Inégalités et éducation. Insee. Décembre 2021.
Économie et Statistique propose, dans son numéro double de décembre 2021, un dossier thématique consacré aux politiques éducatives au XXIe siècle sous l'angle des inégalités sociales d'éducation. Les articles composant ce dossier mobilisent de grandes bases de données, capables de fournir une vision objective et précise des tendances du système éducatif français depuis une vingtaine d'années.
Économie et Statistique n° 528-529, 22 décembre 2021.
Sommaire du dossier thématique : Inégalités et éducation
Inégalités scolaires et politiques éducatives : une introduction, par Georges Felouzis
Résumé : Avant d'entrer dans une présentation des articles du dossier, cette introduction propose de revenir sur ce que l'on entend par « inégalités » dans le domaine de l'éducation, leurs différentes formes, sources et conditions, et sur quelques aspects des politiques mises en œuvre face à ces inégalités.
Mixité sociale : retour sur douze ans de ciblage des politiques d'éducation prioritaire, par Pierre Courtioux et Tristan-Pierre Maury
Résumé : Cet article propose une analyse de l'évolution de la mixité sociale dans les collèges classés en éducation prioritaire de 2004 à 2016, et du ciblage de cette politique : ses nombreuses réformes ont-elles conduit à la recentrer, ou pas, sur les collèges les plus défavorisés ? Au-delà de cette question factuelle, les auteurs examinent si l'éducation prioritaire favorise l'intégration sociale des élèves, dans la perspective d'améliorer leurs conditions d'apprentissage. Leurs analyses, conduites sur la Base Centrale Scolarité (BCS), montrent qu'un réel recentrage des moyens s'est opéré en 2015, avec la mise en place des réseaux d'éducation prioritaire, sur les collèges dont la composition sociale était la plus modeste. L'éducation prioritaire, qui vise à compenser les effets de la ségrégation scolaire, apparaît ainsi mieux ciblée à la fin de la période étudiée, ce que traduit la moindre mixité sociale dans les collèges concernés et l'accentuation des différences de mixité entre ces collèges et les autres.
Qu'est ce qu'un bon lycée ? Mesurer les effets établissements, au-delà de la moyenne, par Pauline Givord et Milena Suarez Castillo
Résumé : Cet article se penche sur la mesure des « effets lycée », qui vise à rendre compte de la contribution des lycées aux résultats de leurs élèves. Cet effet est mesuré au niveau de chaque lycée par l'écart entre les résultats obtenus par les élèves au baccalauréat et les résultats prédits sur la base de leurs caractéristiques (milieu social notamment) et de leur niveau scolaire initial (leur note au brevet). Les auteures rappellent toutes les difficultés pour mesurer cet effet, mais surtout questionnent la pertinence d'une mesure à la moyenne : un effet moyen positif traduit-il l'action d'un lycée dans lequel tous les élèves réussissent mieux, ou dans lequel seule une partie des élèves réussissent très bien et d'autres moins bien qu'attendu au regard de leurs caractéristiques ? Elles montrent d'abord que, dans la très grande majorité des lycées, les écarts de notes au baccalauréat ne sont pas significativement différents de ceux attendus. Mais elles notent aussi, à rebours de l'idée qui voudrait que plus d'égalité implique un nivellement par le bas, que des lycées parviennent à réduire les écarts entre élèves et à améliorer les résultats de tous les élèves.
Les inégalités de compétences à la fin des études, par Fabrice Murat
Résumé : Cet article aborde la question des inégalités éducatives sous l'angle des compétences des diplômés à la fin de leurs études. Les évaluations de compétences en milieu scolaire, comme celles menées avec PISA, sont bien connues et montrent des écarts importants entre élèves selon la profession des parents, l'origine géographique ou le sexe, à la fin de l'école primaire ou à la fin du collège. À l'aide d'enquêtes comportant une évaluation de compétences auprès de jeunes adultes de 18 à 29 ans (IVQ et PIAAC), l'auteur mesure ces inégalités à un moment moins étudié, la fin des études. Ces jeunes ont des compétences plus élevées que les personnes plus âgées, mais avec une forte variabilité, en particulier selon le diplôme. Leurs compétences sont liées à leur origine sociale, leur sexe et leur origine géographique et renvoient en partie, mais en partie seulement, aux inégalités de niveau d'études, connues depuis longtemps. Les inégalités apparaissent en France d'une ampleur équivalente à ce qui est observé dans les autres pays de l'OCDE ; en France comme ailleurs, elles sont proches de ce qui est observé à 15 ans. Ce résultat, qui contraste avec ceux des enquêtes PISA à partir de 2003, s'explique par le fait que les jeunes ayant fini leurs études en 2011 correspondent plutôt à ceux qui ont passé PISA au début des années 2000, avant l'augmentation des inégalités sociales.
L'université française, lieu de brassage ou de ségrégation sociale ? Mesure de la polarisation du système universitaire français (2007-2015), par Romain Avouac et Hugo Harari-Kermadec
Résumé : L'université est‑elle un « lieu de brassage ou de ségrégation sociale » ? Les transformations récentes de l'enseignement supérieur ont pu alimenter la crainte d'assister à une polarisation entre, d'un côté, un nombre restreint de world-class universities et, de l'autre, un vaste ensemble d'universités de second rang. Néanmoins, peu de travaux quantitatifs permettent d'éclairer cette question. En étudiant, à partir des données du Système d'information sur le suivi de l'étudiant (SISE), l'évolution de la composition sociale des universités sur la période 2007‑2015, les auteurs montrent à la fois la poursuite du mouvement d'ouverture de l'enseignement supérieur entamé dans les années 1970‑80 et une forte polarisation sociale des établissements. La hiérarchisation sociale des établissements est ensuite mise en relation avec divers dispositifs (notamment le label Initiatives d'excellence – Idex – dispositif majeur en termes de ressources pour les établissements) et classements internationaux (classement de Shangaï). Cette mise en relation montre que les ressources associées aux Idex vont aux établissements qui concentrent les populations étudiantes les plus favorisées. C'est ainsi in fine la question de la redistribution opérée par les politiques de l'enseignement supérieur qui se pose.