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Colloque "Le sociologue dans la Cité. Ethique et utilité sociale"

Publié le 22/06/2010
Cette page détaille le programme du colloque organisé à Paris le jeudi 15 avril 2010, donne accès accès aux vidéos des interventions sur le site de l'EHESS, et propose un compte-rendu de l'introduction du colloque par Serge Paugam.

Le programme du colloque

Ouverture : François Weil (EHESS) et Michel Prigent (PUF)

Introduction par Serge Paugam : « Le sociologue dans la Cité : les risques du métier »


1ère table ronde : « L'engagement sociologique : évolutions et ruptures »

Présidente : Sylvie Mesure

Intervenants : Stéphane Beaud, François Dubet, Dominique Schnapper

Discussion introduite par Baptiste Coulmont


2ème table ronde : « Le sociologue dans le champ médiatique : diffuser et déformer ? »

Président : Laurent Mucchielli

Intervenants : Sylvain Bourmeau, Erik Neveu, Cyril Lemieux

Discussion introduite par Cécile Van de Velde


3ème table ronde : « Le sociologue dans le champ de l'expertise : contester et servir ? »

Présidente : Agnès van Zanten

Intervenants : Daniel Benamouzig, Robert Castel, Louis Chauvel

Discussion introduite par Nicolas Duvoux


4ème table ronde : « Quelle éthique pour la sociologie de demain ? »

Président : Olivier Martin

Intervenants : Daniel Cefaï, Dominique Méda, Nicolas Mariot

Discussion introduite par Pierre Mercklé


Les vidéos du colloque

Les vidéos des interventions lors des différentes tables-rondes du colloque ont été mises en ligne sur le site de l'EHESS.

Visionner les vidéos du colloque «Le sociologue dans la Cité. Ethique et utilité sociale».

Compte-rendu de l'introduction par Serge Paugam : « Le sociologue dans la Cité : les risques du métier »

Dans son introduction, Serge Paugam souligne d'abord que la création d'une nouvelle revue est un pari très audacieux dans un contexte de «frilosité éditoriale». Il précise ensuite l'orientation que souhaitent donner ses concepteurs à Sociologie. La revue, de même que le colloque dont le thème invite à débattre de questions relatives à l'engagement sociologique, s'inscrivent dans une perspective durkheimienne, concevant la sociologie comme une discipline scientifique dont l'ambition est d'éveiller la conscience que la société a d'elle-même. Citant plusieurs passages de l'oeuvre de Durkheim, il montre que la notion de sociologie engagée traverse les travaux du fondateur de la sociologie française. Durkheim pensait que la sociologie avait un rôle de conseil et d'éducation en direction de l'ensemble de la population à jouer, donc une dimension clairement pratique (et critique), en plus de ses visées théoriques. Dans le prolongement de cette vision durkheimienne, Paugam estime que les sociologues ne doivent pas restés repliés sur eux-mêmes et doivent s'ouvrir à des publics variés. En effet, grâce à l'éclairage du sociologue, l'individu prend conscience que son expérience individuelle n'est pas unique et qu'elle est explicable par un ensemble de conditionnements sociaux. «Ainsi, dit-il, le sociologue, en diffusant son savoir, participe à ce processus de dévoilement et permet à la société de prendre conscience d'elle-même.»

Néanmoins, Serge Paugam met en garde contre les dérives possibles de l'ouverture à des publics diversifiés, en s'appuyant sur la distinction faite par R. Boudon entre les trois «marchés» de la production sociologique[1]. Le sociologue doit être conscient des «risques du métier» lorsqu'il s'adresse à différents lectorats : le risque d'être incompris ou mal compris d'abord, mais aussi le risque de ne plus se soumettre aux critères de la rigueur scientifique lorsqu'il produit en priorité pour des non sociologues (travaux de vulgarisation, expertise, journalisme) et oublie sa communauté scientifique d'origine. Ainsi la 1ère table-ronde («L'engagement sociologique : évolutions et ruptures») s'interroge sur l'évolution de la production sociologique à travers trois générations de chercheurs : dans quelle mesure y a-t-il dérive vers les deuxième et troisième marchés au détriment du premier marché ?

Serge Paugam rappelle que la revue Sociologie est avant tout un espace de confrontation et de débat scientifique entre sociologues. Mais qu'en même temps, cet espace est ouvert : les thèmes abordés sont en phase avec les débats sociaux, les méthodes sont explicitées et les raisonnements sont clarifiés dans un souci pédagogique. Pour Serge Paugam, il s'agit donc de répondre à la fois aux exigences de la rigueur scientifique imposées par la communauté des pairs et aux exigences de l'utilité sociale de la sociologie en étant connecté au monde réel et compris par les différents publics. C'est ce défi qui est lancé avec la nouvelle revue Sociologie : être «un sociologue dans la cité».

Cette ambition pose un certain nombre de questions relatives au rôle du chercheur et qui doivent être discutée. D'abord, confronté aux médias, le sociologue doit-il accepter la simplification pour diffuser ses idées, doit-il répondre à la demande pressante de chiffrage ou de positionnement normatif ? Ces questionnements sont l'objet de la 2ème table-ronde («Le sociologue dans le champ médiatique : diffuser et déformer ?»). Ensuite, confronté à l'expertise, le sociologue doit faire face au risque de l'instrumentalisation, il doit répondre à des appels d'offre orientés par les intérêts et les instruments de la gestion administrative ou d'entreprise, et non par les problématiques sociologiques. La question de l'expertise est traitée dans la 3ème table-ronde («Le sociologue dans le champ de l'expertise : contester et servir ? »). Enfin, la 4ème table-ronde s'interroge sur la déontologie susceptible de permettre à la sociologie de préserver sa force critique tout en maintenant sa rigueur scientifique («Quelle éthique pour la sociologie de demain ?»). Serge Paugam termine son intervention sur cette citation de Pierre Bourdieu soulignant les risques du travail d'expertise :

«Une bonne partie de ceux qui se désignent comme sociologues ou économistes sont des ingénieurs sociaux qui ont pour fonction de fournir des recettes aux dirigeants des entreprises privées et des administrations. Ils offrent une rationalisation de la connaissance pratique ou demi-savante que les membres de la classe dominante ont du monde social. Les gouvernants ont aujourd'hui besoin d'une science capable de rationaliser, au double sens, la domination, capable à la fois de renforcer les mécanismes qui l'assurent et de la légitimer. Il va de soi que cette science trouve ses limites dans ses fonctions pratiques, aussi bien chez les ingénieurs sociaux que chez les dirigeants de l'économie. Elle ne peut jamais proférer de mise en question radicale»[2].

 

Notes :

[1] Raymond Boudon, «L'intellectuel et ses publics : les singularités françaises», in J.D. Reynaud, Y. Grafmeyer, Français qui êtes-vous ? Des essais et des chiffres, La Documentation Française, 1981, p.465-480. Dans cet article, Boudon montre que la production intellectuelle s'adresse à différents publics, correspondant à trois «marchés» distincts : le marché de type I est celui de la communauté scientifique des pairs ; le marché de type II réunit un public plus large comprenant les pairs et des spécialistes non sociologues, concernés directement par les thèmes traités par les sociologues ; le marché de type III est plus diffus et correspond à l'ensemble des citoyens (public de conférences publiques par exemple).

[2] Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Editions de Minuit, 1984, p.27.

 

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