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Le nouveau système de comptabilité nationale en France

Publié le 12/05/2003
Auteur(s) - Autrice(s) : Valérie Chauvin
Les comptes nationaux sont modifiés régulièrement, pour deux raisons. D'une part, les données économiques sont fabriquées par les économistes eux-mêmes et les concepts perdent de leur pertinence avec le temps. On ajoutera à cela que l'Union européenne est financée en partie par un impôt basé sur le revenu national où, donc, l'élaboration des comptes devient un enjeu économique majeur.

Les comptes nationaux sont modifiés régulièrement, pour deux raisons. D'une part, les données économiques sont fabriquées par les économistes eux-mêmes et les concepts perdent de leur pertinence avec le temps. Il faut donc faire évoluer les mesures, comme par exemple comptabiliser les logiciels dans l'investissement. Depuis le précédent système de comptabilité nationale des Nations unies (SCN68), les comptables ont réalisés un effort de synthèse pour améliorer la comparabilité des comptes nationaux entre eux, et avec les manuels de la balance des paiements et des finances publiques du FMI. Cela a abouti au SCN93. Par ailleurs, l'Union européenne est financée en partie par un impôt basé sur le revenu national. L'élaboration des comptes devient donc un enjeu économique majeur. Le système européen (SEC95) est compatible avec le SCN, mais fixe des règles comptables plus détaillées. D'une part, c'est l'occasion d'effectuer une étude globale d'une économie à une certaine date. Cela est nécessaire car le cumul d'erreurs sur les variations peut en effet aboutir à des divergences importantes sur le niveau des agrégats et leur composition. L'utilisation d'une année de base pour la pondération des indices de prix déforme aussi à terme la vision de l'inflation, et donc de la croissance: certains produits, dont l'usage s'est développé, comme l'informatique, n'ont qu'un poids très faible dans les bases anciennes. En France, la dernière année de base était 1980; elle est désormais remplacée par 1995, année de base désormais commune à tous les pays de l'Union européenne.

Aménagements du compte des administrations

La consommation finale est inchangée, mais elle est maintenant subdivisée en quatrepostes : dépenses de consommation des ménages, de consommation individuelle des administrationspubliques, de consommation collective des administrations publiques, de consommation individuelle des institutions sans but lucratif au service des ménages. Ainsi, les prestations de Sécurité sociale en nature (remboursements de médicaments, allocation logement...) ne font plus partie des dépenses de consommation des ménages mais de la consommation individuelle des administrations publiques. Elles représentaient 8 % de la consommation en valeur en 1992, et constituaient une composante dynamique, relativement peu sensible à la conjoncture. La consommation finale individuelle effective regroupe les dépenses de consommation des ménages et les dépenses de consommation publique qui sont directement destinées aux ménages (dépenses de santé, de loisirs, d'éducation, de logement destinées aux ménages). De façon symétrique, le revenu disponible brut n'intègre pas les transferts en nature. On peut cependant calculer un revenu disponible brut ajusté (y compris transferts en nature) et donc un taux d'épargne des ménages ajusté, indépendants du degré de socialisation de l'économie (plus ou moins grande prise en charge par l'État de l'éducation, de la santé...).

Par ailleurs, les équipements militaires qui peuvent être utilisés à des fins civiles (équipements portuaires, aéroports, hôpitaux, automobiles...) sont désormais intégrés dans l'investissement des administrations publiques et non plus dans leur consommation finale ; cette réaffectation ne modifie ni le PIB, ni le besoin de financement des administrations publiques.

Le reclassement des unités au sein des secteurs institutionnels a affecté essentiellement les sociétés financières (SF) et les administrations publiques. Désormais, toute unité dont le produit des ventes couvre moins de 50 % des coûts est considérée comme non marchande, indépendamment de son statut privé ou public et de son secteur d'activité: dans la base 80, le transport était toujours considéré comme marchand. Les unités publiques non marchandes sont classées parmi les administrations publiques.

