Un chiffrage de l'impact des mesures de protection commerciale de Donald Trump. CEPII. Mai 2018.
La Lettre du CEPII n°387, juin 2018.
par Cecilia Bellora, Sébastien Jean, Gianluca Santoni.
Résumé
Les mesures de protection commerciale annoncées par les États-Unis en mars 2018 sont exceptionnelles par leur motivation et leur importance. Cette Lettre propose une analyse économique de leurs conséquences. À court terme, leur impact sur les coûts de production et les prix des biens aux États-Unis serait non négligeable, de l'ordre d'un demi-point de pourcentage. À plus long terme, les mesures affectant l'acier et l'aluminium pourraient coûter environ 4 milliards de dollars d'exportations et de production aux Européens, un montant relativement modeste.
En revanche, les mesures annoncées visant le commerce entre les États-Unis et la Chine pourraient avoir des conséquences nettement plus lourdes, de l'ordre de 25 milliards de dollars pour chacun de ces deux pays. Leur coût serait plus élevé encore si elles venaient à provoquer une escalade, coût que les auteurs de cette Lettre chiffrent à titre indicatif. Dans l'éventualité d'une guerre commerciale se traduisant par un tarif additionnel de 25% sur l'ensemble des produits échangés entre Chine et États-Unis, le commerce bilatéral entre les deux pays baisserait d'environ 60%.
Quels sont les effets économiques attendus d'une hausse des droits de douane sur certaines importations dans le pays qui applique cette tarification ?
• À court terme, le relèvement des droits de douane a un impact sur les coûts de production et les prix, ainsi que sur la confiance des investisseurs. Les mesures de protection commerciale, notamment temporaires, peuvent engendrer des gains pour les producteurs locaux dans les secteurs protégés et pour les exportateurs épargnés par la hausse des tarifs douaniers dans le cas où les mesures ne couvrent pas tous les partenaires. La réduction de la concurrence leur fait gagner des parts de marché et favorise l'augmentation des prix.
Le renchérissement des intrants, dont une partie est importée, affecte les coûts des entreprises produisant en aval des secteurs protégés. Cet effet est d'autant plus marqué que les économies sont intégrées et que la segmentation internationale des processus de production est importante. Les prix à la consommation tendent à augmenter, directement si les mesures de protection ciblent des biens finals, ou indirectement si elles visent des biens intermédiaires, par la combinaison des surcoûts de production et de la moindre concurrence.
• À plus long terme, une protection commerciale durable peut avoir des effets sur la production, la consommation, les échanges et l'emploi. Elle réduit l'efficacité productive, car elle empêche les économies de se spécialiser selon leurs avantages comparatifs, elle élève le coût des intrants et elle limite la concurrence dans les secteurs concernés par les mesures protectionnistes. La production domestique augmente dans le secteur bénéficiant de la protection commerciale, mais tend à diminuer dans les secteurs affectés par le renchérissement des coûts. La hausse du prix des biens importés entraîne une perte de pouvoir d'achat des consommateurs, qui peut se répercuter sur la demande adressée aux entreprises nationales et donc leur production. La main d'œuvre et le capital peuvent ainsi être réalloués de façon durable vers les secteurs protégés au détriment des autres.