Les politiques publiques au défi du retour de l'inflation. CAE. Juillet 2023.
Note du CAE n° 78, juillet 2023.
par Xavier Jaravel, Isabelle Méjean, Xavier Ragot.
Résumé
Le retour de l'inflation, à des taux jamais atteints depuis plus de 40 ans, fait légitimement naître des débats sur les causes des hausses de prix, leurs conséquences économiques et sociales et sur les mesures de politique économique pour y faire face. En effet, quand l'inflation atteint des niveaux élevés, elle devient un point de préoccupation majeur en raison de ses effets néfastes sur le pouvoir d'achat des ménages (si les prix augmentent plus vite que les salaires) et sur la compétitivité des entreprises, et génère des tensions sur la question du partage de la valeur ajoutée.
À l'aide de micro-données, cette Note documente les effets des chocs successifs sur les prix de l'énergie et des intrants importés utiles à la production (matières premières agricoles, engrais etc.). La hausse de ces coûts importés compterait ainsi pour environ un tiers de l'inflation. En particulier, les entreprises « transmettent » dans leur prix de vente la quasi-totalité de la hausse des coûts de l'énergie qu'elles subissent. Elles ne répercutent cependant que très peu les baisses de coûts, ce qui fait peser un risque de persistance de l'inflation. Le fort report des hausses de prix de l'énergie sur les prix à la production justifie de concentrer les politiques publiques sur les ménages.
Les ménages sont diversement exposés à la hausse des prix. Cette Note met en évidence que dans l'épisode inflationniste actuel, les catégories d'analyse habituelles des inégalités (groupes de revenus, tranches d'âge, lieu de vie, etc.) sont peu explicatives et que les plus grandes différences d'exposition à l'inflation se jouent à l'intérieur même de ces catégories, en fonction des paniers de consommation. Or, comprendre et documenter cette hétérogénéité s'avère crucial pour construire des réponses de politiques publiques adaptées. Cela nécessite de compléter l'appareil statistique actuel avec des mesures plus fréquentes des inégalités face à l'inflation.
Pour atténuer le choc inflationniste, le gouvernement a rapidement mis en place le bouclier tarifaire (électricité et gaz) dont les effets sont évalués dans cette Note. S'il a permis une réduction importante de l'inflation pour les ménages, il a un coût budgétaire élevé car il bénéficie à tous les ménages, y compris les plus aisés, et il n'incite pas à la sobriété énergétique car il ne préserve pas le signal prix. Les auteurs montrent que des options de politiques publiques plus efficaces, plus justes et moins coûteuses sont possibles dans le très court terme en s'appuyant sur les tarifs réglementés de vente et le chèque énergie. En particulier, mettre rapidement un terme au bouclier tarifaire sur l'électricité pour les 20 % des ménages les plus aisés aurait un impact majeur sur les finances publiques.
À plus long terme, pour prendre mieux en compte les effets très différenciés de l'inflation énergétique pour les ménages, les auteurs de cette Note recommandent de cibler des aides futures via des dispositifs indexés sur la consommation passée.
Sommaire
- Les sources de l'inflation
- Tous inégaux face à l'inflation
- Comment faire évoluer le bouclier tarifaire énergétique ?
Cliquez sur les images pour agrandir les figures.
Source : Les notes du conseil d'analyse économique n° 78, juillet 2023.
Pour aller plus loin
« L'inflation est-elle de retour ? », SES-ENS, Stats à la une, septembre 2022.
« L'essentiel sur... l'inflation », Insee, Chiffres-clés, juin 2023.