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L'empreinte carbone de la France : mesure et enjeux

Publié le 09/07/2024
Auteur(s) - Autrice(s) : Christophe Rodrigues
L'analyse de l'empreinte carbone des pays, qui mesure les émissions de gaz à effet de serre (GES) de leur population, est essentielle pour orienter les politiques climatiques. Les deux graphiques proposés dans cette publication éclairent les composantes et l'évolution de cet indicateur dans le cas de la France.

Par Christophe Rodrigues, professeur de Chaire supérieure en économie et en sciences sociales (Lycée du Parc, Lyon).

Qu'est-ce que l'empreinte carbone ?

L'empreinte carbone (EC) est un concept nomade qui a émergé durant les années 1990 notamment dans le cadre d'ONG spécialisées dans la défense du climat, à l'image de World Wildlife Fund (WWF) ou Carbon trust. Depuis, les économistes comme les organismes statistiques se le sont approprié et nous disposons aujourd'hui de mesures empiriques robustes le concernant. L'EC met en lumière l'amplitude et l'évolution des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour la population d'un territoire et est devenue un indicateur précieux pour évaluer et orienter les politiques climatiques.

L'empreinte carbone désigne la quantité de GES induite par la demande finale intérieure d'un territoire (c'est à dire la somme de la consommation finale et des investissements). Elle est constituée : a) des émissions des agents résidents, entreprises et ménages notamment, qui sont liées à des usages résidents tels que la consommation ou l'investissement (émissions directes) et b) des émissions des entreprises non-résidentes dont la production est destinée aux importations (émissions indirectes). Il existe un indicateur proche de l'empreinte carbone mais qu'il ne faut pas confondre avec elle : l'inventaire national. Celui-ci mesure la quantité de GES physiquement émise à l'intérieur d'un territoire par les agents qui le composent (y compris les émissions à destination des exportations). Il constitue le passif du bilan carbone du territoire et repose sur une logique d'offre. De son côté l'empreinte carbone mesure les pressions que la population d'un territoire exerce sur le climat du point de vue de l'usage des richesses (logique de demande).

L'empreinte carbone de la France

En 2022, chaque résident français émet 9,2 tonnes eq. CO2 de GES au titre de l'empreinte carbone (graphique 1), soit presque autant qu'en 2019.

Graphique 1 : Evolution de l'empreinte carbone de la France.

Cliquez sur l'image pour agrandir le graphique.

L'indicateur « tonne équivalent CO2 »

Cette empreinte carbone par résident français était de 11,3 tonnes en 1995. Elle baisse donc, mais beaucoup moins rapidement que ne le nécessiterait l'atteinte des objectifs climatiques. Depuis notamment 2019 et l'adoption du pacte vert européen, l'objectif de la Commission européenne est de parvenir à la neutralité carbone en 2050. Pour cela et pour contenir le réchauffement climatique global à + 2 °, on retient généralement le plafond d'émission au titre de l'empreinte carbone à 2 tonnes eq. CO2 par habitant. A ce jour, nous sommes donc loin de l'objectif.

La « reprise » de l'empreinte observée entre 2021 et 2022 correspond à la sortie de la crise sanitaire et au redémarrage de l’activité en France. Mais surtout, en 2022, les émissions de GES associées aux importations représentent 56 % de l'empreinte carbone de la France, ce qui signifie que plus de la moitié des émissions de GES qui nous incombent est liée à des produits que nous ne produisons pas en France.

Le poids des importations dans l'empreinte carbone et ses enjeux

Le poids relatif des importations dans l'empreinte carbone de la France augmente depuis vingt ans. Cela s'explique d'une part par le déséquilibre du commerce extérieur français (déficit structurel de la balance courante) et, d’autre part, par la répartition régionale du commerce entre pays avancés et pays émergents (avec les logiques de spécialisations productives, les pays avancés importent depuis les émergents des produits à faible ou moyenne valeur ajoutée et exportent des produits de services ou des biens à fort valeur ajoutée). Le graphique 2 montre ce phénomène de façon frappante.

Graphique 2 : Comparaison internationale des émissions de CO2, selon les approches.

Cliquez sur l'image pour agrandir le graphique.

Typiquement, les pays avancés (États-Unis, UE) présentent une empreinte carbone supérieure à leur inventaire national, ils sont importateurs nets de GES. C'est l'inverse pour les pays émergents et notamment la Chine. Cela montre que pour réussir le découplage écologique global, c'est-à-dire le processus par lequel le développement économique s'accompagne d'une baisse des émissions de GES jusqu’à atteindre la neutralité carbone (zéro émission nette), il ne suffit pas de réduire nos émissions en Europe mais également contracter significativement la part des produits carbonés que nous importons. Il nous faut pour cela étroitement coordonner nos politiques climatiques pour inciter les autres participants de la mondialisation à décarboner les leurs.

La mesure de notre empreinte carbone nous informe que la transition écologique ne se fera pas sans un renforcement de la gouvernance mondiale, même si cette dernière est imparfaite et conflictuelle.

Source des graphiques

Les chiffres clés du climat. France, Europe et Monde. Edition 2023, Ministère de la transition énergétique, octobre 2023.

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