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Pourquoi les personnes occupant un emploi "essentiel" sont-elles si mal payées ? LIEPP. Décembre 2020.

Publié le 20/12/2020

Sciences Po LIEPP Working Paper n° 116, 16 décembre 2020.

par Bruno PALIER, directeur de recherche du CNRS à Sciences Po (Centre d’études européennes et de politique comparée)..

Ce Working Paper du Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques est la version longue et remaniée d'un chapitre paru dans l'ouvrage dirigé par Marc LAZAR, Guillaume PLANTIN et Xavier RAGOT, Le monde d'aujourd'hui. Presses de Sciences Po, 2020, sous le titre « Pourquoi les personnes "essentielles" sont-elles si mal payées ? » (p. 151-167).

Résumé

Beaucoup de celles et ceux qui ont dû se déplacer pour aller travailler pendant le premier confinement, qui occupent des emplois alors dits « essentiels », ont des emplois précaires et mal payés. Comment expliquer que des fonctions aussi essentielles que celles occupées dans les infrastructures de service, les services aux autres, y compris l'éducation et la santé, soient si mal rémunérés et occupent si souvent des emplois particulièrement précaires ? Ce working paper commence par décrire succinctement les caractéristiques des emplois dits essentiels pendant la première crise du COVID et de celles (et ceux, mais ils sont moins nombreux) qui les occupent. Il retrace ensuite les séquences historiques ponctuant le développement de ces emplois. Chacune de ces séquences a contribué à la moindre protection et rémunération de ces emplois labellisés comme « non productifs » dans la littérature économique sur le marché du travail. Beaucoup des services aux autres ont d'abord été fourni de manière informelle comme tâche domestique accomplies par les femmes. Lorsque ces emplois ont été formalisés en lien avec l'entrée des femmes sur le marché du travail, ces emplois ont été conçus comme typiques de la maladie de Baumol, qui diagnostiquait une incapacité aux gains de productivité des emplois de service. Les politiques d'outsourcing des entreprises ont externalisé nombres des emplois (aujourd'hui dits essentiels) hors du cœur d'activité de l'entreprise afin d'en réduire le coût. Les politiques publiques des années 1990-2010 que l'on trouve en particulier en Europe continentale, destinées à soutenir le développement de ces emplois de services aux autres (notamment les baisse de cotisations sociales sur ces emplois), ont dans le même temps contribué à les enfermer dans une trappe à bas salaire et à moindre protection sociale. La stratégie de compétitivité mise en avant en Allemagne comme en France depuis le début des années 2000, qui pose que pour garder des prix attractifs à l'export, il convient de maintenir au plus bas les coûts ces emplois de service aux autres afin de fournir un environnement propice à la modération salariale dans les industries exportatrices. Le texte conclut sur les relations de domination que les structures du marché du travail et les politiques publiques ont mises en place dans ce que l'on appelle désormais l'économie de la connaissance.

Sommaire

1. Qui sont les travailleuses (et travailleurs) essentielles restées au front pendant le confinement ?

2. Le confinement a rendu visible une tendance de fond de l'évolution des emplois : la polarisation du marché du travail

3. Le processus de dévalorisation sociale, économique et politique des emplois dits « peu qualifiés »

3.1 La dévalorisation des services de soin aux autres
3.2 Externalisation, précarisation et privatisation des services collectifs et logistiques
3.3 Le rôle des politiques publiques : la stratégie de compétitivité française repose sur le maintien au plus bas coûts des services dits « non qualifiés »

Conclusion : « des servants pour les cerveaux »

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Graphique : Caractéristiques des professionnels « au front » durant la crise

Source : Flamand J., Jolly C., Rey M., Les métiers au temps du corona, France Stratégie, Note d'analyse n° 88, avril 2020.