Le contour des cotisations sociales, des subventions et des impôts a été modifié. Certaines cotisations sociales sont prises en charge par l'État et les régimes de Sécurité sociale (par exemple, les allégements de charges sociales sur les bas salaires). Dans la base 80, les entreprises " versaient" la totalité des cotisations et recevaient une subvention pour la partie prise en charge. Cela se justifiait par le caractère sectoriel des allégements lors de leur création. Dans la base 95, les cotisations sociales correspondent au montant effectivement versé par les entreprises, la partie prise en charge étant considérée comme un transfert entre l'État et l'administration de Sécurité sociale. Ceci réduit symétriquement les subventions reçues par les entreprises et les rémunérations qu'elles versent; l'impact sur l'excédent d'exploitation est nul. En revanche, le taux de prélèvement obligatoire s'en trouve diminué.

Meilleur suivi des services et de l'immatériel

Les services non financiers représentent près de 65 % de l'économie, mais leurs évolutions n'étaient pas détaillées dans les comptes trimestriels. La nouvelle nomenclature, moins agrégée, est plus pertinente pour l'analyse conjoncturelle. De plus, la distinction entre le secteur marchand et non marchand disparaît.

Sont maintenant considérés comme de l'investissement les logiciels qui ne sont pas intégrés dans un matériel informatique avant l'achat, puisque dans ce cas, ils sont déjà comptés en investissement de matériel informatique. Auparavant, ils étaient incorporés dans les consommations intermédiaires (inputs de la production) des secteurs utilisateurs. Ceci accroît donc le PIB.

Il était important de mieux saisir les évolutions des services et de l'immatériel, qui sont des secteurs dynamiques. Cependant, les sources de données surl'investissement et la production en logiciels ou en recherche sont rares et incertaines. De plus, les prix de ces secteurs évoluent rapidement et leurs variations sont difficiles à mesurer, ce qui fragilise encore l'évaluation des volumes (déduits des prix et des valeurs).

Le secteur financier a fait l'objet de nombreuses modifications, tant dans son contour que dans certains principes de comptabilisation. Le secteur des SF inclut tout agent qui intervient comme intermédiaire sur les marchés financiers, à condition qu'il supporte un risque.De ce fait, les assurances constituent un sous-secteur des SF, et les Sociétés civiles de placements immobiliers (SCPI) intègrent le sous-secteur des Organismes de placement collectif (OPC). Les structures de défaisance du Crédit Lyonnais font partie des administrations publiques; cela a gonflé du ratio dette publique/PIB, qui devient supérieur à 60% depuis 1997.

Auparavant, un abandon de créances approuvé par les deux parties (débiteur et créancier) était considéré comme un transfert en capital. Une telle opération venait donc accroître la capacité de financement de l'emprunteur (essentiellement des sociétés non financières-SNF) et diminuer celle du créancier (banques). Les comptables ont considéré qu'il y avait accord quand l'abandon était provisionné, si bien que la quasi-totalité des abandons de créances ont été comptabilisés en opération de répartition. Ainsi, dans l'ancienne base, les abandons de créances faisant suite à des défaillances d'entreprises se sont traduits par un gonflement artificiel de la capacité de financement des sociétés. Ce phénomène a été important dans les années 1990 (de 0,3 % du PIB en 1989, les abandons de créances au profit des sociétés ont atteint 1 % du PIB en 1995). Désormais, les abandons de créances ne seront plus comptabilisés que dans les comptes financiers. La capacité de financement des entreprises s'en trouve réduite.

Relations avec l'extérieur et autres modifications

Les échanges extérieurs de biens, dans la base 95, seront évalués FAB-FAB au niveau global (mais pas dans la décomposition par produit), comme pour la balance des paiements, les échanges de services étant valorisés de façon compatible. Dans l'ancienne base, le transport entre frontières était incorporé dans les importations de biens (valorisation CAF). Or, s'il était réalisé par un résident, il était déjà comptabilisé en production de services de transport; il fallait donc l'inclure aussi dans les exportations de services, afin d'éviter un double compte. Cela gonflait artificiellement les flux commerciaux dans les comptes nationaux. Désormais, le transport entre frontières est incorporé seulement en production de services de transport si le transporteur est résident, et dans les importations de services (et non plus de biens) si le transporteur est non-résident. Exportations comme importations sont revues à la baisse (16 milliards en 1992), à solde inchangé. Par ailleurs, les redevances sur brevets, _uvres littéraires, artistiques et audiovisuelles sont comptées dans les échanges de services avec l'extérieur, et non plus comme des revenus de la propriété puisque ceux-ci sont pris en compte dans les opérations sur les biens et services, dans le compte de la recherche. Comme dans la balance des paiements, les bénéfices réinvestis d'investissements directs sont intégrés dans les revenus de la propriété. Dans la base 95, une entreprise étrangère possédant des filiales en France reçoit un revenu correspondant à une fraction de l'épargne de ses filiales (et inversement pour une entreprise française ayant des filiales à l'étranger).

