Le décrochage des filles en mathématiques dès le CP : une dynamique diffuse dans la société. IPP. Janvier 2024.
Note IPP n° 101, janvier 2024.
Par Thomas Breda, Joyce Sultan Parraud et Lola Touitou.
Résumé
Les filles ont le même niveau en mathématiques que les garçons en début de cours préparatoire (CP) mais décrochent dès le milieu de cette première année d'école primaire alors qu'elles conservent un avantage sur les garçons en français. Ce décrochage des filles est observé pour toutes les cohortes évaluées et pour la majorité des exercices évalués (additionner, lire des nombres, résoudre des problèmes, etc.). Il se poursuit de sorte qu'à l’entrée au cours élémentaire première année (CE1), leur rang ou centile moyen (lorsque l'on classe les élèves en centiles selon leurs performances et où 100 est la plus haute valeur) passe de 50e en CP à 44e en fin de CE1. Le décrochage a surtout lieu parmi les filles les plus performantes en début de CP (celles qui font partie du top 1 % au début de CP).
À partir de données de panel riches et exhaustives couplées avec des informations sur la catégorie socioprofessionnelle des parents, le corps enseignant dans chaque école et les caractéristiques générales des écoles, cette note cherche à caractériser les décrocheuses et à mesurer les contributions respectives du milieu familial et de la scolarisation (l'école et les enseignants) pour expliquer l'émergence des écarts de performance observés en CP et en CE1.
Les auteurs montrent que le décrochage des filles se produit sur l'ensemble du territoire, dans tous les types d'écoles et dans tous les milieux familiaux. Autrement dit, aucune configuration scolaire (école publique, privée, en réseau d'éducation prioritaire – REP – ou à pédagogie alternative) ni aucune configuration familiale (parents des catégories aisées, professions scientifiques ou familles homoparentales) ne permet d'éviter l'apparition d'un écart très tôt dans la scolarité en mathématiques en défaveur des filles. Le décrochage des filles par rapport aux garçons est légèrement moins important dans les classes incluant surtout des filles ou quand l'enseignant est une femme plutôt qu'un homme, et quand l'école est localisée dans une zone réseau d'éducation prioritaire plus (REP+). Cependant, l'influence de ces caractéristiques liées à l'environnement scolaire demeure quantitativement trop limitée pour pouvoir contrecarrer significativement le décrochage qui s'opère au cours de l’année de CP.
Ces résultats montrent une dynamique commune à l'ensemble de la société et interrogent donc sur le poids des stéréotypes de genre qui pèsent sur les élèves, suggérant que ceux-ci se diffusent tôt et très largement au sein de la société.
Sommaire
- Des écarts en faveur des filles en français et en faveur des garçons en mathématiques
- Les écarts en mathématiques s'observent pour la plupart des dimensions évaluées en mathématiques
- Le décrochage des filles s'observe surtout parmi les plus performantes
- Un phénomène commun à tous les contextes sociaux, familiaux et territoriaux
- Le contexte scolaire a une influence limitée sur le décrochage
- Encadré : les évaluations nationales de CP et de CE1
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Source : Note IPP n° 101, janvier 2024.
Pour aller plus loin
Blanchard M., Orange S. et Pierrel A. (2016), Filles + sciences = une équation insoluble? Enquête sur les classes préparatoires scientifiques, opuscule du Cepremap.
Buisson-Fenet H. et al. (2014), « École des filles, École des femmes », SES-ENS.
EPP (2023), Filles et garçons sur le chemin de l'égalité. De l'école à l'enseignement supérieur, Paris.
Ravez C. (2024), Les mathématiques au centre du tableau, dossier de veille de l'IFE.