L'hétérogénéité de l'exposition des ménages français à la fiscalité carbone. OFCE. Décembre 2018.
"Les impacts de la fiscalité carbone sur les ménages : les Français, pas tous égaux devant les coups de pompe", blog de l'OFCE, billet du 20 décembre 2018.
par Paul Malliet.
Résumé
La fiscalité des carburants ne peut expliquer à elle seule le mouvement social des gilets jaunes. Mais elle a fédéré le ressentiment d'une partie de la population française sur la question du pouvoir d'achat et a finalement conduit le gouvernement à renoncer à la hausse programmée de la composante carbone de la taxe intérieure sur la consommation sur les produits énergétiques (Contribution climat énergie, CCE) tout comme le rattrapage de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence pour l'année 2019.
Les auteurs ne reviennent pas ici sur la question de l'évolution du pouvoir d'achat, mais s'attachent plutôt à déterminer l'hétérogénéité des situations et de l'exposition à la fiscalité carbone. Il apparaît que le poids de la fiscalité carbone ne pèse pas de manière équivalente sur le revenu des ménages et dépend de plus d'un ensemble de facteurs découlant des modes de vie.
Principaux résultats
1. La fiscalité carbone est par essence régressive :
• L'impact budgétaire d'une taxe carbone de 44,6€ sur les produits combustibles fossiles pour le chauffage et l'usage automobile est plus important pour le premier décile que pour le dernier. Il pèse en moyenne presque cinq fois plus en proportion du revenu par unité de consommation pour les 10% des ménages les plus modestes comparativement aux 10% les plus aisés.
• Le logement contribue plus que l'automobile à cet impact budgétaire pour la moitié des ménages les plus pauvres.
• Les émissions générées par le logement varient peu avec le niveau de revenu, contrairement à celles issues de l'usage de l'automobile qui augmentent plus nettement avec le revenu.
2. Cet impact de la fiscalité carbone cache des disparités fortes au sein des classes de revenu :
• Cette hétérogénéité se retrouve principalement dans le premier décile puisque l'impact d'une taxe carbone en % du revenu entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres au sein de ce décile se situe dans un rapport de 1 à 3.
• La dispersion au sein des autres catégories de ménages et certes moins forte, mais reste significative même dans les déciles supérieurs au ménage médian.
3. Le lieu de résidence joue également un rôle significatif dans l'impact de la fiscalité carbone :
• Les ménages habitant dans des zones urbaines inférieures à 20000 habitants sont plus touchés (0,25% du revenu par UC) que ceux vivants dans les zones urbaines supérieures à 200000 (0,19%)
• L'impact relativement faible du type de zone urbaine de résidence sur l'impact budgétaire moyen d'une taxe carbone cache de fortes disparités, amplifiées par le niveau de revenu.
• Une partie des ménages, principalement dans les deux premiers quintiles, connaissent un impact supérieur à 1% de leur revenu par UC.
Impact de la fiscalité carbone sur les ménages et volume des émissions par décile de niveau de vie
Source : Blog de l'OFCE, 20 décembre 2018
Pour aller plus loin :
Zakaria Babutsidze et Lionel Nesta, "Le changement climatique en France : croyances, comportements, responsabilités", Policy Brief n°43, OFCE, 10 décembre 2018.
Résumé
À l'heure où la grogne monte, où les promesses de manifestation se multiplient, force est de constater qu'au-delà des solutions technologiques attendues et des politiques de soutien à l'innovation verte, la préservation de notre environnement passera forcément par une modification de nos habitudes les plus profondément ancrées. Ce Policy Brief présente les résultats d'une étude sur la connaissance des Français du changement climatique, sur leurs valeurs et les comportements adoptés comme réponses à celui-ci.
Les résultats dressent le profil d'une nation inquiète au sujet du changement climatique, mais encore trop peu mobilisée. Le sentiment d'efficacité de nos actions est faible et l'idée est très répandue que la responsabilité d'agir face au changement climatique incombe aux autres (aux entreprises, aux gouvernements et à la communauté internationale) plutôt qu'aux individus eux-mêmes. Ces résultats laissent entrevoir des défis réels mais surmontables pour mobiliser les Français dans une révision durable de leurs comportements.
Nous proposons trois recommandations qui devraient accompagner ce défi :
- Premièrement, pour favoriser la prise de conscience de chacun, toute action de communication (campagne de publicité...) doit apparaître comme locale et concrète. Une approche globale, uniforme et indifférenciée nous semble vouée à l'échec.
- Deuxièmement, il faut mettre en place un observatoire de la perception du changement climatique dont l'objectif serait d'élaborer des plans de lutte contre les obstacles à l'innovation comportementale individuelle. Nous recommandons d'exploiter les événements climatiques extrêmes à des fins d'information, ceux-ci ayant un très fort impact sur la volonté des individus de réagir face à ce changement ;
- Troisièmement, la réduction de l'écart entre la perception des risques et les comportements vertueux doit se baser sur l'action individuelle, et donc sur la responsabilisation de tout-un-chacun. Celle-ci doit être appuyée par des propositions concrètes sur les comportements vertueux à suivre dont la publicité doit être assurée par la puissance publique