La production est désormais valorisée de façon à ce qu'elle soit proche des recettes effectives du producteur. Le montant des impôts sur les produits (TVA, taxe intérieure sur les produits pétroliers, droits de douane...) est retranché, et les subventions d'exploitation rajoutées, aux prix de vente. Ce changement diminue de façon importante la valeur ajoutée de l'énergie et du commerce, et augmente celle de l'agriculture. Cependant, le PIB reste inchangé, car on change parallèlement le passage de la valeur ajoutée au PIB. Cela modifie les comptes de production et d'exploitation des entreprises: la valeur de la production n'incluant plus les impôts sur les produits, il n'est plus nécessaire de les défalquer dans le compte d'exploitation. De même, il n'est plus cohérent d'ajouter les subventions, incluses dans la production.

Les opérations seront désormais comptabilisées au moment où naît un droit, et non plus au moment des versements. Ce principe des droits constatés est plus proche de la comptabilité privée. Cependant, les nouvelles recettes incluent des créances irrécouvrables et cela pourrait aboutir à une sous-estimation durable des déficits publics. Dans la base 95, le montant des prélèvements obligatoires est comptabilisé en droit constaté. Le déficit est calé sur le déficit évalué "en base caisse", grâce aux sommes effectivement encaissées corrigées des décalages de perception dans le temps. La différence entre les recettes potentielles (droits constatés) et celles estimées "en base caisse" sera considérée comme un transfert en capital entre administrations publiques et ménages. Les données étant calées annuellement,les prélèvements obligatoires et donc le déficit public ne seront connus qu'en fin d'année. Ainsi, le calcul des intérêts en droits constatés (intérêts dus), au lieu de leur comptabilisation au moment du versement (intérêts échus), permettra une meilleure adéquation entre les intérêts comptabilisés dans les comptes non financiers et les encours du compte financier. Cela aura un impact sur ces derniers, car les intérêts non versés seront capitalisés dans le compte de patrimoine.

TABLEAU XII.1. - L'ÉCONOMIE FRANÇAISE VUE PAR LA COMPTABILITE NATIONALE

L'ÉCONOMIE FRANÇAISE VUE PAR LA COMPTABILITE NATIONALE

Source: INSEE.

1. Épargne/Revenu disponible brut.
2. Capacité de financement/Revenu disponible brut.
3. Excédent brut d'exploitation/Valeur ajoutée des sociétés non financières.
4. Épargne/Valeur ajoutée des sociétés non financières.
5. Investissement/Valeur ajoutée des sociétés non financières.
6. Épargne/Investissement des sociétés non financières.
7. Prélèvements obligatoires/PIB.

D'autres modifications ont eu lieu, qui ne sont pas des changements de concepts. Ainsi, l'élargissement aux DOM modifie plutôt les niveaux que les évolutions des grandeurs économiques, la correction des jours ouvrables facilite l'utilisation des comptes trimestriels pour l'analyse conjoncturelle. Les réévaluations ont été nombreuses et leur ordre de grandeur rappelle la fragilité des données, avec par exemple une révision de 5 % de la valeur ajoutée des services marchands non financiers.

Bibliographie

TEMAM D., "Vingt ans après, la comptabilité nationale s'adapte", Économie et statistique, n° 318, 1998-8.

BERTHIER J.-P., "Les nouvelles évaluations de biens et services dans les comptes nationaux" et MADELIN V., "Les comptes des secteurs institutionnels: de la base 80 à la base 95", Économie et statistique, n° 321-322, 1999-1/2

PIRIOU J.-P., La Comptabilité nationale, La Découverte, coll. "Repères", 9e édition, 1999.