Entre 2018 et 2020, les entreprises relocalisent plutôt des activités peu qualifiées, et délocalisent des activités qualifiées. Insee. Décembre 2024.
Insee Analyses n° 100, décembre 2024.
Par Raphaël Lafrogne-Joussier, Lionel Fontagné et Gabriel Baratte.
Résumé
Les réorganisations de chaîne de valeur mondiale demeurent des événements rares. Entre janvier 2018 et décembre 2020, 2,8 % des entreprises de plus de 50 employés en France ont réorganisé une partie de leur chaîne de valeur : 1,7 % ont délocalisé au moins une activité et 1,2 % ont relocalisé.
L'entreprise type qui réorganise sa chaîne de valeur mondiale est une multinationale de l'industrie manufacturière, qui emploie beaucoup de travail qualifié. Alors que les délocalisations industrielles des années 1990 et 2000 ont été majoritairement intensives en travail peu qualifié, les activités délocalisées entre 2018 et 2020 tendent à être intensives en travail qualifié. À l'inverse, les activités relocalisées en France sont plutôt peu qualifiées, ce qui peut refléter le rapatriement en France d'activités préalablement délocalisées.
Les activités réorganisées sont intensives en tâches dites routinières, ou codifiables. Le caractère routinier d'une tâche est distinct du niveau de qualification qu'elle requiert ; il joue un rôle primordial dans la réorganisation de la chaîne de valeur : plus une tâche est routinière, plus il est simple pour un manager de la piloter à distance, et donc, de la délocaliser
Lorsqu'une entreprise délocalise ou relocalise une partie de sa chaîne de valeur, elle peut exécuter elle-même les tâches concernées, au sein d’une filiale, ou les confier à un sous-traitant. Lors d'une délocalisation, recourir à la sous-traitance peut s'avérer plus coûteux que d'utiliser une filiale, en raison des frais associés à la recherche du sous-traitant, à l'établissement des cahiers des charges et des contrats, ainsi qu'au contrôle de qualité. Les entreprises les plus productives privilégient donc plus souvent que les autres la sous-traitance quand elles délocalisent. Toutefois, si leurs activités sont intensives en capital incorporel elles les transfèrent dans des filiales à l'étranger, notamment afin de protéger leur propriété intellectuelle.
La probabilité de délocalisation vers une région du monde diminue avec la distance. De fait, les destinations les plus attractives sont les pays de l'Union européenne. Une exception toutefois : les activités intensives en travail qualifié sont délocalisées majoritairement vers l'Inde.
Sommaire
- 2,8 % des entreprises ont réorganisé leur chaîne de valeur mondiale entre 2018 et 2020
- Les multinationales et les entreprises intensives en travail qualifié se réorganisent davantage
- Les délocalisations touchent des activités intensives en travail qualifié, au contraire des relocalisations
- Les entreprises les plus productives délocalisent davantage chez un sous-traitant
- Les entreprises délocalisent en majorité vers l'Union européenne, très peu vers la Chine
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Source : Insee Analyses n° 100, décembre 2024.
Pour aller plus loin
Reshef A., Santoni G. (2020), « La mondialisation des chaînes de valeur (entretien) », SES-ENS.