La monétarisation en question
Que veut dire « monétariser » une variable composante d'un indicateur synthétique ? On peut raisonner sur un exemple. Supposons que l'on admette que l'activité bénévole est un « plus » pour la richesse d'une nation (dans une acception élargie de la richesse plus ou moins élargie à celle de « bien-être »), que l'existence du chômage soit un « moins », tout comme la destruction d'anciennes forêts. On peut alors être tenté de « corriger » les mesures traditionnelles de la production ou de la consommation nationale d'une année donnée (exprimées en valeur monétaire, par exemple en milliards d'euros) en leur ajoutant une évaluation de l'activité bénévole au cours de cette même année, et en leur retranchant des estimations du « coût social » du chômage et des pertes de valeur des forêts concernées. Il n'est certes pas simple d'attribuer une valeur monétaire à de telles contributions positives ou négatives au bien-être (diverses méthodes existent, associées à des conventions distinctes, et les résultats varient selon celles que l'on adopte), mais on ne peu balayer ces tentatives au seul motif que ces variables seraient par nature rebelles à toute monétarisation. Dans ce cas comme dans d'autres, il faut laisser un temps suffisant de maturation et d'échanges internationaux.
Toutefois, passer par la valorisation économique de toutes les variables non économiques, peut sembler contradictoire et apparaître comme un signe de victoire définitive de l'économie comme valeur suprême et comme seule justification crédible des actions en faveur de la justice, du lien social ou de l'environnement. Justifier le bénévolat, c'est-à-dire le don, et sa contribution sociétale par une valeur monétaire, c'est-à-dire le don, et sa contribution sociétale par une valeur monétaire, c'est-à-dire, qu'on le veuille ou non, par une référence au marché.
Néanmoins, la monnaie et les outils de monétarisation ne sont pas toujours des outils de soumission aux valeurs économiques entendues comme les « eaux glacées du calcul « égoïste » (selon les termes de K.Marx). Il y a bien longtemps que des actions efficaces en faveur de la justice sociale ou de l'environnement s'appuient sur des arguments ou des outils économiques et monétaires, utilisés par exemple pour « contraindre l'égoisme » de ceux qui « polluent » la société ou l'environnement, ou pour les inciter à adopter des comportements moins destructeurs.
Une réserve réelle concernant les méthodes de monétarisation générale des variables sociales et environnementales pourrait toutefois être la suivante : le risque existe que ces méthodes soient confisquées par des experts, au nom de leur complexité (réelle), et que, dans ces conditions, les enjeux deviennent opaques pour la plupart des acteurs, dépossédés des moyens de jugement, incapables de faire valoir leurs préférences sur une base informée.