L'avenir du capitalisme
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Est-il possible de réguler les marchés du monde ? Ou sommes-nous voués à suivre, désarmés, les embardées d'un système chaotique et frénétique ?
Jean-Luc Gréau indique pourquoi il est devenu nécessaire de rationaliser le capitalisme, au moment où celui-ci montre sa fragilité et ses incohérences. Le chemin vers l'intégration mondiale est balisé par les faillites récurrentes de nombreuses économies et des scandales d'entreprises d'une gravité sans précédent. La bourse contemporaine, c_ur idéologique du système, fonctionne à rebours de son principe fondateur : les fonds d'épargne collective, qui devraient financer les entreprises, les soumettent en fait à un régime de prédation.
Pour mettre fin à ces anomalies, Jean-Luc Gréau propose des remaniements d'envergure : création de grands marchés communs régionaux, protégés de l'extérieur, sur le modèle du Marché commun européen d'origine ; régulation et garantie de la dette des pays emprunteurs par un Fonds monétaire international rénové ; association contractuelle des entreprises et de leurs actionnaires en vue de leur coopération effective, et dépérissement simultané des bourses qui ont perdu leur raison d'être.
Nos commentaires :
Jean-Luc Gréau commence son analyse par une question : « Le capitalisme est-il encore viable ? » en rappelant l'erreur de diagnostic de Joseph Schumpeter qui pensait que ce système allait vers sa fin non pas pour des raisons économiques mais à cause de facteurs politiques, sociaux et moraux, en particulier le déclin des entrepreneurs au profit des bureaucraties et d'une intelligentsia qui entretenait la critique du système capitaliste. La prédiction de Schumpeter a été démentie sur plusieurs points : après le tournant de 1974 on a assisté progressivement au retour en grâce de la fonction de l'entrepreneur, la propriété privée a été remise à l'honneur, économie concurrentielle et société de marché fondent les discours économiques et « la tâche principale des Etats semble désormais consister à construire un capitalisme mondial intégré » (p 12).
Pour Jean-Luc Gréau on assiste au « crépuscule de la lutte des classes », le mouvement altermondialiste ne serait qu'un « ersatz médiatisé de l'ancien mouvement prolétarien » incapable d'esquisser une société alternative « alors même que les classes subsistent et que les développements récents du capitalisme ont accentué ou exacerbé les inégalités économiques et sociales (p 17). Toutefois ce triomphe international du système capitaliste s'accompagne de multiples anomalies de fonctionnement. L'auteur identifie une « sorte de chaos progressif qui s'est installé en quelques années » (p 18) avec les crises financières dans les économies émergentes, la récession prolongée du Japon et de l'Allemagne, « la fuite en avant de l'économie américaine vers des dettes et des déficits incontrôlables ». Cette troisième anomalie occupe une place centrale dans l'analyse, car l'économie mondiale étant devenue dépendante de la demande américaine, le déficit de l'économie dominante est devenu structurel. Cette fuite en avant pose la question de son rééquilibrage in fine.
Dans les chapitres 2, 3, 4 et 5 l'auteur développe l'analyse des anomalies du capitalisme : d'abord celle de l'économie américaine où la demande n'est plus gouvernée par les revenus mais par le crédit avec une incitation structurelle à l'endettement des américains. Ensuite, ce déséquilibre de la demande américaine est rattaché à la faiblesse de la demande mondiale à partir du processus d'abaissement du coût du travail (voir le chapitre 3 : « La déflation salariale »). « Cela montre que la mondialisation en cours est américaine en un premier sens strictement matériel, puisque la demande américaine en est la condition de réalisation immédiate. Par ses excès, l'Amérique permet au monde de prendre le pari du libre-échange intégral et de la déflation salariale qu'il entraîne » (p 73). Les chapitres 4 et 5 sont consacrés à l'études des crises financières particulièrement en Asie et en Amérique latine et à l'extinction de la fonction financière des bourses (déclin des émissions d'actions nouvelles) ce qui pose le problème du rôle des actionnaires.
Face à ces anomalies qui fragilisent le capitalisme, Jean-Luc Gréau déclare dans le sixième chapitre : « Il s'avère nécessaire de restituer aux économies capitalistes le cadre rationnel qui leur fait cruellement défaut » (p 213). Ce cadre rationnel passe pour l'auteur par l'instauration d'un néo-protectionnisme qui devrait permettre de mieux organiser la mondialisation en permettant une concurrence équitable à l'intérieur de grandes zones de libre-échange « économiquement intégrées et commercialement protégées » et la fermeture des bourses qui pourraient être remplacées par des fonds sur le modèle des « private equity » (fonds spécialisés dans les prises de participation aux entreprises non cotées).
Le dernier chapitre intitulé : « la grande transformation et la grande illusion » est une réflexion critique sur la vraie nature du capitalisme. Jean-luc Gréau revient sur l'histoire du capitalisme qui est né en Europe entre le XVème et la XVIIIème siècle pour montrer l'erreur de Fernand Braudel qui tente d'imposer une vision d'un capitalisme de razzias, alors que la constitution des marchés nationaux s'appuie sur un système de concurrence équitable à travers les échanges entre les villes et les campagnes qui repose sur la confrontation des productivités et des qualités à l'abri des concurrences étrangères intempestives. Il y aurait donc symbiose entre la constitution de l'Etat nation, le développement des bourgeoisies, les prototypes d'entreprises capitalistes, l'essor de la monnaie de crédit. Dans ce processus, « la concurrence n'est pas fondamentalement liée à un principe formel de liberté des échanges mais à la disponibilité d'agents économiques susceptibles d'innover et de transformer tant les conditions de la production que les comportements des acheteurs » (p 285). Le marché concurrentiel ne résulte donc pas du libre marché mais de la disposition des producteurs à entreprendre des activités nouvelles dans l'espoir de prendre un avantage sur leurs rivaux. Jean-Luc Gréau illustre son raisonnement en l'appliquant à la révolution industrielle, à la phase de taylorisme et à la période du fordisme. Le problème est alors de savoir si on aborde actuellement une nouvelle étape de cette « grande transformation » à travers ce que l'on appelle la mondialisation. L'auteur montre qu'à chaque étape de son développement le capitalisme s'est appuyé sur des institutions protectrices que l'on oublie aujourd'hui en proclamant la nécessité du libre échange et le triomphe de la finance au nom d'un pseudo modèle américain. C'est sur la critique de cette notion de modèle que l'ouvrage se termine en montrant les faiblesses de l'économie américaine et son caractère non transposable à l'Europe.
A noter :
Aucune formalisation.