Les enseignants contractuels sont-ils des enseignants comme les autres ? CEET. Mars 2024.
Connaissance de l'emploi n° 195, mars 2024.
Par Célestine Lohier.
Résumé
Face aux difficultés croissantes pour recruter des enseignants du primaire et du secondaire, l'Éducation nationale mobilise des canaux de recrutement en parallèle du traditionnel recrutement par concours, au premier rang desquels le recours au contrat, en augmentation quasi continue ces vingt dernières années. Les enseignants contractuels représentent en 2022-2023 près de 10 % des enseignants du second degré public, et 2 % des enseignants du premier degré.
L'exploitation des données de l'enquête Emploi montre que ce canal de recrutement alternatif conduit à recruter des enseignants au profil différent de ceux recrutés par la voie du concours. La proportion d'hommes parmi les enseignants contractuels est plus élevée que parmi les enseignants titulaires, dont le caractère féminin est particulièrement marqué. La régression met également en avant que le fait d'avoir une ascendance migratoire accroît la probabilité d'être contractuel. L'un des aspects les plus souvent questionnés dans le débat public est le niveau de diplôme et de formation des enseignants contractuels, puisque ces derniers ne sont pas recrutés dans le cadre très normé des concours, mais la plupart du temps à l'issue d'un entretien individuel avec un inspecteur d'académie. Ce dernier peut recruter à partir d'un niveau Bac +3 et « à titre exceptionnel » au niveau Bac +2, tandis que les enseignants recrutés par le biais des concours externes sont désormais recrutés à Bac +5. À ancienneté donnée, les enseignants contractuels sont effectivement moins diplômés que leurs homologues titulaires. Toutefois, le fait que les enseignants contractuels soient plus jeunes et entrés plus récemment dans la fonction publique que leurs homologues titulaires explique la proportion importante de diplômés d'un diplôme de niveau Bac +5 ou supérieur parmi les enseignants contractuels, près de deux fois plus élevée que celle des enseignants titulaires. En définitive, plus de 80 % des enseignants contractuels ont un diplôme de niveau Bac +3 ou supérieur.
L'accès à la formation professionnelle après le recrutement apparaît en revanche plus difficile pour les enseignants contractuels que pour leurs homologues titulaires.
Leurs conditions de travail sont également moins favorables. Près de 80 % des enseignants contractuels sont en contrat à durée déterminée (CDD) et parmi ces CDD, la majorité est d'une durée inférieure à un an. Cette durée relativement courte des contrats est au fondement de la précarité que connaissent la plupart des enseignants contractuels : elle implique de fréquents changements d'établissements et un manque de visibilité sur le long terme, et soulève la question de la précarité financière qui accompagne souvent l'instabilité de l'emploi. Parmi les contractuels qui souhaitent avoir un autre emploi (ce qui est le cas de 22 % du total des contractuels contre 7 % des titulaires), la raison principale de ce souhait est d'avoir un emploi plus stable. Si l'étude des trajectoires d'enseignants contractuels du second degré montre que le statut de contractuel peut être une voie d'accès au statut de fonctionnaire, le taux de déperdition élevée est toutefois certainement à mettre en lien avec ces conditions d'emploi défavorables.
Sommaire
- Un profil atypique ? Des enseignants plus jeunes, plus souvent d'origine étrangère
- Entre précarité et contrainte : des conditions d'emploi moins favorables que celles des titulaires
Cliquez sur l'image pour agrandir la figure.
Profils et conditions d'emploi des enseignants titulaires et non titulaires (% en colonnes, effectifs pondérés)
Part d'enseignants souhaitant avoir un autre emploi et raison motivant ce souhait en fonction du statut (% en colonnes, effectifs pondérés)
Raison du temps partiel pour les enseignants se déclarant à temps partiel
Source : Connaissance de l'emploi n° 195, mars 2024.
Pour aller plus loin
Bertron C., Buisson-Fenet H. (2022), « Au guichet du rectorat. Le travail de recrutement des enseignant·es contractuel·les dans le second degré », Formation emploi, vol. 159, n° 3, p. 161-184.