La mondialisation et ses ennemis
Commentaires éditeur :
Les ennemis de la mondialisation se recrutent dans deux camps, que tout sépare mais qui, chacun, entendent donner un sens au désarroi qu'elle nourrit. Le camp des « Mollahs », qui dénoncent l'occidentalisation du monde et la corruption de la « vie moderne ». Celui des ennemis du capitalisme, qui critiquent l'extension de son domaine d'influence, l'exploitation des peuples. Malgré leurs différences, ces deux camps se retrouvent dans l'idée que la mondialisation impose un modèle dont les peuples ne veulent pas. La thèse du livre est que c'est plus probablement le contraire qui est vrai. La mondialisation fait voir aux peuples un monde qui bouleverse leurs attentes; le drame est qu'elle s'avère totalement incapable de les réaliser. Jamais, par le passé, les moyens de communication, les medias, n'avaient créé une telle conscience planétaire; jamais les forces économiques n'avaient été autant en retard sur celle-ci. C'est le formidable divorce entre l'attente et la réalité du monde qui signe sa nouveauté radicale. Cela ne doit pas empêcher de porter un regard critique sur les menaces qu'elle fait peser sur l'équilibre écologique et culturel de la planète. Mais cela ne doit pas dispenser pas de comprendre, sans a priori, les forces qu'elle déchaîne aujourd'hui.
Nos commentaires :
Le livre commence par une question : " Pourquoi les pays pauvres sont-ils si pauvres et les pays riches si riches ? " avec une réponse immédiate : " Ce n'est pas de l'exploitation dont souffrent les pays pauvres. Au risque de paraître paradoxal, mieux vaudrait dire que c'est de ne pas être exploités qu'ils souffrent davantage, d'être oubliés, abandonnés à leur sort " (p11). Daniel Cohen rappelle que la mondialisation est une histoire en trois actes : d'abord avec la découverte de l'Amérique au XVIème siècle, puis avec la révolution des transports au XIXème siècle et enfin aujourd'hui avec la nouvelle économie de l'information et de la communication. Dans chacun des cas, les effets positifs ne sont pas au rendez-vous, mais aujourd'hui, pour l'auteur, les opposants à la mondialisation se trompent en croyant que les peuples rejettent un modèle qu'on veut leur imposer : " La vérité est probablement inverse. La mondialisation fait voir aux peuples un monde qui bouleverse leurs attentes ; le drame est qu'elle se révèle totalement incapable de les satisfaire " (p16).
Le livre se divise en sept chapitres. Le premier est consacré à une explication des inégalités qui se sont creusées avec la première mondialisation. Cohen s'appuie sur les travaux de Diamond pour montrer l'importance de variables comme la présence ou non d'animaux que l'on peut domestiquer et de plantes que l'on peut cultiver et aussi des hasards des grandes découvertes.
Le deuxième chapitre aborde la deuxième mondialisation, celle du XIXème siècle qui se caractérise par l'ampleur des flux internationaux de capitaux et de main-d'oeuvre. L'auteur examine la thèse de l'échange inégal d'Emmanuel pour la critiquer sur un point : on ne peut pas dire que le nord exploite le sud, c'est " l'esprit du colonialisme " qui retarde les progrès des pays en développement.
Le troisième chapitre traite de la mondialisation actuelle que l'on voit plus dans notre imaginaire que dans les statistiques (le commerce international se développe surtout entre économies semblables à l'intérieur d'une même zone). Cette mondialisation accompagne " le basculement d'une société industrielle vers un âge post-industriel ". La nouvel économie monde est faite à la fois de production d'immatériel (par exemple production d'images des marques) et de production physiques qui peuvent être délocalisées très loin. Dans cette nouvelle économie mondiale règne la concurrence imparfaite, la polarisation de l'espace entre centre et périphérie, l'illusion pour la Chine ou le Mexique que l'enrichissement pourrait simplement provenir de la désindustrialisation du nord.
Dans le quatrième chapitre : " Le choc des civilisations ", Daniel Cohen examine le rôle des facteurs démographiques et culturels. Il montre d'abord que la transition démographique est déjà clairement engagée et semble s'expliquer " davantage par la diffusion des comportements culturels que par la théorie économique des coûts/bénéfices. Le nombre de postes de télévisions est un déterminant plus essentiel de la chute de la démographie que le niveau du revenu ou de l'éducation " (p138). Les changements de comportements seraient donc davantage corrélés au changement du modèle de référence (abandon du modèle patriarcal) qu'à la modification de la réalité matérielle. Mais, comme le remarque Daniel Cohen : " Toute la question est de savoir si ce décalage entre la conscience et l'existence du monde pourra durer longtemps (p139). Ensuite, il développe la critique de l'explication du retard économique par des facteurs religieux ou culturels et insiste sur l'importance de la géographie.
Le cinquième chapitre aborde les analyses de la croissance dans les économies en développement en examinant d'abord des exemples d'impasse de la décolonisation comme le Ghana ou la Tanzanie ; puis en évaluant le rôle des échanges internationaux et des " leviers " (éducation, capital, efficience globale) dans la dynamique des économies du sud et enfin en reprenant les analyse d'Amartya Sen du développement interprété comme une quête de la liberté.
Les Etats-Unis et l'Europe sont mis en perspective dans le sixième chapitre en comparant la croissance dans une logique smithienne et dans une logique schumpéterienne et en montrant l'Europe comme un modèle de mondialisation qui respecte la diversité culturelle mais qui souffre d'un déficit démocratique.
Le septième chapitre à partir des exemples de l'accès des malades du sud aux médicaments du nord et de la question de l'annulation de la dette des pays pauvres soulève le problème de la régulation du capitalisme mondial.
A noter :
Aucune formalisation