Critères RSE intégrés à la rémunération des dirigeants : un nouvel élément de gouvernance pour les entreprises ? IPP. Décembre 2022.
Note IPP n° 85, décembre 2022.
par Sandra Cavaco, Patricia Crifo, Aymeric Guidoux.
Résumé
La crise du Covid-19 a remis en lumière les débats sur la rémunération des dirigeants, et les appels à la modération de ces rémunérations se sont multipliés, émanant à la fois du régulateur, mais aussi de certaines organisations patronales et d'investisseurs. Finalement, des baisses de rémunérations, fixes ou variables, ont été recensées dans plus de la moitié des entreprises du CAC 40 au printemps 2020.
Cela pose la question des objectifs au cœur de ces politiques de rémunération, et des indicateurs qui les sous-tendent, entre performance financière et performance extra-financière. Un nouveau dispositif incitatif se développe depuis quelques années, consistant à indexer une partie de la rémunération des dirigeants sur des indicateurs de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Qualifiés de « contrats RSE », ces dispositifs permettraient d'inciter les cadres dirigeants à une meilleure prise en compte de la performance à long terme de l'entreprise et de répondre aux demandes d'une plus grande proportion des parties prenantes (actionnaires, salariés, clients, fournisseurs, syndicats, ONG, collectivités locales, État, etc.). Le recours aux contrats RSE est une tendance globale : sur un panel de près de 4 000 firmes dans le monde, entre 2010 et 2016, 20 % ont mis en place ce type de contrats, notamment en Europe (30 %), en Amérique du Nord (27 %) et en Asie-Pacifique (37 %), et surtout dans les secteurs manufacturier et financier (26 %).
L'adoption des contrats RSE a des impacts différents sur la performance financière et extra-financière de l'entreprise selon son modèle de gouvernance. Lorsqu'ils sont mis en œuvre dans des entreprises ayant un modèle de gouvernance partenarial (dans lequel les différentes parties prenantes sont associées à la gouvernance de l'entreprise), ces contrats sont associés à de meilleures performances sociales, environnementales et en matière de respect des droits de l'homme mais n'ont pas d'association significative avec la performance financière. En revanche, dans le cas des entreprises ayant un modèle de gouvernance centré sur la création de valeur pour les actionnaires principalement, l'adoption de ces contrats RSE est liée négativement à leurs performances financières et est sans lien avec leurs performances extra-financières.
Sommaire
- Les règles de fixation de la rémunération des dirigeants
- Des débats toujours d'actualité
- Les incitations basées sur la performance financière : un modèle à repenser pour les dirigeants ?
- Les incitations basées sur des critères RSE : intégrer des objectifs durables au sein des rémunérations des dirigeants ?
- Une adoption croissante des contrats RSE : comment mesurer leurs impacts ?
- Quel impact des contrats RSE sur la performance des entreprises ?
- Application aux pays de l'OCDE sur la période 2004-2018
- L'importance du modèle de gouvernance de l'entreprise
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Source : Note IPP n° 85, décembre 2022.
Pour aller plus loin :
Chaudey M., (2011), « L'approche contractuelle de la firme », SES-ENS, décembre.
Châteauneuf-Malclès A., Le Merrer P., (2011), « L'entreprise : une réflexion interdisciplinaire autour des formes de propriété et des responsabilités sociales », SES-ENS, décembre.
De Rocquigny T., (2019), « Épisode 2/4 : Au-delà du profit, la quête de sens », un podcast de RadioFrance dans la série Entendez-vous l'éco ?, 58min, 3 septembre.
Viennot M., (2021), « Pour réduire les inégalités : un ratio d'équité ou une taxe ? », un podcast de RadioFrance dans la série La Bulle économique, 4min, 6 mars.