Dette publique : un changement de paradigme. OFCE. Octobre 2021.
Dette publique : un changement de paradigme, et après ?, Policy Brief n° 926, 6 octobre 2021.
par Jérôme Creel, Éric Heyer, Mathieu Plane, Côme Poirier, Xavier Ragot (dir), Francesco Saraceno, Xavier Timbeau.
Résumé
La dette publique, et plus largement les finances publiques, occupent une place importante dans le débat économique à quelques mois des élections présidentielles. L'objet de ce Policy brief est de discuter la dette publique française dans une perspective de moyen terme.
Tout d'abord, la faiblesse des taux d'intérêt et la hausse des dettes publiques depuis dix ans ont conduit à un changement de doctrine dans la gestion des déficits publics dans le monde. Cette nouvelle doctrine ne justifie pas une hausse continue des dettes publiques mais une gestion plus contracyclique de celles-ci.
En France, entre 1978 et 2020, les dépenses publiques sont toujours restées supérieures aux recettes, le déficit public moyen étant de 3,4 % du PIB, soit un niveau trop élevé pour stabiliser la dette. Au cours de cette période, la dette publique française au sens de Maastricht est donc passée de 21,2 % du PIB à 115,1 % et a atteint son plus haut depuis 70 ans.
L'accumulation d'actifs publics montre deux périodes distinctes. Entre 1995 et 2007, la valeur nette des administrations publiques s'est accrue de 30 points de PIB, la valeur des actifs augmentant plus vite que les dettes accumulées au passif. À l'inverse, entre 2007 et 2020, la hausse de la dette publique de 50 points de PIB a eu pour contrepartie une réduction équivalente de la valeur nette patrimoniale des administrations publiques. La dette au cours de 13 dernières années a servi d'amortisseur de crises sans contrepartie à l'actif.
Ensuite, la singularité de la période actuelle est que malgré ce niveau d'endettement public très élevé en France (116 % du PIB en 2021 et 114 % en 2022), la charge d'intérêts payée par l'État français n'a jamais été aussi faible depuis plus de 40 ans.
Dans la zone euro, la spécificité de la France n'est pas tant l'augmentation de sa dette publique que le recours continu au financement par le reste du monde. Cet endettement auprès de l'étranger s'est accru pendant la crise de la Covid-19, ce qui montre que le surcroît d'épargne des ménages (150 milliards d'euros à la mi-2021) et des entreprises n'a pas compensé la hausse de la dette publique.
Le débat économique européen sur la dette publique est ouvert : les positions exprimées sur le niveau atteint par les dettes publiques ont beaucoup gagné en pragmatisme, ce dont témoignent différentes propositions d'évolution du cadre européen. L'évolution des règles budgétaires européennes dépendra in fine de la situation européenne, donc de l'accord de coalition allemand et de la présidence française de l'Union européenne.
Dans un tel environnement, une hausse de l'investissement public est possible, sans augmenter les charges d'intérêt dans le budget de l'État. Il faut cependant distinguer les investissements (ou dépenses) publics selon leurs effets économiques. Un premier type d'investissement public peut être générateur de recettes fiscales et d'un rééquilibrage de la balance courante. D'autres investissements publics s'avèrent nécessaires même s'ils n'ont pas d'effets positifs sur les recettes fiscales à venir, comme les investissements publics pour la transition énergétique dont le but premier doit être la réduction des émissions de CO2 et le maintien de la biodiversité. L'évaluation des investissements publics demande donc une claire identification des objectifs.
Un cadre analytique pour apprécier la soutenabilité de la dette publique sera proposé dans le Policy brief n° 93 « La dette publique au XXIe siècle » (Timbeau, Aurissergues, Heyer, 2021).
A découvrir : l'observatoire de la dette française, lancé par l'OFCE en octobre 2021, et son application en ligne Debtwatch qui permet de mesurer les implications de différents scénarios (croissance, taux d'intérêt, dépense publique) sur la soutenabilité de la dette. L'originalité de Debtwatch est de laisser l'utilisateur choisir une cible de dette, puis de lui permettre de constater les implications de la transition vers cette cible, à partir d'indicateurs comme le chômage, la croissance, les impôts ou encore l'inflation. Sa finalité est que chacun puisse s'approprier le débat macroéconomique sur la dynamique des dettes publiques. Des exemples d'utilisation de cet outil sont proposés dans un billet publié sur The Conversation : La dette publique post-Covid sera-t-elle soutenable ? (2 novembre 2021).
Pour aller plus loin :
L'UE face à la crise de la Covid-19. Vers une nouvelle solidarité européenne ? Interview de Christophe Blot et Xavier Ragot, SES-ENS, 5 mai 2021.
Des conférences des Journées de l'économie à suivre en streaming en novembre 2021 :
Gérer la dette publique post-Covid, 4 novembre 2021 (avec Xavier Timbeau, OFCE).
Relances budgétaires : jusqu'où ?, 5 novembre 2021 (avec Xavier Ragot, OFCE).