La remobilisation de la notion d'identité nationale
Une brève synthèse réalisée à partir de l'article de Domininique Schnapper, « La notion d'identité nationale : quelles significations ? », Cahiers Français, no 342, Janvier-Février 2008 et d'un entretien auprès d'Anne-Marie Thiesse, « La nation, une construction politique et culturelle », savoir / agir, no2, Décembre 2007.
Pendant les années 60 et 70 les notions de nation et d'identité nationale n'intéressent que l'extrême droite ou des chercheurs et intellectuels travaillant sur les nationalismes, le nazisme et l'antisémitisme.
En effet, après la seconde guerre mondiale, le nationalisme apparaît comme responsable des horreurs de la guerre et en définitive des pires exactions du XXe siècle (racisme, totalitarisme, génocide, guerres). La construction européenne répond de fait au projet de dépasser les nations et passions nationales pour construire l'Europe et réunir les peuples dans une organisation politique commune.
Parallèlement, les échanges avec le reste du monde rendent obsolète l'idée de l'indépendance nationale et l'extension de la logique et des aspirations démocratiques tend à valoriser les formes d'identifications infranationales ou supranationales. Dans les années 1960, on assiste à la montée en force des identités, des revendications communautaires...D'ailleurs, au début la notion d'identité nationale est mobilisée par les régionalistes (puisque les « régions » sont présentées comme des « nations » opprimées par des militants qui dénoncent l'impérialisme de l'identité dominante pour revendiquer le fait d'être corse ou occitan comme « identité nationale »).
Dominique Schnapper observe ainsi qu'il y a peu d'études sociologiques dans les années 60 et 70 sur l'identité nationale et on évoque souvent le tournant de 1974, avec la suspension de l'immigration et la fin de la décennie avec l'apparition du terme identité peu usité jusque là dans un sens collectif.
Au cours des années 80, il y a un retournement avec le Front national qui va imposer l'expression « identité nationale » dans le vocabulaire courant. C'est à partir de ce moment que la droite et l'extrême-droite récupèrent la notion. Auparavant on parlait « d'âme », de « génie », « d'esprit » de la nation : il s'agit d'un invariant dans le discours nationaliste et d'un élément fondamental du clivage droite / gauche.
C'est donc seulement dans la seconde moitié des années 1980 que la notion d'identité nationale va se diffuser.
Cela s'explique par la délégitimation intellectuelle de l'internationalisme marxiste (début de l'effondrement de l'empire soviétique, conversions d'intellectuels français) et de fait par l'absence de référence pour expliquer les mutations : la notion d'identité vient combler ce vide (identité religieuse, nationale...).
Aujourd'hui, la question nationale (plus précisément les dangers qu'elle est supposée courir), a resurgi en France mais aussi ailleurs. C'est le sujet international de ce début du XXIe siècle. Tous les débats actuels tournent en fait autour de la globalisation et de l'idée qu'il faudrait revenir à des repères sûrs comme l'identité nationale. Dans les années 70, la guerre froide structurait les débats : capitalisme ou révolution marxiste internationale. La question nationale a resurgi à cause de l'incapacité à repenser la question internationale puisque aujourd'hui la seule autre figure que le national est la globalisation. Mais dans un contexte d'impression que les représentants politiques et les institutions ne peuvent agir sur les tendances de la mondialisation, l'identité religieuse ou l'identité nationale apparaissent comme des forces de rassemblement des individus. Dans ce contexte, les immigrés sont accusés de porter atteinte à la cohésion nationale ce qui encourage un discours négatif sur l'immigration.
La revendication de l'identité nationale peut trouver une audience de masse (toutes classes sociales confondues) fondée à la fois sur l'appartenance à une « communauté » définie par une langue partagée, une histoire nationale, une mémoire collective, une culture nationale (hymnes, drapeaux, fêtes nationales...) et sur « la citoyenneté » d'un même Etat.