En 15 ans, les disparités entre quartiers, mesurées selon le revenu, se sont accentuées dans la plupart des grandes villes. Insee. Janvier 2023.
Insee Analyses n° 79, 11 janvier 2023.
par Mathilde Gerardin, Julien Pramil (Insee).
Résumé
Mesuré selon les revenus à partir de l'indice de Theil, le degré de ségrégation spatiale au sein d'une ville n'est lié ni à la taille, ni à la densité de sa population. Marseille et Paris apparaissent parmi les quinze villes où la ségrégation spatiale est la plus forte, mais Lyon, Toulouse, Nice et Montpellier sont parmi les plus homogènes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette diversité des niveaux de ségrégation : l'historique du développement urbain propre à chaque ville et les politiques publiques qui ont pu y contribuer, les spécificités des marchés immobiliers locaux, les dessertes en transports, l'offre scolaire, la localisation des emplois et des équipements, ainsi que les interactions avec les villes environnantes.
Les grandes villes avec les degrés de ségrégation les plus élevés, où les personnes avec des revenus proches habitent les mêmes quartiers, partagent toutefois des caractéristiques communes. D'une part, les écarts de revenus entre les plus modestes et les plus aisés y sont les plus marqués, alors même que les groupes sociaux sont définis avec des tranches de revenu différentes pour chaque ville, de manière à ce que chaque groupe représente un cinquième de la population : ainsi la mesure de la ségrégation reste relative à la ville considérée, indépendamment du niveau moyen et de l'amplitude des revenus.
D'autre part, les grandes villes les plus ségréguées se caractérisent par le fait que les ménages modestes y perçoivent des revenus particulièrement faibles. Quel que soit le niveau de ségrégation des villes, les populations les plus modestes et les plus aisées vivent dans des quartiers moins mixtes que celles aux revenus intermédiaires. La forte ségrégation des habitants les plus modestes se retrouve notamment, par construction, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, tandis que les quartiers résidentiels aisés sont le marqueur de l'importante ségrégation des habitants ayant les plus hauts revenus.
Entre 2004 et 2019, les disparités spatiales selon le revenu se sont accentuées dans la plupart des grandes villes : tous les groupes de revenus vivent dans des quartiers de moins en moins mixtes, à l'exception notable des populations les plus modestes. La mixité dans les quartiers prioritaires a baissé, mais ce phénomène est plus que compensé par le fait que leur population a augmenté nettement moins vite que la population des autres quartiers : la moitié des villes connaît une baisse d'au moins 15 % du poids démographique des quartiers prioritaires.
Sommaire
- Les grandes villes ne sont pas nécessairement les villes où les disparités spatiales de revenus sont les plus fortes
- Les villes où les inégalités de revenus sont plus fortes sont en général moins homogènes
- L'inégale répartition des populations les plus modestes au sein des villes, mais aussi des plus aisées, contribuent le plus à la ségrégation spatiale
- Plus de la moitié de la superficie des villes est constituée de quartiers où les personnes les plus aisées sont surreprésentées
- Entre 2004 et 2019, les disparités spatiales selon le revenu augmentent dans une grande majorité de villes
- Tous les groupes de revenus vivent dans des quartiers de moins en moins mixtes, à l'exception des populations les plus modestes
- La mixité dans les quartiers prioritaires a diminué entre 2004 et 2019
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Source : Insee Analyses n° 79, janvier 2023.
Pour aller plus loin :
Bourguignon F. (2016), « L'évolution des inégalités mondiales de 1870 à 2010 », voir l'encadré sur l'indice de Theil, SES-ENS, juin.
Botton H., Cusset P-Y., Dherbécourt C., George A. (2020), « Quelle évolution de la ségrégation résidentielle en France ? », France Stratégie, Note d'Analyse n° 92, Juin.
Oberti M., Prétéceille E. (2016), La ségrégation urbaine, La Découverte, Repères.
Palomares E., Roux G. (dir.) (2021), « Questions raciales / questions urbaines », Terrains & travaux 2021/2 (N° 39).