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Les divergences économiques et institutionnelles des marchés du travail en Europe. OFCE. Novembre 2018.

Publié le 12/11/2018

"Comment l'interaction entre institutions et choc économique a-t-elle contribué à la divergence des marchés européens du travail ?", Blog de l'OFCE, 8 novembre 2018.

par Aizhan Shorman et Thomas Pastore.

Résumé

On assiste en Europe à une divergence des marchés du travail, tant du point de vue économique qu'institutionnel. Le «miracle allemand», illustré par un taux de chômage continûment décroissant en pleine Grande Récession, contraste avec la médiocrité des performances macroéconomiques de l'Europe du Sud. Cependant, cette divergence économique ne peut s'expliquer par la simple dichotomie rigidité versus flexibilité, comme le montre le faible taux de chômage dans les pays scandinaves, traditionnellement plus centralisés. Ces résultats économiques inégaux doivent mis en relation avec les caractéristiques institutionnelles des marchés du travail.

L'étude de Aizhan Shorman et Thomas Pastore met en évidence trois profils de marchés du travail en Europe selon le degré de centralisation des négociations salariales : décentralisé, centralisé et intermédiaire (figure 1). Le premier groupe, caractérisé par un faible taux de syndicalisation et un faible taux de couverture des salariés par les accords collectifs, rassemble les pays anglo-saxons. Le second groupe englobe les pays scandinaves qui ont à la fois un fort taux de syndicalisation et un fort taux de couverture. Le troisième groupe correspond aux pays d'Europe occidentale (France, Allemagne, Espagne et Italie) où le taux de syndicalisation est faible mais le taux de couverture est élevé.

Les auteurs expliquent la trajectoire économique et institutionnelle des pays européens à l'aide de la «courbe en cloche» de Calmfors et Driffill (1988), qui met en relation le degré de centralisation des négociations salariales avec le niveau moyen du salaire réel et le taux de chômage [1]. Ils montrent que l'hypothèse de Calmfors-Driffill est vérifiée sur la période 1993-2014 et même renforcée par la crise de 2008. Pendant la Grande Récession (2008-2014), le taux de chômage est faible dans les pays où la négociation salariale est très décentralisée (pays anglo-saxons à gauche de la courbe) ou très centralisé (pays scandinaves à droite de la courbe). Avec un taux de chômage plus élevé, les pays «intermédiaires» d'un point de vue institutionnel se situent au sommet de la courbe en cloche (figure 2). Ces derniers cumuleraient les inconvénients des deux systèmes : une fixation des salaires qui ne s'adapte pas aux chocs économiques et un manque de protection des travailleurs en contexte de crise.

L'hypothèse de Calmfors-Driffill s'avère également pertinente pour comprendre l'évolution des performances des pays avant et pendant la Grande Récession. Les auteurs s'intéressent notamment à la trajectoire de l'Allemagne sur la courbe de Calmfors-Driffill depuis les années 1990. L'Allemagne s'éloigne du groupe des pays à marché du travail centralisé et semble rejoindre peu à peu le groupe des pays anglo-saxons, améliorant ainsi ses performances macroéconomiques durant la dernière décennie. La trajectoire allemande peut s'expliquer par le profond mouvement de décentralisation engagé après la Réunification et poursuivi avec les lois Hartz (2003-2005), qui s'est traduit par une chute du taux de syndicalisation et du taux de couverture dans les deux dernières décennies. À l'inverse, l'Italie s'est maintenue dans une position intermédiaire en termes de centralisation et a conservé un taux de chômage élevé sur la période observée (haut de la courbe en cloche).

 

Graphique : 3 profils de marché du travail (taux de syndicalisation et taux de couverture)

 

Graphique : la courbe en cloche pendant la Grande Récession (2008-2014) – relation entre degré de centralisation et taux de chômage

Source : Pastore et Shorman, "Calmfors and Driffill Revisited : analyse de l'hétérogénéité institutionnelle et macroéconomique en Europe", OFCE Working Paper 32, octobre 2018.

Pour aller plus loin :

Thomas Pastore et Aizhan Shorman, "Calmfors and Driffill Revisited : analyse de l'hétérogénéité institutionnelle et macroéconomique en Europe", Sciences-Po OFCE Working Paper 32, octobre 2018.

Note

[1] Lars Calmfors and John Driffill, "Bargaining Structure, Corporatism and Macroeconomic Performance", Economic Policy, vol.3, n°6, 1988, p.13-61.

Extrait : « […] we find that both heavy centralization and far-reaching decentralization are conducive to real wage restraint, whereas intermediate degrees of centralization are harmful. This suggests a hump-shaped relation between centralization and real wages (unemployment) as depicted in Figure 1. This relation stands in contrast to an often postulated monotonic relation whereby centralization always reduces real wages and unemployment. The hump-shaped pattern is related to Mancur Olson's (1982) idea that organized interests may be most harmful when they are strong enough to cause major disruptions but not sufficiently encompassing to bear any significant fraction of the costs for society of their actions in their own interests. »