Conférence de Thomas Piketty : A quoi sert l'impôt sur les successions ?
Thomas Piketty [1] est intervenu le Vendredi 5 Février à Lyon, auprès des enseignants de SES invités pour une demi-journée de formation continue. Sa présentation, en posant la question de l'utilité de l'impôt sur les successions, proposait des éléments de réflexion et des données de grandeur pour analyser un potentiel retour à une société capitaliste patrimoniale.
On observe en effet que le ratio entre les revenus du travail et les revenus du patrimoine est comparable aujourd'hui à ce qu'il était au début du XXe siècle. L'affaiblissement de ce rapport dès la première guerre mondiale et son maintien à un faible niveau pendant les années d'après guerre avaient laissé penser que les revenus du travail supplantaient les revenus du capital dans une « société de cadres » où le capitalisme était souvent pensé sans capital. L'auteur montre en somme que les Trente Glorieuses étaient une exception historique s'expliquant par l'impact des guerres et de la reconstruction sur le capital, mais que le capitalisme ne peut exister durablement sans capital. Il importe donc de repenser les politiques publiques et fiscales pour répondre au nouveau contexte qui se dessine depuis quelques années et anticiper le risque de voir émerger une société de rentiers.
Vous trouverez dans ce dossier le contenu de l'intervention de Thomas Piketty avec les supports statistiques qu'il a présentés. Nous vous proposons par ailleurs quelques prolongements sur la question des revenus à la croisée de la sociologie et de l'économie.
L'intervention de Thomas Piketty
https://video.ens-lyon.fr/eduscol-ses/2008/2008-01-31-Piketty.mp4
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Version audio mp3
Visionner la conférence de Thomas Piketty avec le diaporama
Quelques documents importants pour approfondir les analyses de Thomas Piketty
Le site personnel de l'auteur
http://jourdan.ens.fr/piketty/index.php
Bibliographie et articles en ligne
http://www.jourdan.ens.fr/piketty/_mpublic/ipublic.php
Inégalités et redistribution en France au XXe siècle
Une conférence de Thomas Piketty sur son ouvrage Les hauts revenus en France au 20ème siècle. Inégalités et redistribution, 1901-1998, paru en 2001 aux Editions Grasset proposée par Canal U, la vidéothèque numérique de l'enseignement supérieur.
Inégalités et redistribution en France au XXe siècle : Il s'agira de dresser le tableau d'un siècle d'inégalités en France et de montrer que contrairement à une idée reçue, l'inégalité des salaires y est restée sensiblement la même tout au long du 20e siècle. Le pouvoir d'achat a été multiplié par 5, mais la hiérarchie n'a pratiquement changé. L'inégalité totale des revenus a fortement diminué au cours des années 1914-1915, mais cette baisse est due pour l'essentiel aux chocs subis par les revenus du capital (destruction, inflation, crise des années 1930), et non pas à un processus économique « naturel ». La concentration des fortunes et des revenus du capital n'a par la suite jamais retrouvé le niveau astronomique qui été le sien à la veille de la première Guerre mondiale. L'impact de l'impôt progressif sur l'accumulation et la reconstitution de patrimoines importants semble avoir prévenu le retour à une société de rentiers. En l'absence de ces chocs et de l'impôt progressif, il est probable que la France n'aurait pas quitté de sitôt le sommet inégalitaire du début du siècle. Je me fonderai notamment sur une exploitation systématique des sources fiscales permettant de couvrir l'ensemble du siècle (déclarations de revenus, de salaire et de successions). J'analyserai également l'évolution de la perception de ces inégalités de 1901 à 1998 (« fin des rentiers », « montée des cadres »), ainsi que celle des discours et programmes politiques en matière de redistribution. La question des inégalités apparaît dès lors comme une véritable grille de lecture de l'histoire générale de la France au 20e siècle.
Des riches de plus en plus riches : un entretien proposé sur le site de la Vie des Idées
« Camille Landais, économiste à l'Ecole d'économie de Paris, a analysé le creusement des inégalités en France dans la période récente et montre que la stabilité séculaire de l'échelle des revenus a laissé la place depuis 1998 au creusement d'un fossé entre les plus riches et la majorité de la population. Cette étude est tout à fait cruciale à l'heure où la question du pouvoir d'achat préoccupe l'ensemble de la classe politique. ».
Les apports de l'analyse sociologique des revenus : éclairages sur les travaux d'Olivier Godechot
Olivier Godechot est sociologue, chercheur au CNRS (Centre Maurice Halbwachs). Nous vous proposons ici quelques références à ses travaux disponibles aussi sur son site personnel.
Godechot Olivier, 2007, Working rich. Salaires, bonus et appropriation du profit dans l'industrie financière, La découverte, « Textes à l'appui »
Godechot Olivier, 2006, « Hold-up en finance. Les conditions de possibilité des bonus élevés dans l'industrie financière », Revue française de sociologie, vol. 47, n°2, p. 341-371.
Hold-up en finance. Les conditions de possibilité des bonus élevés dans l'industrie financière : « Les rémunérations dans l'industrie financière sont parfois très élevées et la compréhension de leur mode de formation est une clé pour la compréhension du rapport salarial. Le fait que certains salariés acquièrent un pouvoir de hold-up constitue une meilleure piste d'explication que l'idée d'incitation optimale à l'effort. Un cas de hold-up exemplaire aide à comprendre le mécanisme. Deux chefs de salle d'une grande banque ont obtenu dix et sept millions d'euros de bonus au titre de l'année 2000 en agitant la menace crédible de faire partir l'ensemble des équipes qu'ils dirigeaient dans une banque rivale. Ce cas permet de styliser le mécanisme de hold-up : la maîtrise d'actifs transférables donne les moyens de menacer l'entreprise de dommages si celle-ci n'accepte pas une renégociation favorable au salarié. Ce mécanisme est d'autant plus fréquent que les protections sont relativement inefficaces. Il conduit à voir différemment le marché du travail de l'industrie financière : moins comme un marché de personnes et de compétences personnelles que comme un marché d'actifs d'entreprises collectivement produits et emportés par des personnes qui en organisent le transfert. »
Voir aussi sur ce thème : GODECHOT Olivier, 2005 [2001], Les traders. Essai de sociologie des marchés financiers, La découverte, « Poche ».
Stéphanie Fraisse-D'Olimpio pour SES-ENS.
Note
[1] L'économie des inégalités, collection « Repères », La Découverte, 2004. Les hauts revenus en France au 20ème siècle. Grasset, 2001.