La mobilité intergénérationnelle de revenus en France : une analyse comparative et géographique. IPP. Octobre 2023.

Note IPP n° 95, octobre 2023.

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Par Gustave Kenedi et Louis Sirugue.

Résumé

Dans quelle mesure les revenus des individus sont-ils liés à ceux de leurs parents ? Dans un contexte d'accroissement des inégalités économiques, cette question revêt une importance capitale pour apprécier l'égalité des chances au sein d'une société. Cette note examine la mobilité intergénérationnelle de revenus en France, en s'intéressant aux enfants nés dans les années 1970.

S'il existe de nombreuses études sur la mobilité intergénérationnelle mesurée à partir des classes sociales en France, la littérature académique s'intéressant à la mobilité mesurée à partir des revenus est beaucoup plus limitée. À la différence des travaux existants pour la France, l'approche adoptée ici mesure les revenus au niveau du ménage, permettant de rendre compte plus fidèlement du positionnement socio-économique que le revenu individuel.

Les auteurs trouvent que la France se caractérise par une forte persistance des revenus entre générations par rapport aux autres pays développés. Seuls 9,7 % des enfants issus des 20 % des familles aux revenus les plus faibles se retrouvent parmi les 20 % des ménages les plus aisés à l'âge adulte, soit 4 fois moins que les enfants des 20 % des parents les plus aisés. Cette statistique place la France parmi les pays de l’OCDE où la mobilité intergénérationnelle est la plus faible (lorsque cette information existe), seulement devant les États-Unis et l'Italie. Cette immobilité sociale peut s'expliquer en partie par des disparités d'accès et d'obtention d'un diplôme du supérieur en fonction du revenu des parents. Les enfants de familles défavorisées ont 2,5 fois moins de chances d'obtenir un diplôme du supérieur que ceux issus de familles très favorisées.

La mobilité intergénérationnelle en France présente d'importantes variations selon le département où les individus ont grandi. L'Île-de-France et les départements proches de la Suisse offrent davantage d'opportunités d'ascension économique, tandis que les Hauts-de-France et les départements de la côte méditerranéenne présentent plus de persistance. Ces variations spatiales sont fortement corrélées à la géographie du chômage en France. Les auteurs observent aussi que la mobilité géographique entre l'enfance et l'âge adulte est associée à une mobilité ascendante plus élevée : les individus issus de familles aux revenus les plus faibles qui déménagent vers des départements à hauts revenus parviennent en moyenne au même niveau de revenu que les enfants de familles aisées qui ne déménagent pas.

Le panorama proposé par cette note ouvre de nombreuses questions sur les déterminants de la mobilité intergénérationnelle de revenus. Pourquoi n'est-elle que légèrement plus élevée en France qu'aux États-Unis, malgré d'importantes différences en termes d'inégalités de revenus et de frais de scolarité dans l'enseignement supérieur entre ces deux pays ? Les disparités spatiales de mobilité intergénérationnelle s'expliquent-elles par le choix des individus de s'installer dans différents départements, ou par l'effet causal de l'environnement géographique dans lequel ils ont grandi ?

Sommaire

• Comment mesurer la mobilité intergénérationnelle ?
• La France se caractérise par une forte persistance intergénérationnelle de revenus en comparaison internationale...
• ... associée à de fortes inégalités d'accès à l'enseignement supérieur
• Des disparités locales importantes
• Une persistance intergénérationnelle corrélée à la géographie du chômage
• Mobilités géographique et intergénérationnelle vont de pair, en particulier pour les plus défavorisés...
• ... particulièrement pour ceux qui se déplacent vers des départements où les revenus sont plus élevés
• Vers une meilleure compréhension des déterminants des inégalités intergénérationnelles

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Source : Note IPP n° 95, octobre 2023.

Pour aller plus loin

Dabbaghian G., Péron M. (2021), « Tout diplôme mérite salaire ? Une estimation des rendements privés de l'enseignement supérieur en France et de leur évolution », Focus du CAE n°75.

Dherbécourt C., Flamand J. (2023), « Inégalité des chances : ce qui compte le plus », France Stratégie, Note dAnalyse n°120.

Hugrée C. (2016), « La mobilité intergénérationnelle des actifs au début des années 2010 », SES-ENS.

Mettetal B. (2020), « Massification et démocratisation de l'accès à l'école et à l'enseignement supérieur », SES-ENS.

Sicsic M. (2023), « Qui est mieux classé que ses parents dans l'échelle des revenus ? Une analyse de la mobilité intergénérationnelle en France », Economie et Statistique n°540.