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Quelle place des indicateurs de bien-être et de soutenabilité dans le débat budgétaire ? OFCE. Mars 2017.

Publié le 07/04/2017

Nous disposons aujourd'hui de toute une batterie d'indicateurs alternatifs au PIB pour mesurer le bien-être et la soutenabilité. Mais leur inscription dans les politiques publiques reste inaboutie. En France, malgré la loi "SAS" de 2015, "visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques", les objectifs de croissance du PIB et de réduction des déficits publics sont toujours prioritaires dans les débats budgétaires.

Éloi Laurent, économiste à l'OFCE, spécialiste de l'écologie et des nouveaux indicateurs de richesse, montre, dans une note de la série "policy brief" de l'OFCE, comment on pourrait inscrire ces indicateurs au cœur du débat budgétaire. Il revient sur le processus de sélection des "nouveaux indicateurs de richesse" destinés à éclairer le débat parlementaire et sur la manière dont ils ont pu être instrumentalisés (voir le tableau de bord issu de la phase de concertation et le rapport final du gouvernement). Éloi Laurent plaide pour une véritable prise en compte des données contenues dans le rapport prévu par le loi SAS lors de la discussion sur le budget à l'Assemblée nationale. Selon lui, le tableau de bord fourni en amont du débat budgétaire devrait porter sur trois grands enjeux : l'évolution des inégalités, la soutenabilité patrimoniale au niveau national et la responsabilité globale de la France, notamment en termes d'impact écologique.

Éloi Laurent vient également de publier Notre bonne fortune. Repenser la prospérité (PUF, mars 2017), un bref ouvrage qui promeut le remplacement de la "croissance" par des objectifs de bien-être, de résilience et de soutenabilité.

"Inscrire les indicateurs de bien-être et de soutenabilité au cœur du débat budgétaire", OFCE policy brief 14, 29 mars 2017.

par Éloi Laurent.

Résumé

La mesure du bien-être doit aller au-delà de celle de la croissance, mesurée par le PIB. Les 19 et 20 novembre 2007, voilà presque dix ans, se tenait à Bruxelles une conférence internationale organisée par la Commission européenne dans le but affiché de «dépasser le PIB». Il importe notamment d'inscrire les indicateurs de bien-être et de soutenabilité au cœur des politiques publiques, comme commencent à le faire certains de nos voisins, tels que le Royaume-Uni et la Belgique.

La France, longtemps en retard sur cet enjeu central, s'est dotée récemment d'un outil législatif innovant qui pourrait changer la donne, la loi SAS.

Deux nécessités pourraient converger : l'amélioration de l'information statistique de la représentation nationale et l'usage des indicateurs de bien-être et de soutenabilité en vue de transformer les politiques publiques.

Une première mesure simple à prendre dans cette perspective consiste à caler le rapport prévu par la loi SAS sur le débat budgétaire et surtout à en confier la rédaction à une instance collégiale tripartite (parlementaires, experts et citoyens) afin d'organiser un véritable débat parlementaire et public autour des données contenues dans ce rapport.

Trois enjeux paraissent pouvoir éclairer effectivement les orientations du projet de loi de finances : l'évolution des inégalités, l'entretien du patrimoine national entendu dans son sens le plus large et la place de la France dans le monde (ces trois dimensions reprenant les normes internationales adoptées par la Conférence des statisticiens en 2013 qui distinguent le «bien-être ici et maintenant, le bien-être plus tard et le bien-être ailleurs»).

Enfin, des indicateurs sur la place de la France dans le monde, et notamment son impact écologique global, compléteraient utilement ce tableau nécessairement.

Adopter ces trois critères – égalité entre personnes et territoires, soutenabilité patrimoniale et responsabilité globale – pour voter le budget de la France reviendrait à sortir du règne des objectifs intermédiaires que sont la réduction des déficits publics et la croissance du PIB, dont tout indique qu'ils nous éloignent du bien-être et de la soutenabilité au lieu de nous en rapprocher.