Inflation Reduction Act : Comment l'Union européenne peut-elle répondre ? CEPII. Février 2023.
Policy Brief n° 40, février 2023.
par Antoine Bouët.
Résumé
L'Inflation Reduction Act (IRA), adopté par le Congrès américain le 16 août 2022, met en place des incitations fiscales à la production et à l'utilisation d'énergies propres aux États-Unis en programmant des financements fédéraux sur dix ans. Ces avantages fiscaux sont donnés aux entreprises ou aux ménages américains en contrepartie d'une obligation de production locale et/ou de contenu local de biens utilisés dans leur production.
Il s'agit d'une loi importante en matière de lutte contre le changement climatique : alors que le maintien du statu quo des politiques à la fin du mandat Trump aurait amené les États-Unis à des émissions de gaz à effet de serre en 2030 de 26 % en dessous du niveau de 2005 ; les émissions américaines baisseraient de 27 % en 2030 avec le Bipartisan Infrastructure Law voté en novembre 2021, mais avec l'IRA, la baisse atteindrait 42 %.
Cette loi a pourtant suscité des indignations en Europe, car elle est contraire aux principes de l'Organisation mondiale du commerce. Sur tous les crédits d'impôt compris dans l'IRA, sept contiennent en effet une clause de contenu local. Ainsi, le crédit d'impôt pour l'achat d'un véhicule électrique neuf est notamment conditionné au fait qu'un certain pourcentage des minerais critiques nécessaires à sa fabrication vienne des États-Unis ou d'un pays ayant un accord de libre-échange avec les États-Unis.
Toutefois, ces clauses de contenu local pourraient avoir une efficacité limitée pour attirer les entreprises des filières vertes : primo, la localisation d'une activité de production dépend de nombreux facteurs et l'Union européenne a des atouts en termes d'attractivité des investissements directs étrangers ; secundo, si d'un côté la loi donne des incitations fiscales attractives, d'un autre, les critères techniques associés pour respecter des obligations de contenu local sont restrictifs et deviendront de plus en plus contraignants sur les dix prochaines années ; tertio, les montants de subvention en jeu ne sont pas si importants (environ 0,17 % du PIB américain par an pendant dix ans si l'on tient compte uniquement de la part Climat et énergie), ce qui est, en termes relatifs, inférieur aux aides européennes dans le secteur.
En voulant faire d'une pierre trois coups – lutter contre le changement climatique, réindustrialiser le pays, améliorer la sécurité nationale – les États-Unis affaiblissent l'efficacité environnementale des dispositifs. L'IRA s'inscrit aussi dans la tendance récente à l'arsenalisation de la politique commerciale, notamment à l'encontre de la Chine.
La position de l'Union européenne est difficile, mais des pistes se dessinent : améliorer l'efficacité des financements des industries européennes déjà disponibles, identifier les fragilités des chaînes de valeur européennes. Une politique active visant à réduire le différentiel de prix de l'énergie est aussi une direction prometteuse pour les autorités européennes, ainsi que la négociation, avec des pays tiers, d'accords commerciaux qui répondent à certaines vulnérabilités européennes dans les filières vertes. Pour la France, la question des compétences disponibles dans les domaines scientifiques et technologiques est aussi un enjeu majeur. Enfin, un dialogue permanent avec les États-Unis, déjà en cours, pourrait permettre un certain nombre d'aménagements.
Sommaire
- Le contenu de l'IRA
- En quoi l'IRA est-elle contraire aux règles de l'OMC ?
- Les clauses de contenu local : quel impact sur les investissements directs étrangers ?
- Comment comprendre la position américaine ?
- Les options de l'UE
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Source : Policy Brief n° 40, février 2023.
Pour aller plus loin
Jean S., Châteauneuf-Malclès A. (2020), « Tensions commerciales, crise du multilatéralisme, crise sanitaire… : le commerce mondial dans la tourmente », SES-ENS, juin.
Vicard V. (2023), « Vers la fin de la mondialisation ? », SES-ENS, janvier.