparation gouvernementale face à l'épidémie se trouve l'idéologie « anti-précautionniste ». Développée dans les milieux intellectuels à partir du refus, dans les années 2000, de l'inscription d'un quelconque principe de précaution au sein de la Constitution, il semblerait qu'elle ait aujourd'hui largement infusé dans l'espace politico-administratif. Le prix ? Celui que nous sommes en train de payer.

► Oliver Borraz, De la préparation de la gestion de crise… à la survenue de la crise. Site du CSO, 10 avril 2020.

A l'instar de nombreux Etats développés, la France s'est, depuis le début de la décennie 2000, dotée d'un imposant arsenal d'instruments de gestion de crise. C'est l'ensemble de ce dispositif qui est mis à l'épreuve par la pandémie de Covid-19.

► Adrienne Sala, Le Japon face à l'épidémie. Gestion de crise et responsabilité civique. La Vie des idées, 17 avril 2020.

La prétendue discipline japonaise, qui passe pour un modèle de civisme spontané, dépend en réalité en grande partie des décisions du gouvernement, comme le montre la récente progression de l'épidémie, qui discrédite la trop simpliste explication culturaliste.

► Patrick Castel, Les décisions dans la crise : trois modèles d'interprétation. Site du CSO, 20 avril 2020.

La crise actuelle du coronavirus montre à un degré extrême à quel point les décisions sont complexes et combien celles-ci sont scrutées, commentées, discutées, critiquées, voire (déjà…) mises en accusation. La situation est certes exceptionnelle, mais elle ne fait qu'amplifier des situations de décision que l'on peut observer en temps normal à condition d'y être attentif. La compréhension des déterminants de la décision n'est pas l'apanage de l'économie, du management ou de la philosophie, elle reste un objet important de la sociologie, de l'histoire et de la science politique.

► Henri Bergeron, Olivier Borraz, Patrick Castel et François Dedieu, Gestion de crise : comment tirer les leçons du coronavirus ? AOC, 22 avril 2020 (accès restreint).

La crise que nous traversons est unique à maints égards, mais pas singulière. Tout laisse à penser qu'elle pourrait être suivie par des crises plus graves encore, notamment dues au réchauffement climatique. Il faut donc en tirer des leçons, tant sur cette crise et la manière dont elle est gérée, que sur les outils à mettre en place pour organiser un retour d'expérience qui pourra ensuite être appliqué à d'autres crises. Ce travail doit être pluriel pour que de la controverse scientifique émergent des résultats plus robustes encore.

► Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, Destin du covid-19. Revue politique et parlementaire, 22 avril 2020.

Sans ajouter de polémiques au désordre et au tournant autoritaire qui ont subitement marqué la France depuis la mi-mars et sans être infectiologue, immunologiste ou épidémiologiste – toutes professions composant un nouveau biopouvoir ? – mais chercheurs en science politique, Dominique Andolfatto et Dominique Labbé proposent une remise en contexte des semaines les plus inouïes que la France est en train de vivre depuis les deux guerres mondiales. Quatre approches se combinent. Quels principes modernes guident la lutte contre une épidémie ? Peut-on déjà mesurer la gravité de l'épidémie de covid-19 ? Que nous enseignent les expériences involontaires vécues par les passagers du Diamond Princess et les marins du Charles de Gaulle ? La crise du système sanitaire français n'est-elle pas paradoxale ?

► Oliver Borraz, Qu'est-ce qu'une crise ? Site du CSO, 23 avril 2020.

La situation que nous connaissons actuellement constitue incontestablement une crise. Mais qu'est-ce qui fait crise exactement ?

► Deux billets de Julien Bouvet analysent les conséquences économiques, politiques et juridiques du Covid-19 pour le secteur de la culture, dans le blog de Regards Croisés sur l'Économie (Alternatives économiques) : Les conséquences du Covid-19 sur le service public de la culture et les politiques culturelles (20 avril 2020) ; Covid-19 et crise du secteur culturel : les mesures du gouvernement seront-elles suffisantes ? (3 mai 2020).

