Quels seraient les effets d'une sortie de l'euro ? Janvier 2017.
En Europe, les partis politiques populistes (France, Italie, Pays-Bas…) proposent une sortie de l'euro ou de l'UE pour que les États retrouvent leur souveraineté. Par ailleurs, le prix Nobel Joseph Stiglitz (L'Euro: comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe, Editions Les Liens qui libèrent, 2016) envisage également un abandon de la monnaie unique en Europe qu'il juge responsable des difficultés économiques de l'Europe. En France, les économistes Jacques Sapir et Frédéric Lordon sont favorables à une sortie de l'euro ou à un retour à une certaine souveraineté monétaire des pays.
Mais quels seraient les effets d'une sortie de l'euro ? En ce début 2017, plusieurs organismes de recherche économiques se penchent sur cette question, qui devrait être au cœur des débats de la prochaine la campagne présidentielle française. Deux économistes de l'OFCE s'intéressent aux effets d'une sortie de l'euro d'un pays membre sur les bilans des acteurs économiques et sur les déséquilibres qu'elle pourrait entraîner entre actifs et passifs. Leur analyse montre que les coûts d'un euroexit ne seraient "pas si élevés pour certains pays déficitaires" (pays du sud de l'Europe) et seraient en revanche "plus élevés qu'on ne le pense habituellement pour les pays excédentaires" (pays du nord de l'Europe). Patrick Artus analyse quant à lui les effets micro et macroéconomiques de l'abandon de la monnaie unique par un grand pays, membre de la zone euro (France, Italie par exemple) : effets sur la compétitivité, les taux d'intérêt et les pertes en actifs des autres pays. Il en conclut à une disparition à terme de l'euro.
"Effets de bilan d'un éclatement de l'euro", par Cédric Durand et Sébastien Villemot, Blog de l'OFCE, billet du 12 janvier 2017.
Résumé
La sortie d'un pays de l'euro, voire la dissolution de la monnaie unique, est donc devenue une possibilité concrète. Un tel événement aurait évidemment un impact majeur sur plusieurs plans. Au niveau économique, la conséquence la plus évidente concernerait les marchés de produits. La possibilité de dévaluation monétaire dans les pays déficitaires contribuerait à résorber les déséquilibres des comptes courants. Il existe toutefois un autre impact, moins discuté, mais potentiellement plus perturbateur : les modifications des bilans des acteurs économiques, résultant du processus de redénomination monétaire. Ce processus pourrait introduire des déséquilibres importants dans les bilans entre actifs et passifs. Cédric Durand et Sébastien Villemot ont cherché à évaluer ces effets de bilan. Les questions concrètes qu'ils se posent sont les suivantes. Si un pays sort de l'euro et déprécie sa nouvelle monnaie nationale, quelles seront les conséquences pour les agents économiques nationaux qui ont des passifs libellés en euros : seront-ils en mesure de rembourser dans la nouvelle monnaie nationale ? Sinon, pourront-ils éviter la faillite malgré l'augmentation de leur dette ? Inversement, quelles sont les conséquences pour les pays sortants dont la nouvelle monnaie s'appréciera et qui ont accumulé des actifs étrangers ? Deux scénarios sont envisagés : la sortie d'un seul pays et un éclatement complet.
"Si un grand pays de la zone euro sortait de l'euro, l'euro disparaîtrait", par Patrick Artus, Natixis, Flash Économie n°77, 12 janvier 2017
Résumé
Les partis populistes, en France et en Italie, proposent de sortir de l'euro (ce qui d'ailleurs implique de sortir de l'Union Européenne). Mais si un grand pays sortait de l'euro, l'euro certainement disparaîtrait. En effet, les autres pays seraient confrontés :
- à la dégradation de leur compétitivité-coût ;
- et des pertes sur leurs actifs extérieurs, donc à un effet de richesse très négatif ;
- à une forte hausse, pour les pays aux économies plus faibles, de leurs taux d'intérêt, les marchés financiers anticipant la sortie d'autres pays.
Tout ceci pousserait les autres pays à aussi quitter l'euro, pour rétablir leur compétitivité, pour stimuler leur économie, puisque l'euro ne leur procurait plus des taux d'intérêt bas. Il n'y aurait donc pas seulement sortie d'un pays de l'euro, mais disparition de l'euro.
Nous vous signalons aussi cette note critique de l'ouvrage de Joseph Stiglitz :
"Stiglitz 2016 : Un regard intransigeant sur l'euro", par Michel Dévoluy, Bulletin de L'observatoire des politiques économiques en Europe, n°35, Hiver 2016.