Compléter les comptes nationaux pour que l'arbre ne cache plus la forêt. CAE. Septembre 2025.
Note du CAE n° 86, septembre 2025.
Par Dominique Bureau, Philippe Delacote, Fanny Henriet et Alexandra Niedzwiedz.
Résumé
La préservation du capital naturel est un enjeu majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour orienter efficacement l'action publique, il est essentiel de fournir aux décideurs des informations fiables sur les conséquences environnementales des activités économiques. Malgré certains progrès, des efforts restent encore à faire. À travers le cas de la forêt, cette Note répond à un double objectif : proposer une méthode de valorisation des différents services rendus par la forêt dans les comptes nationaux et éclairer les politiques publiques en rendant visibles les coûts et les bénéfices jusqu'alors implicites d'une action en faveur des forêts. Si cet exercice a vocation à être étendu à d'autres écosystèmes (terres cultivées, zones humides) et ressources (eau, biodiversité, etc.), la forêt offre un cas exemplaire du fait de son rôle central dans les politiques nationales de neutralité carbone et de la diversité des services qu'elle fournit.
La forêt est un puits de carbone précieux puisqu'elle absorbe 10 % des émissions nationales. Il est donc essentiel de conserver sa capacité de séquestration et d'améliorer celle des produits bois. Or le puits de carbone a été divisé par deux en dix ans. Faut-il privilégier les plantations et réduire les coupes, accroître la récolte en subventionnant le bois-énergie ou en encourageant les usages du bois à longue durée de vie ? Pour guider de tels arbitrages, la valorisation comptable du capital environnemental est indispensable. Elle ne se limite pas à améliorer notre conscience de la valeur macroéconomique de la forêt : elle peut éclairer les décisions concrètes de politiques publiques. À partir d'une méthode originale de valorisation du service de séquestration du carbone, cette Note parvient à une nouvelle estimation de la valeur ajoutée du secteur forêt-bois qui s'élève à 11,2 milliards d'euros en 2018, soit 3,5 fois sa valeur uniquement marchande. De plus, alors que la valeur patrimoniale marchande du secteur forêt-bois en France métropolitaine est estimée à 139 milliards d'euros, la valeur sociale du carbone stocké dans la biomasse s'élèverait à environ 380 milliards d'euros. À cela s'ajoute une estimation de 270 milliards d'euros pour la valeur actualisée nette des bénéfices futurs liés aux autres services écosystémiques : régulation hydrologique, préservation de la biodiversité, aménités récréatives.
En mettant l'accent sur le caractère non permanent du stockage du carbone en forêt, les résultats de cette Note apportent un nouvel éclairage sur le bilan carbone des politiques favorisant l'usage du bois-énergie. Alors que ce dernier concentre aujourd'hui l'essentiel des soutiens publics au secteur, son impact climatique est au mieux faiblement positif et en outre très incertain. Nous recommandons non seulement de privilégier un usage en cascade du bois, qui priorise les usages longs (construction, mobilier), mais aussi d'intégrer la filière bois dans les marchés de quotas CO2 afin d'internaliser les coûts et les bénéfices sociaux de la gestion forestière.
Sommaire
- La forêt : une alliée des politiques climatiques faiblement valorisée
Encadré 1 : Séquestration du carbone en forêt
- Intégration des services écosystémiques de la forêt dans les comptes nationaux
Encadré 2 : Les différents prix du carbone
Encadré 3 : Comptabilisation des services récréatifs en forêt
- Une valorisation qui éclaire les politiques publiques forestières
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Évolution des composantes du puits forestier en France métropolitaine.
Décomposition de la valeur ajoutée des forêts françaises en 2018.
Source : Note du CAE n° 86, septembre 2025.
Pour aller plus loin
Rodrigues C. (2024), « L'empreinte carbone de la France : mesure et enjeux », SES-ENS.
Schubert K. (2014), « Externalités et outils des politiques environnementales » (atelier Jéco), SES-ENS.



