Les jeunes générations face à une séquence électorale inédite (1) : les jeunes et les élections européennes du 9 juin 2024. CEVIPOF. Octobre 2024.
CEVIPOF, Note de recherche Elections européennes et législatives 2024 n° 21, octobre 2024.
Par Anne Muxel, avec la collaboration de Justin Soubanere.
Résumé
Cet ensemble de deux notes analyse le comportement électoral des jeunes (entendus ici comme les moins de 35 ans) lors des deux scrutins de juin 2024. Cette séquence électorale inédite fournit une occasion rare d’apprécier le comportement électoral des jeunes générations, confrontées sur un temps rapproché à des scrutins bien différenciés ainsi qu’à des enjeux civiques et politiques qu’ils ont pu interpréter de différentes manières.
Dans cette première note consacrée aux élections européennes du 9 juin 2024, Anne Muxel souligne la spécificité du rapport des jeunes à l'Union européenne, notamment marqué par l'importance accordée à la question environnementale, même si des clivages intragénérationnels se font jour (particulièrement en termes de genre). Une majorité de jeunes se considère désormais à la fois Français et Européens.
Pourtant, les élections européennes demeurent celles qui sont le plus affectées par l’abstention, et ce particulièrement chez les jeunes. L'écart entre l'intérêt déclaré pour l'élection et l'intention de se rendre aux urnes, mesuré quelques jours avant l'échéance électorale, témoigne d'une citoyenneté électorale à la fois plus individualisée, plus incertaine mais aussi plus critique, qui s’est affirmée dans nombre de démocraties contemporaines, et particulièrement dans les jeunes générations. Cet écart apparaît d’autant plus paradoxal que les jeunes se montrent nettement plus optimistes et confiants dans la capacité des élections européennes à changer les choses que leurs aînés. On retrouve donc, lors de ces élections, le « paradoxe démocratique » caractérisant la politisation des jeunes générations. De fait, l'abstention a signé une fois de plus le comportement dominant des jeunes à ce scrutin : 60 % des 18-24 ans et 66 % des 25-34 ans sont restés en dehors du scrutin (contre 48,6 % de l'ensemble du corps électoral et 29 % des 70 ans et plus). Le diplôme reste une variable discriminante mais dont le rôle s'est assez largement atténué, la banalisation du comportement abstentionniste gagnant les segments de la jeunesse diplômée.
Le vote européen ne concerne donc qu'une minorité des jeunes, qui s'est exprimée, comme le reste du corps électoral, en premier lieu en faveur de la liste emmenée par Jordan Bardella. Le RN domine largement les autres partis dans les intentions de vote exprimées par les jeunes peu ou pas diplômés, ainsi que parmi ceux d'un niveau de formation intermédiaire (Bac et Bac+2). Si les jeunes se distinguent des autres générations d'électeurs, ce n'est donc pas par leur propension à voter pour le Rassemblement national, mais par un vote plus prononcé pour la liste de la gauche radicale emmenée par Manon Aubry, qui obtient 21 % de leurs votes (contre à peine 10 % dans l'ensemble de l'électorat). Ainsi, les résultats de ce scrutin confirment la polarisation des votes des jeunes aux deux extrêmes de l'échiquier partisan. On voit s'opposer deux jeunesses aux positions et valeurs antinomiques, notamment au sujet des enjeux liés à l'immigration et à l'environnement. Enfin, le vote écologiste reste bien en deçà de ce qui pouvait être attendu au vu de la sensibilité de cet électorat.
Sommaire
- Des attentes fortes et un lien consistant des jeunes générations vis-à-vis de l'Union européenne
- Une citoyenneté politique européenne paradoxalement peu investie
- Le vote d'une minorité de jeunes qui signe le mécontentement et plutôt la critique de la construction européenne
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Source : CEVIPOF, Note de recherche Elections européennes et législatives 2024 n° 21, octobre 2024.
Pour aller plus loin
Desrumaux C. (2019), « Vote et production collective des préférences individuelles », SES-ENS, décembre.