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L'univers des services

Publié le 27/07/2007
Auteur(s) - Autrice(s) : Bercot, Régine ; de Coninck, Frédéric
L'Harmattan
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Commentaires éditeur :
L'univers des services parait multiforme et infiniment divers. Pourtant cette étude, au-delà de cette diversité évidente, s'efforce de repérer les éléments qui traversent d'une manière assez robuste un grand nombre de secteurs au sein des services. Ne voit-on pas ressurgir les mêmes questions vives et des solutions organisationnelles largement semblables les unes aux autres ? Au-delà de telle ou telle relation de service particulière, les processus qui produisent le service ne s'organisent-ils pas à partir de modes largement analogues les uns aux autres ?


Nos commentaires :
En s'appuyant sur les résultats de recherches menées par des membres du Laboratoire Technique, Territoire et Société (LATTS) dans le secteur des services et au sein d'entreprises industrielles « orientées client », cet ouvrage a pour ambition de repérer, à l'instar de ce qui a pu être observé dans l'industrie, l'existence éventuelle de « modèles d'organisation » au sein des activités de service. Comme le souligne Frédéric de Coninck dans l'introduction à cet ouvrage, la notion de « modèle d'organisation » n'est pas entendue ici comme une construction théorique. Elle vise à rendre compte de « manières standard de considérer ensemble (pendant une période donnée) les trois facettes : sociale, technique et économique qui entrent en jeu dans les organisations » (p.6). Dans une première contribution Véronique Bruch et Julie Delmas proposent une typologie fondée sur la distinction entre trois types de service : « les services standard », « les services élaborés » et « les services complexes » qui sont le résultat de processus de production spécifiques. Un tableau de synthèse décline les caractéristiques organisationnelles associées à chacun de ces types qui sont ensuite illustrés par trois études de cas : un centre d'appel pour les services standard, le conseil financier à La Poste pour les services élaborés, la division opérateurs d'une grande entreprise de télécommunication pour les services complexes. En s'appuyant sur des exemples empruntés à La Poste et à une usine d'abrasifs « orientée client », Régine Bercot et Frédéric de Coninck démontrent ensuite, de manière convaincante, combien les représentations d'un client et de ses attentes supposées sont tributaires de la division du travail en vigueur, varient selon la fonction exercée dans l'entreprise ou les différentes conceptions du service public développées par les agents.

Dans une troisième contribution, Sophie Beauquier et Frédéric de Coninck explorent les conséquences de la polyvalence imposée aux salariés dans le but de mieux servir le client. Aussi bien chez AXA, 3M qu'à la RATP, cette polyvalence, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, n'est pas vécue positivement par les salariés amenés à endosser des rôles différents et parfois contradictoires dans une même journée (RATP), ou à perdre en expertise à la suite de l'extension des tâches qui leurs sont confiées (AXA), à moins que des divisions organisationnelles inchangées ne conduisent à l'impossibilité de mettre en pratique la polyvalence reconnue (3M).

Dans ces trois premières contributions, les enquêtes de terrain réalisées par les chercheurs sont systématiquement exploitées pour illustrer la manière dont les services sont produits, pour comprendre comment se construisent des représentations différentes d'un même client aux différentes étapes du processus de production du service et pour évaluer les effets induits par une nouvelle division du travail supposée permettre de mieux servir le client sur certains aspects des conditions de travail des salariés concernés. Les trois contributions suivantes sont d'une autre facture. Dans deux contributions : « Bureaucratie, normalisation et service » et « Produire de la valeur mais quelle valeur ? » Philippe Zarifian propose une lecture plus théorique de la crise contemporaine de la notion de service public et de la nécessaire redéfinition de la notion de valeur dans la relation de service afin de prendre en compte la valeur ajoutée par le travail spécifique du vendeur, le service ne pouvant être réduit à un simple produit. Intercalée entre ces deux contributions, celle d'Elisabeth Campagnac analyse les évolutions des systèmes de régulation du service en réseau du rail britannique. De manière claire et bien documentée, l'auteur nous donne à comprendre les raisons la privatisation du réseau et de son échec à améliorer la qualité du service rendu, contraignant l'État à intervenir pour imposer et garantir cette qualité.

Au terme du parcours, il n'est pas certain, comme le souligne Régine Bercot dans sa conclusion, que l'on puisse observer des modèles stabilisés. Il semble bien cependant que tous les cas examinés révèlent « un lien très fort et très touffu entre le service rendu et la forme d'organisation de l'entreprise ou de l'institution » (p.162). À défaut de modèle, au moins peut-on identifier des similitudes dans les tensions qui traversent ces organisations de service : « tensions entre des modes d'organisation internes différents qui irradient les activités elles-mêmes », tensions « au sein de l'activité de travail » et « dans la recherche du profit et de la régulation » (p 163).

Au-delà de l'apport incontestable à une meilleure connaissance des tensions qui traversent les activités de service, les travaux de terrain présentés dans cet ouvrage soulignent tout l'intérêt qu'il y a à entrecroiser analyse du travail, de l'organisation et des modes des gestion des entreprises et des institutions. Cet ouvrage n'est cependant pas sans soulever quelques réticences. Il s'agit en fait d'un numéro de revue plus que d'un ouvrage construit. Significatif est le fait qu'il ne comporte aucun chapitre mais seulement des contributions assez hétérogènes. La typologie présentée dans la première contribution est présentée de manière trop artificielle pour vraiment emporter l'adhésion. Les parties les plus théoriques de l'ouvrage débouchent sur des conclusions normatives discutables. On ne peut enfin que regretter l'absence de mise en perspective ou la confrontation avec les travaux portant sur le même objet. Il n'en reste pas moins qu'en refusant les clivages entre sociologie des organisations, du travail ou sociologie économique, les chercheurs du LATTS se donnent les moyens d'une compréhension fine des transformations du travail à l'oeuvre dans l'univers des services.

Par Françoise Piotet, professeur de sociologie à l'Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et directrice du Laboratoire Georges Friedmann.


A noter :
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