La «japonisation» des économies : un effet de la déformation du partage des revenus. Natixis. Mai 2019.
• Patrick Artus, "Les trois étapes de la «japonisation», au Japon et maintenant dans la zone euro", Flash Économie n°589, 10 mai 2019.
Résumé
Nous appelons «japonisation» le mouvement qui amène les taux d'intérêt à zéro à toutes maturités et qui amène à un niveau très élevé du taux d'endettement public et de la taille du bilan de la Banque Centrale. La japonisation se fait en trois étapes ; ces trois étapes se sont observées depuis la fin des années 1990 au Japon, et s'observent depuis le début des années 2010 dans la zone euro.
1. La déformation du partage des revenus au détriment des salariés conduit à une inflation faible et à la faiblesse de la demande des ménages, ce qui conduit la Banque Centrale à choisir un taux d'intérêt à court terme nul.
2. Puisque le taux d'intérêt à court terme est nul, chaque fois que l'activité faiblit la réaction de politique économique est une politique budgétaire expansionniste, d'où il résulte une hausse forte à moyen terme du taux d'endettement public,
3. Puisque le taux d'endettement public devient élevé, pour assurer la solvabilité budgétaire il est nécessaire que le taux d'intérêt à long terme devienne nul aussi ; la Banque Centrale doit donc maintenir des taux d'intérêt nuls à toutes maturités, ce qui nécessite des achats de titres publics par la Banque Centrale et la hausse de la taille de son bilan.
• Patrick Artus, "Avec le fonctionnement présent des marchés du travail, la «japonisation» des économies est tout à fait normale", Flash Économie n°641, 21 mai 2019.
Résumé
Aux États-Unis et dans la zone euro, comme au Japon, le partage des revenus se déforme en faveur des profits et au détriment des salariés. La baisse du pouvoir de négociation des salariés a conduit à la faiblesse des hausses de salaires, et donc de l'inflation. Dans cette configuration, il est normal qu'on voie apparaître aujourd'hui aux États-Unis et dans la zone euro une «japonisation» de l'économie :
- avec l'absence d'inflation, des taux d'intérêt faibles ;
- avec la faiblesse des salaires réels, donc de la demande des ménages, la nécessité d'utiliser une politique budgétaire expansionniste ; la hausse de l'endettement public qui en résulte est sans danger compte tenu du faible niveau des taux d'intérêt ;
- le taux d'endettement public devenant très élevé, la Banque Centrale intervient pour renforcer le recul des taux d'intérêt, et il en résulte une politique monétaire durablement très expansionniste, ce que la faiblesse de l'inflation rend possible ;
- la déformation du partage des revenus en faveur des entreprises conduit à un excès d'épargne des entreprises, qui est utilisé pour financer les déficits publics.
Cette «japonisation» de l'économie est normale (c'est la réaction normale à la déformation du partage des revenus). Mais c'est un équilibre inefficace : il vaudrait mieux que les salaires et la demande des ménages soient plus élevés et l'endettement public plus faible, que les entreprises ne reçoivent pas des profits dont elles n'ont pas l'usage.
• Patrick Artus, "Quels sont les dangers du modèle japonais ?", Flash Économie n°596, 13 mai 2019.
Résumé
Le modèle japonais est en train de s'étendre aux autres pays de l'OCDE : il est donc utile de réfléchir à ses dangers. Quelles sont les composantes du modèle japonais ?
- une forte déformation du partage des revenus au détriment des salariés ;
- une forte hausse de l'endettement public, le déficit public compensant la faiblesse des salaires ;
- une politique monétaire ultra-expansionniste (taux d'intérêt très bas, création monétaire considérable) qui rend possible la forte hausse du taux d'endettement public.
Quels sont les dangers du modèle japonais ?
- une crise de change due aux sorties de capitaux avec la politique monétaire très expansionniste ; ceci ne se produit pas (sauf transitoirement) au Japon ;
- la substitution de dépenses publiques inefficaces à la dépense des ménages ;
- un excès d'épargne chronique ; les entreprises ne pouvant pas investir les profits pris aux ménages par la baisse des salaires.