Un autre Monde - Contre le fanatisme du marché
Présentation éditeur :
Aujourd'hui, il existe une certaine conscience des limites des marchés. Les scandales des années 1999 ont jeté "la finance et le capitalisme de style américain" à bas du piédestal où ils se trouvaient depuis trop longtemps. Plus globalement, on a compris que la perspective de Wall Street, souvent à courte vue, était diamétralement opposée au développement, qui exige une réflexion et une planification à long terme. On se rend compte aussi qu'il n'y a pas une seule forme de capitalisme, une seule "bonne" façon de gérer l'économie. Il existe d'autres formes d'économie de marché (comme celle de la Suède, où la croissance est restée vigoureuse) qui ont créé des sociétés tout à fait différentes de celle des États-Unis, avec de meilleurs systèmes de santé et d'éducation et moins d'inégalité. Or, du moment qu'il y a des alternatives et des choix, ce sont les processus politiques démocratiques qui doivent être au centre des prises de décision, et non pas les technocrates. L'un des principaux choix auxquels toutes les sociétés sont confrontées concerne le rôle de l'État. Le succès économique nécessite de trouver le juste équilibre entre l'État et le marché. Quels services l'État doit-il fournir? Quelles réglementations doit-il instaurer pour protéger les travailleurs, les consommateurs, l'environnement? Il est clair que cet équilibre change avec le temps, et qu'il sera différent d'un pays à l'autre. Dans ce livre, je vais démontrer que la mondialisation, telle qu'on l'a imposée, a empêché d'obtenir l'équilibre requis. Je veux souligner cependant que rien n'oblige à ce qu'elle nuise à l'environnement, aggrave les inégalités, affaiblisse la diversité culturelle et favorise les intérêts des grandes firmes aux dépens du bien-être des simples citoyens. Une mondialisation choisie, bien gérée, comme elle l'a été dans le développement réussi d'une grande partie de l'Asie orientale, peut beaucoup apporter aux pays en développement comme aux pays développés.
Nos commentaires :
Joseph Stiglitz rappelle : « La mondialisation est le terrain sur lequel se jouent certains de nos grands conflits sociétaux - dont ceux qui portent sur les valeurs fondamentales. Parmi les plus importants, il y a celui qui concerne le rôle de l'Etat et des marchés » (p 15). Entre le fanatisme du marché et la critique sans nuance de la mondialisation, Stiglitz identifie une autre voie possible (« réformer la mondialisation ») en insistant sur les liens entre attitudes économiques et culturelles. Il montre les problèmes engendrés par un passage trop brutal à l'économie de marché en étudiant les difficultés rencontrés par l'Amérique latine et l'Afrique pour s'intégrer à la mondialisation et il en conclue qu_il faudra d'abord stabiliser et sécuriser le monde en développement. En particulier, il insiste à travers l'étude des accords pour libéraliser les échanges sur la nécessité d'introduire un traitement différencié en faveur des pays en développement.
Pour faire fonctionner la mondialisation, Joseph Stiglitz développe plusieurs dossiers prioritaires : celui de la propriété intellectuelle qui doit conduire à un système équilibré favorisant à la fois l'innovation et la justice sociale ; celui de l'appropriation des ressources naturelles qui pose le problème du juste partage des richesses et du bon fonctionnement de la communauté internationale ; celui du réchauffement climatique qui nécessite que les forces économiques de la mondialisation qui ont été jusqu'ici néfastes pour l'environnement deviennent des moyens pour le protéger à travers des procédures d'incitation, des réglementations plus sévères, des taxes.
Concernant le rôle des multinationales, Stiglitz insiste sur la responsabilité sociale des entreprises et la lutte nécessaire contre les ententes qui débouchent sur des monopoles de fait et le risque de voir se développer la corruption.
Stiglitz aborde aussi « le fardeau de la dette » des pays en développement avec des prêteurs qui sont incités à trop prêter car cela est rentable et peu risqué puisque en dernier recours, il y a le FMI. C'est l'emprunteur qui supporte tous les risques, en particulier celui du taux d'intérêt et celui du taux de change. L'auteur propose toute une série de réformes comme la mise en place d'une législation internationale des faillites.
Pour rendre l'économie mondiale plus stable et plus efficace, Stiglitz propose de réformer le système de réserve mondial. Il constate que dans le système actuel, le coût des réserves est élevé pour les pays en développement et facteur d'instabilité pour l'économie mondiale. Stiglitz propose de s'inspirer du système envisagé par Keynes pour mettre en place une véritable monnaie internationale, les greenbacks mondiaux.
L'ensemble de ces propositions conduit Joseph Stiglitz à conclure par un chapitre intitulé : « Démocratiser la mondialisation » où il insiste en particulier sur le fonctionnement des institutions internationales qui devrait être guidé par un « nouveau contrat social mondial » entre pays développés et pays en développement.
A noter :
- 53 pages de notes à la fin de l'ouvrage qui apportent des précisions utiles pour le contenu de chaque chapitre
- Pas de formalisation