Liens utiles : ressources, statistiques, enquêtes en cours

Ressources et analyses diffusées par la communauté des chercheurs.ses

Les pages dédiées au décryptage de la pandémie :

Covid-19 : Analyses et enquêtes : les analyses « à chaud » et les projets des chercheurs.ses en sociales de Sciences Po, pour comprendre les effets de la crise et étudier les bouleversements à long terme, sur les plans à la fois politique (comment gouverner en temps de pandémie ?), économiques (peut-on préserver à la fois l'économie et la vie des citoyens ?), sociaux (comment continuer à faire société quand la distanciation sociale s'impose ?). Interview de Guillaume Plantin, directeur scientifique de Sciences Po : Les sciences sociales mobilisées face à la pandémie.

COVID-19, une pandémie sous le regard de la science politique et des sciences sociales : l'AFSP propose une revue d'articles et de contributions publiés par des collègues politistes et chercheurs.ses en sciences sociales sur tous les aspects de la crise du COVID-19. A ce jour, déjà plus de 160 références sur cette page dédiée au décryptage de la pandémie.

► Ressources de l'EHESS :

Carnet de l'EHESS : perspectives sur le coronavirus. À destination d'un public large, ce carnet de recherche propose de réfléchir sur la crise au moyen des sciences sociales. Trois textes courts, écrits par des chercheurs.ses de toutes les disciplines et de toutes les aires culturelles, sont publiés chaque semaine. Ces billets s'inscrivent dans le temps court de l'actualité, ils ne prétendent pas apporter les résultats d'une recherche au long cours.

Pour prolonger la réflexion des billets : une bibliographie pour aller plus loin.

Coronavirus : Regards de l'EHESS. Une sélection d'interventions de chercheuses et chercheurs de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) auprès des médias. Thèmes : Les pandémies, moteur de l'Histoire ? - L'État au péril des épidémies - Planète coronavirus - Les sociétés au miroir des maladies - Ce que les épidémies font à l'économie

Crise sanitaire et confinement : l'apport de la démographie et des sciences de la population. L'Institut national d'études démographiques (Ined) propose une sélection d'articles et de vidéos pour mieux comprendre certains phénomènes démographiques, dont quelques-uns sont accentués en cette période de confinement. Vous trouverez sur cette page les articles de presse publiés par les chercheurs.ses et une présentation des nouveaux projets de recherche en lien avec le coronavirus.

► Pour tenter de répondre aux nombreuses interrogations sur la pandémie du Covid-19 et ses effets, le site La Vie des idées rassemble un ensemble de textes sur les épidémies qui en explorent les multiples facettes : Les visages de la pandémie.

Le virus de la recherche – Les enjeux de la crise du Covid-19 vu par le monde de la recherche : une collection d'ebooks gratuits à télécharger proposée par les Presses universitaires de Grenoble. Cette opération, fruit d'une démarche collective d'auteurs, rassemble des textes courts, grand public, écrits par des chercheurs.ses, toutes disciplines confondues, sur la pandémie Covid-19.

Ressources de l'OCDE.

Outil de l'OCDE pour suivre les news et données sur le COVID en temps réel : AI-powered COVID-19 watch.

► À noter que sur le site de France Culture, Le Temps du débat propose chaque jour un texte d'un écrivain, d'un intellectuel, d'un artiste sur la crise que nous traversons, pour réfléchir aux enjeux de cette épidémie : Coronavirus : une conversation  mondiale.

Ressources statistiques

► Statistiques des décès de l'Insee : Comparatif du nombre de décès quotidiens et cumulés au niveau national et départemental (2020, 2019, 2018).

► Le site de l'INED sur la démographie des décès par Covid-19 : dc-covid.site.ined.fr

Mise à disposition en libre accès des données internationales sur les décès liés au COVID-19 documentées et détaillées par sexe et groupes d'âges.

► La carte du monde des infections du coronavirus produite par le Center for Systems Science and Engineering (CSSE, Johns Hopkins University).

► Coronavirus Country Comparator : datascape permettant de naviguer de manière interactive dans les données disponibles à travers le monde sur les cas de COVID-19. Ce comparateur s'appuie sur les données du CSSE de l'Université Johns Hopkins et sur les données officielles de différents pays. Voir la présentation par Sciences Po.

