Brexit : l'accord du 25 novembre. OFCE. Novembre 2018.
Le 23 juin 2016, les citoyens britanniques ont voté par référendum en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (Brexit). Neuf mois plus tard, le 29 mars 2017, le Royaume-Uni a activé l'article 50 du Traité sur l'Union européenne pour officialiser sa sortie de l'UE. Le pays a alors exactement deux ans pour négocier un accord de retrait. Au terme de plusieurs rounds de négociation sur le Brexit, l'Union européenne à 27 et le gouvernement britannique sont parvenus à un accord de retrait et à une déclaration politique sur les relations futures entre l'UE à 27 et le Royaume-Uni. L'accord concerne la période de transition post-Brexit (jusqu'au 31 décembre 2020 ou 2021), durant laquelle des traités commerciaux devront être négociés. Ces deux textes, approuvés par le Conseil européen le 25 novembre, doivent maintenant être ratifiés par le Parlement européen et le Parlement britannique avant d'entrer en vigueur le 29 mars 2019. Dans un billet de l'OFCE, Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak font un point sur le contenu de l'accord et de la déclaration de politique commune de novembre 2018.
Les trois points considérés comme prioritaires par l'UE à 27 dans les négociations (voir ce précédent billet de l'OFCE) trouvent un arrangement, à savoir les droits des citoyens, le règlement financier de la séparation et l'absence de frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord.
L'accord prévoit un «filet de sécurité» (backstop) pour éviter le rétablissement d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande et préserver les accords de paix de 1998. Le Royaume-Uni restera membre de l'Union douanière tant qu'aucun accord de libre-échange n'aura été conclu avec l'UE. Le «territoire douanier unique» entre le Royaume-Uni et l'UE concernera tous les biens, industriels et agricoles, sauf les produits de la pêche pour lesquels un accord spécifique devra être trouvé rapidement. Le Royaume-Uni conservera l'accès au marché unique européen pour les biens. En contrepartie, il devra se conformer à la politique commerciale de l'Union et ne pourra signer en son nom d'accords de libre-échange de biens avec des pays tiers. Londres devra aussi s'aligner sur les réglementations européennes dans beaucoup de domaines, notamment en matière de concurrence, de fiscalité, de normes sociales et environnementales. Du côté des services financiers, les opérateurs installés à la City devraient perdre leur «passeport européen» leur donnant le droit de proposer des services dans les 27 Etats de l'UE sans y être présents. Celui-ci serait remplacé par un système d'équivalences qui reste à définir.
S'ouvre ainsi une longue période de négociations commerciales qui devront régler les questions épineuses des droits de pêche, de l'autonomie de la politique commerciale britannique et de la sortie du filet de sécurité irlandais.
Durant la période de transition, les Britanniques continueront à appliquer le droit européen, en particulier la libre circulation des personnes, et à verser leur contribution financière à l'UE. En revanche, ayant le statut de pays tiers, ils ne pourront siéger dans les institutions ni participer aux décisions de l'UE. Le Royaume-Uni prend aussi un certain nombre d'engagements pour éviter qu'il ne se transforme en «paradis fiscal et réglementaire». Les droits des citoyens européens établis au Royaume-Uni et des Britanniques établis dans un État membre de l'Union seront préservés. Londres s'engage par ailleurs à continuer à respecter la Convention européenne des droits de l'homme.
Blog de l'OFCE, billet du 30 novembre 2018.
par Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak.
Résumé
Le Royaume-Uni quittera l'UE le 29 mars 2019 à minuit, deux ans après la notification officielle du gouvernement britannique de son souhait de quitter l'UE. Les négociations avec l'UE-27 ont officiellement commencé en avril 2017.
Le 8 décembre 2017, les négociateurs de la Commission européenne et le gouvernement britannique avaient signé un rapport conjoint sur les trois points de l'accord de retrait que la Commission considérait comme prioritaire : les droits des citoyens, le règlement financier de la séparation et l'absence de frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord. Le Conseil européen des 14-15 décembre avait accepté la demande britannique d'une période de transition, en fixant sa fin au 31 décembre 2020 (de façon à coïncider avec la fin de la programmation du budget européen actuel). Ainsi, de mars 2019 à fin 2020, le Royaume-Uni devra respecter toutes les obligations du marché unique (dont les quatre libertés et la compétence de la CJUE), sans plus avoir voix au chapitre à Bruxelles. Cet accord a permis l'ouverture de la deuxième phase des négociations.
Ces négociations ont abouti le 14 novembre 2018 à un accord de retrait (de près de 600 pages) et à une déclaration politique sur les relations futures entre l'UE27 et le Royaume-Uni, finalisée le 22 novembre (36 pages). Ces deux textes ont été approuvés le 25 novembre lors d'une réunion exceptionnelle du Conseil européen (réuni à 27), lequel a, à cette occasion, adopté trois déclarations. L'accord de retrait et la déclaration politique doivent être maintenant soumis à l'accord du Parlement européen, ce qui ne devrait pas poser problème et, ce qui s'avère nettement plus difficile, du Parlement britannique.
Pour aller plus loin :
Eric Maurice, "Brexit, les leçons de la négociation pour l'Union européenne", Question d'Europe n°494, 26 novembre 2018.
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak, "Brexit : voies sans issue ?", Blog de l'OFCE, 11 septembre 2018.
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak, "Brexit : réussir sa sortie ?", Blog de l'OFCE, 6 décembre 2017.
Vincent Vicard, "Brexit : quel coût pour le Royaume-Uni ? Quel coût pour l'Europe ?", L'économie mondiale 2018, La Découverte, Repères, sept. 2017.
Jérôme Creel, "Le Brexit, quelle(s) voie(s) de sortie pour l'Union européenne ?", SES-ENS, 2 février 2017.