Le mouvement des Gilets jaunes ou les limites d'un modèle de société. CRÉDOC. Mars 2020.
Cahier de Recherche n° C349, décembre 2019, mis en ligne en mars 2020.
par Sandra Hoibian et al.
Résumé
Le mouvement des gilets jaunes, né à l'automne 2018, a fait couler beaucoup d'encre. Inédit tant dans sa constitution via les réseaux sociaux, que dans son organisation décentralisée et le refus de toute représentation, ou dans ses formes (blocages de ronds-points, manifestations récurrentes pendant six mois, actions en ligne) il interpelle. Le soutien de la majorité de la population (56 % en janvier 2019 et 58 % en juin 2019) appelle également l'intérêt. Nous avons cherché à livrer ici une compréhension transversale de celui-ci en mobilisant à la fois la richesse de l'enquête Conditions de vie et aspirations du CREDOC, une analyse en data science de la consultation en ligne, le « Vrai débat », organisée par un collectif de gilets jaunes, complétés d'autres enquêtes en population générale ou d'enquêtes de terrain de différents chercheurs. Pour ainsi chercher à répondre à trois questions somme toute très simples en apparence : qui sont les gilets jaunes ? que signifie l'irruption de leur mouvement ? quels enjeux de société soulèvent-ils ?
Sommaire
I. UN MOUVEMENT INEDIT
II. LES GILETS JAUNES – UNE ASPIRATION A VIVRE MIEUX
1. Les petits moyens
2. Des difficultés de vie / accidents de parcours limitant la capacité d'autonomie
3. L'aspiration à l'autonomie
4. Une révolte des territoires, mais lesquels ?
5. La remise en cause d'un mode de vie
III. DES REVENDICATIONS
1. Dix grands registres de discours issus de l'analyse du Vrai débat
2. Prendre « aux gros » pour donner « aux petits »
3. Un souhait de changement radical de la démocratie
4. Une aspiration à davantage de lien social ?
IV. DU MAL-ETRE AU REJET
1. De fortes inquiétudes et une défiance généralisée, la famille comme refuge
2. Nous et eux : Le rejet des immigrés, des tendances complotistes et antisémites
3. Une porosité à des informations « étonnantes »
4. Une radicalité instrumentale qui débouche sur une radicalité politique ?
V. DISCUSSION
VI. ANNEXES – METHODOLOGIE : travaux mobilisés (enquêtes en ligne, enquêtes de terrain, études ethnographiques, analyse de data science, analyses de corpus Facebook, etc.)
Quelques graphiques extraits de la publication :
Les gilets jaunes, des foyers modestes :
(*) Le niveau de vie correspond à l'ensemble des revenus perçus par le ménage (salaires, pensions et retraites, allocations chômage, prestations sociales, loyers perçus et revenus du capital, etc.), nets des cotisations sociales, mais avant paiement des impôts, rapporté à un nombre d'unités de consommation calculé comme la racine carrée du nombre de personnes dans le ménage. Il s'agit d'un niveau de vie déclaratif. Les bas revenus ont un niveau de vie inférieur à 70 % du niveau de vie médian soit inférieur à 1200 euros pour une personne seule, les classes moyennes inférieures ont un niveau de vie compris entre 1200 et 1700 euros pour une personne seule, les classes moyennes supérieures ont un niveau de vie entre 1700 et 2600 euros pour une personne seule, et les hauts revenus ont un niveau de vie supérieur à 2600 euros pour une personne seule).
Les Gilets jaunes attendent davantage d'aides des pouvoirs publics :
Le soutien au mouvement proportionnel au sentiment d'invisibilité :
Les principaux sujets de préoccupation des gilets jaunes sont la pauvreté et l'immigration :
Source : CREDOC, Cahier de Recherche n° C349, mars 2020.
Sur SES-ENS :
Les sciences sociales et le mouvement des "gilets jaunes". Novembre-décembre 2018.