Projets et enquêtes en cours

L'Agence Nationale pour la Recherche (ANR) a lancé le 6 mars un Appel à projets « Flash COVID-19 ». Parmi les projets retenus, 17 projets relèvent des sciences humaines et sociales. Interview de François-Joseph Ruggiu, directeur de l'Institut des sciences humaines et sociales du CNRS et liste des projets SHS : Les sciences humaines et sociales peuvent apporter des éclairages face à la crise (27 avril 2020).

► « Faire face au Covid-19. Distanciation sociale, cohésion et inégalités dans la France de 2020 »(CoCo) : projet ANR de l'Observatoire Sociologique du changement (OSC) et du Centre de données socio-politiques (CDSP) mené à Sciences Po depuis le 1er avril.

Jusqu'à quel point le Covid-19 perturbe-t-il notre vie de tous les jours ? Comment la population française vit-elle le confinement ? Dans quelles mesures les inégalités sociales sont-elles exacerbées et la cohésion sociale menacée ? Le projet CoCo apporte des éléments de réponse à ces questions d'actualité en comparant les conditions de vie en France avant et après le blocage. Un rapport préliminaire (Policy Brief) est publié chaque mois depuis avril.

Entretien avec Ettore Recchi, Professeur des universités à l'OSC et coordonnateur du projet de recherche : Comment la crise va changer la société (20 avril 2020).

► Autre projet ANR de Sciences Po : le Centre de recherches  politiques (CEVIPOF), en coopération avec de nombreux partenaires, réalise une enquête nationale et comparative « Attitudes des citoyens face au COVID-19 ». Son objectif principal est d'interroger les citoyens sur leurs réactions aux politiques publiques engagées et sur la confiance qu'ils accordent aux politiques et experts, permettant d'envisager avec les impacts que la crise pourrait avoir sur la cohésion sociale. Le projet Citizens' Attitudes Under the COVID-19 Pandemic repose sur des sondages conduits dans 18 pays. Entretien avec Martial Foucault, directeur du CEVIPOF et coordinateur de l'étude avec Sylvain Brouard : Les citoyens face au Covid-19 : une comparaison mondiale (27 avril 2020).

► L'étude COCONEL « COronavirus et CONfinement – Enquête Longitudinale », financée par l'ANR et coordonnée par Patrick Peretti-Watel (laboratoire VITROME), vise à suivre dans le temps la façon dont les Français vivent l'épidémie et la période de confinement. Elle est portée par des équipes de l'Unité VITROME (IHU Méditerranée Infection, AMU), du Centre d'Investigation Clinique Cochin-Pasteur, de l'École des Hautes Études en Santé Publique et de l'Observatoire régional de la santé Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur.

L'enquête COCONEL est réalisée par internet en partenariat avec l'Ifop. Deux fois par semaine, un échantillon d'un millier de personnes, représentatif de la population adulte française, est interrogé avec un questionnaire couvrant divers aspects de la crise actuelle : les conditions de vie, l'état de santé, l'opinion à l'égard du confinement, des traitements médicaux, etc. Une note de synthèse est publiée après chaque vague de l'enquête. Les premiers enseignements de l'enquête sont présentés dans un entretien avec Patrick Peretti-Watel le 22 avril 2020 : une aggravation des inégalités sociales induites par le confinement (conséquences financières, conditions de logement, problèmes de santé), un consensus fragile sur le confinement dans l'opinion publique (socialement différencié, critique et paradoxal), ainsi qu'un rôle ambigu des médias. Voir également cet article du journal Le Monde du 7 avril 2020.

► COCOVI – Confinement, Conditions de vie et Inégalités, un projet de recherche de l'Ined (responsable Anne Lambert, unité de recherche Logement, inégalités spatiales et trajectoires). Le projet COCOVI a pour objectif d'analyser les conditions de logement et de vie des ménages en France, pendant la période de pandémie du Covid-19. En particulier, il permet mesurer les écarts de situation avant et pendant le confinement pour les ménages issus de différents milieux, et vivant dans différents types de territoires (rural, périurbain, centre, banlieue pavillonnaire, grand ensemble...). Ces écarts de situation peuvent être dus à des changements dans la configuration et la composition des ménages, et/ou à un changement (temporaire ou définitif) de logement. Le projet s'appuie sur trois types de données complémentaires : des entretiens approfondis réalisés auprès de ménages confinés dans différents types de territoires ; le traitement secondaire d'enquêtes de la statistique publique réalisées en population générale (enquête Logement notamment) ; un questionnaire ad hoc recueilli auprès d'un échantillon d'un millier de personnes, représentatif de la population adulte française. L'enquête par questionnaire est menée en collaboration avec le groupe COCONEL (laboratoire VITROME).

