Les auteurs : Quesnay et les physiocrates
François Quesnay, le fondateur
François Quesnay (1694-1774) est le fondateur de l'école des "Physiocrates". Chirurgien, puis médecin réputé, il est le protégé de Mme de Pompadour et de Louis XV à la cour de Versailles.
François Quesnay rédige ses premiers articles économiques pour l'Encyclopédie de D'Alembert et Diderot : « Evidence », « Fermiers » (1756), « Grains », « Impôts », « Hommes » (1757).
En décembre 1758, il met au point le "Tableau Economique". Cette version ainsi que les suivantes sont connues sous le nom de "zigzag". Quesnay publie dans le Journal de l'agriculture, du commerce et des finances les "Observations sur le droit naturel des hommes réunis en société" (1765) et l'"Analyse de la formule arithmétique du Tableau économique" (1766), En 1767, paraissent les "Maximes générales du gouvernement économique d'un royaume agricole" dans le recueil préparé par Dupont de Nemours, Physiocratie.
A partir de 1767, les écrits des Physiocrates, en particulier le « Tableau » et les « Maximes » ont un écho très important en Europe et plusieurs membres de l'école deviennent des conseillers de princes ou monarques. Le Mercier de la Rivière est invité en Russie par l'impératrice Catherine II. Mirabeau est en contact ave le futur roi de Suède, Gustave III, avec le Grand-duc Léopold de Toscane et avec le margrave de Bade qui l'invite à expérimenter l'impôt unique sur les terres dans certains villages de son duché.
Nicolas Baudeau affirme dans les Ephémérides du citoyen, en avril 1767 : « Les vrais économistes sont faciles à caractériser [_]. Ils reconnaissant un maître, le Dr Quesnay ; une doctrine, celle de la Philosophie rurale et de l'Analyse économique ; des livres classiques, en premier La Physiocratie ; une formule, le Tableau Economique ; des termes techniques, précisément comme les anciens lettrés de la Chine ».
L'école tend à former une orthodoxie, d'où le jugement des détracteurs qui parlent de la « secte des Economistes ».
Les principaux disciples
Victor de Riqueti, marquis de Mirabeau (1715-1789). Auteur de L'Ami des hommes, ou Traité de la population (1756-1758), il devient dès 1757 le premier disciple de Quesnay. Avec l'aide de ce dernier, il entreprend un Traité de la Monarchie (1757-59), puis rédige la Théorie de l'impôt (1760) et la Philosophie rurale ou Economie générale et politique de l'agriculture (1763).
Pierre-Paul Le Mercier de la Rivière (1719-1801), juriste, va exposer les principes politiques de la Physiocratie (le « despotisme légal »). Auteur de L'Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques (1767).
Guillaume-François Le Trosne (1728-1789), avocat, auteur de De l'intérêt social par rapport à la valeur, la circulation, l'industrie, le commerce intérieur et extérieur (1777).
Nicolas Baudeau (1730-1792), auteur des Principes de la science morale et politique sur le luxe et les lois somptuaires (1767) et d'une Première introduction à la philosophie économique des Etats policés (1771).
Pierre-Samuel Dupont de Nemours (1739-1817), publiciste, auteur de De l'exportation et de l'importation des grains (1764) et De l'origine et des progrès d'une science nouvelle (1768). Il réunit les textes de Quesnay dans le recueil Physiocratie, ou Constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain en 1767-68. En 1815, il émigrera aux Etats-Unis.
Parmi les disciples étrangers, on mentionnera le Margrave de Bade, Carl Friedrich von Baden-Durlach (1728-1811), auteur d'un Abrégé des principes de l'économie politique (1772).
Ajoutons que les Physiocrates disposent de journaux pour diffuser leurs idées : les Ephémérides du citoyen (1765-1772) et le Journal de l'agriculture, du commerce et des finances (1765-1783).
Le « cas » Turgot
Anne-Robert-Jacques Turgot (1727-1781), intendant général de Limoges, et plus tard contrôleur général des Finances, est l'auteur des Réflexions sur la formation et la distribution des richesses (1766). Turgot accepte les thèses principales de l'école physiocratique, mais il va marquer son originalité, si bien qu'il est considéré, tantôt comme un « sympathisant », tantôt comme un « dissident », tantôt comme un auteur « classique » avant la lettre. En particulier, il va apporter un éclairage nouveau sur trois questions :
- Turgot affirme que « c'est par le travail que la terre produit » et que le produit agricole est limité par les rendements décroissants ;
- Dans « Valeurs et monnaies » (1769), Turgot distingue deux notions de valeur des marchandises : « valeur estimative » et « valeur appréciative ». La « valeur estimative » concerne l'individu isolé et comprend trois aspects (besoin, excellence de la chose, et rareté). La « valeur appréciative » met en jeu deux individus dans une relation d'échange ; les échangistes attribuent une valeur estimative plus grande au bien reçu par rapport au bien cédé et la « valeur appréciative » qui va déterminer le prix se situerait à la moitié de la différence entre les deux valeurs estimatives.
- Selon Turgot, le capital est le résultat de l'accumulation d'épargnes dans tous les secteurs d'activité. Selon lui, le rendement du capital le plus bas se fait par l'achat d'une terre affermée, car il est le moins risqué. Ensuite, viennent les prêts à intérêt qui rapportent davantage. Enfin viennent les investissements dans les activités agricoles, industrielles et commerciales qui sont les plus profitables.
Bibliographie
Quesnay (François) : Tableau Economique des Physiocrates (1576), Préface de Michel Lutfalla, Paris : Calmann-Lévy, 1969.
Quesnay (François) : Physiocratie: Droit naturel, Tableau économique et autres textes, éd. par Jean Cartelier, Paris : Garnier-Flammarion, 1991.
Quesnay (François) : uvres économiques complètes et autres textes éd. par C. Théré, L. Charles et J.-C. Perrot, Paris : I.N.E.D., 2004, 2 tomes.
Turgot (Anne-Robert-Jacques) : Ecrits économiques, (1621), Préface de Bernard Cazes, Paris : Calmann-Lévy, 1970.
Turgot (Anne-Robert-Jacques) : Formation et distribution des richesses éd. par J.-T. Ravix et P.-M. Romani, Paris : Garnier-Flammarion, 1997.
Jean-Pierre POTIER, Professeur de Sciences économiques à l'université Lumière-Lyon2 et chercheur au laboratoire Triangle - pôle Histoire de la Pensée (Centre Walras) pour SES-ENS.