L'impact des médias sur les décisions de justice. IPP. Janvier 2016.
par Aurélie Ouss et Arnaud Philippe.
Une étude qui établit un lien entre médiatisation des faits divers et sévérité des peines aux assises.
L'Institut des Politiques Publiques (IPP) vise à promouvoir l'analyse et l'évaluation quantitatives des politiques publiques en s'appuyant sur les méthodes les plus récentes de la recherche en économie.
Résumé
L'analyse croisée des condamnations pénales et du contenu des journaux télévisés français (20h de TF1 et France 2) met en évidence l'influence du contexte médiatique sur les décisions de justice. Nous trouvons que, dans les cours d'assises, les peines sont plus élevées au lendemain de reportages consacrés aux faits divers criminels, et, à l'inverse, plus courtes après ceux traitants d'erreurs judiciaires. Cet effet n'est pas dû aux évolutions réelles de la criminalité, mais à une réaction à l'actualité médiatique. Il s'agit d'une influence de très court terme – seuls les reportages diffusés la vieille importent – et d'autant plus forte que l'audience télévisée était élevée. Par ailleurs, seules les informations concernant la justice affectent les peines. Les autres «mauvaises nouvelles» – sujets sur les catastrophes naturelles ou le chômage – n'ont aucun effet sur les peines prononcées. Nos résultats indiquent par ailleurs que les médias influencent les peines uniquement dans les cours d'assises, où siègent conjointement des magistrats professionnels et des jurés populaires. Les juridictions pénales composées uniquement de professionnels – tribunaux correctionnels et tribunaux pour enfants – ne sont pas affectées. L'expérience professionnelle semble donc un moyen de limiter l'influence des médias sur les décisions judiciaires.
Points clés
- En moyenne, chaque reportage sur un fait divers criminel diffusé dans les journaux télévisés de 20h augmente de 24 jours la durée des peines prononcées le lendemain par les cours d'assises.
- Chaque reportage sur les erreurs judiciaires diminue les peines prononcées le lendemain en assises de 37 jours en moyenne.
- Ces effets sont liés à la médiatisation et non à l'évolution réelle du nombre de faits commis.
- La probabilité d'être acquitté n'est pas affectée par le contenu des médias.
- Seules les informations relevant du domaine judiciaire ont une influence sur les peines.
- L'effet des médias sur les peines n'existe qu'en cours d'assises, et non pas dans les cours pénales composées uniquement de juges professionnels.
Voir les articles de presse reprenant les résultats de cette étude.