► L'enquête La vie en confinement vise à étudier la façon dont les liens sociaux et les solidarités s'organisent et évoluent durant la période de confinement inédite. L'enquête, qui a débuté le 14 avril, est menée par des chercheurs en sciences sociales, spécialistes des réseaux sociaux, des sociabilités numériques, de la socialisation et des différentes formes de solidarité, membres de laboratoires de Toulouse, Grenoble, Aix-Marseille, Paris (Claire Bidard, Michel Grossetti, Pierre Mercklé, Nicolas Mariot, etc.). Les résultats de l'enquête seront publiés au fur et à mesure.

Rêves et confinement : Bernard Lahire, auteur de l'ouvrage L'interprétation sociologique des rêves (La Découverte, 2018) est aussi intéressé par la situation inédite et quasi-expérimentale du confinement. Il recueille des récits de rêves de confiné·e·s. afin de comprendre l'impact de la pandémie et du confinement sur nos rêves. Afin de les exploiter, le chercheur demande aussi aux personnes racontant leurs rêves de lui fournir des éléments biographiques et des précisions sur leur cadre de vie, leurs préoccupations actuelles et la manière dont elles vivent le confinement. Pour en savoir plus : Que disent nos rêves pendant le confinement ? (Huffington Post, 19 avril 2020) et une interview de Bernard Lahire Rêve-t-on différemment en période de confinement ? (France TV info, 29 avril 2020).

► Récits confinés. Un projet de recherche scientifique participatif qui recueille des carnets de confinement, de manière hebdomadaire, afin de comprendre et de documenter au plus près cette période inédite. Projet porté par Pierrine Didier, anthropologue de la santé, post-doctorante au laboratoire Aménagement Economie Transports (LAET/ENTPE) à Lyon et Laurent Gontier, médiéviste de formation, artiste et auteur. Les participants peuvent envoyer leur récit par écrit, mais aussi sous forme de vidéos, d'audio ou de dessins. Plus de 140 carnets avaient déjà été recueillis fin avril. Afin de comparer les expériences de confinement dans différents pays, le projet a également été lancé au Royaume-Uni, au Portugal, en Italie, et le sera prochainement au Cameroun et en Guinée. Présentation dans Les Echos Start (28 avril 2020).

► Madame l'Anthropologue : Fanny Parise (Université de Lausanne) propose d'explorer les nouvelles tendances de la société à travers une anthropologie de la consommation. Elle partage dans des podcasts les premiers résultats d'une enquête qu'elle conduit sur le quotidien du confinement et l'après-confinement. Cette étude comprend une enquête quantitative en ligne, menée auprès d'un échantillon de 6000 personnes âgées de 18 à 70 ans, représentatif de la population de France et de Suisse (4 vagues de questionnaires pendant la durée du confinement), complétée par une étude qualitative par entretien réalisée à distance auprès de 60 individus.

► COVID-19 : en immersion dans la France confinée (Fondation Jean Jaurès et Ifop, Jérôme Fourquet, Marie Gariazzo). En l'état, il ne s'agit pas d'une enquête à proprement parler mais d'un journal de confinement.

Ils sont trente citoyens, hommes et femmes, âgés de 20 à 75 ans, répartis sur l'ensemble du territoire national. Certains habitent à la campagne, d'autres à la périphérie des villes ou au sein d'une grande agglomération. La Fondation Jean Jaurès lance avec Le Point et l'Ifop un dispositif inédit pour suivre ce groupe de Français dans leur vie quotidienne, les faire réagir à l'actualité, à l'évolution de la pandémie, et voir comment ils s'organisent dans les multiples aspects de leur vie. Episode 1. Episode 2. Episode 3. Episode 4. Episode 5. Episode 6. Episode 7.