Une nouvelle mesure de la mobilité intergénérationnelle des revenus en France. Insee. Mai 2022.
Une publication de l'Insee permet de documenter pour la première fois la mobilité intergénérationnelle en matière de revenu en France, en comparant directement les revenus des parents à ceux de leurs enfants. Cette nouvelle source statistique sera très utile pour enrichir nos cours sur les outils de mesure « dynamique » des inégalités, au programme de l'enseignement de spécialité SES en terminale (Chapitre « Quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale ? »). Par rapport à une approche par les catégories socioprofessionnelle, la mesure de la mobilité intergénérationnelle par les revenus, qui permet de classer les individus sur une échelle ordonnée, a l'avantage d'être comparable dans le temps et l'espace (y compris entre pays).
L'étude de l'Insee montre que les inégalités de revenus se reproduisent en partie d'une génération à l'autre, mais que le niveau de revenu des parents ne détermine pas à lui seul le niveau de revenu des enfants. Ainsi, il existe de nombreux mouvements dans l'échelle des revenus d'une génération à l'autre. Cette étude relativise les résultats obtenus par l'OCDE dans un rapport de 2018 intitulé L'ascenseur social en panne ? Comment promouvoir la mobilité, qui conclut à une faiblesse de la mobilité intergénérationnelle des revenus en France par rapport aux autres pays développés : selon l'OCDE, il faudrait en théorie six générations en France pour que les descendants d'une famille modeste (située dans le décile inférieur des revenus) atteignent le revenu moyen, contre cinq générations aux États-Unis et quatre et demie en moyenne pour les pays de l'OCDE. Les travaux de l'Insee mettent en évidence au contraire une reproduction des inégalités de revenus plus forte aux États-Unis qu'en France. Ils montrent que la France est dans une position plutôt intermédiaire en matière de mobilité ascendante, bien que la mobilité ascendante ressentie des enfants de familles défavorisées soit plus faible que celle mesurée dans les données.
On pourra lire en complément un article du blog de l'Insee qui permet de replacer cette étude dans la littérature récente sur le sujet et de faire le point sur l'état actuel des connaissances sur la mobilité intergénérationnelle des revenus en France.
► Une nouvelle mesure de la mobilité intergénérationnelle des revenus en France, Insee Analyses, n° 73, 18 mai 2022.
par Hicham Abbas et Michaël Sicsic (Insee).
Résumé
La mobilité intergénérationnelle des revenus, qui constitue un indicateur de la capacité d'une société à assurer une égalité des chances, est pour la première fois mesurée en reliant directement les revenus des parents à ceux de leurs enfants de 28 ans. Les enfants de familles aisées ont trois fois plus de chances d'être parmi les 20 % les plus aisés que ceux issus de familles modestes : les inégalités se reproduisent donc en partie d'une génération à l'autre. Cependant, pour un même niveau de revenu des parents, les revenus des enfants varient fortement. En 2018, parmi les jeunes issus des familles les 20 % les plus modestes, 12 % sont parmi les 20 % les plus aisés de leur classe d'âge.
Toutes choses égales par ailleurs, la mobilité ascendante est d'autant plus forte que les parents ont des revenus du capital élevés, sont diplômés du supérieur, sont immigrés, ont été mobiles géographiquement, ou que les enfants résident en Île-de-France à leur majorité. À l'inverse, être une femme, avoir vécu dans une famille monoparentale, avoir des parents ouvriers ou employés, ou vivre dans les Hauts-de-France à sa majorité sont des facteurs qui réduisent les chances de s'élever dans l'échelle des revenus.
Sommaire
- Pour la première fois, une approche de la mobilité intergénérationnelle par les revenus
- Les inégalités se reproduisent en partie d'une génération à l'autre
- Les revenus des enfants à 28 ans ne dépendent pas seulement des revenus de leurs parents
- Une mobilité ascendante réelle, mais un plafond collant
- Grimper dans l'échelle des revenus par rapport à ses parents est plus aisé pour un homme ou quand on n'a pas vécu dans une famille monoparentale
- Des revenus du patrimoine élevés des parents favorisent la mobilité ascendante
- Gravir l'échelle des revenus est plus fréquent en Île-de-France et l'est moins dans les Hauts-de-France
- Des mobilités très contrastées pour les enfants d'immigrés
- Le niveau de diplôme des parents influe davantage sur la mobilité ascendante que leur catégorie socioprofessionnelle
- Environ 30 % de la variation de rang des jeunes adultes serait liée au milieu familial
Cliquez sur les images pour agrandir les figures.
Source : Insee Analyses, n° 73, mai 2022.
Pour aller plus loin :
Sicsic M. (2022), La France est-elle LE pays de la reproduction des inégalités entre générations ?, Blog de l'Insee, 19 mai.
Navarro M. (2022), Comment mesurer les inégalités économiques ?, SES-ENS, janvier (voir notamment la partie 3 : Comment évaluer la transmission des inégalités économiques ?).
Actualité sur SES-ENS : La mobilité sociale marque le pas dans les pays de l'OCDE. OCDE. Juin 2018.