Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Navigation
Vous êtes ici : Accueil / Articles / Démographie et marché du travail dans l'Union européenne depuis 2008

Démographie et marché du travail dans l'Union européenne depuis 2008

Publié le 27/02/2018
Auteur(s) - Autrice(s) : Gérard Cornilleau
Sabine Le Bayon
Christine Rifflart
Depuis 2008, l'emploi a suivi des trajectoires très différentes selon les pays dans l'Union européenne et la hausse du chômage a affecté inégalement les populations européennes. Selon les trois économistes de l'OFCE, auteurs de cet article, les fortes disparités des taux de chômage observées dans l'UE ne s'expliquent pas seulement par des divergences dans la croissance de l'emploi, elles résultent aussi, en grande partie, des évolutions démographiques et des comportements d'activité au sein des pays dans un contexte d'intégration des marchés du travail.

Gérard Cornilleau, Sabine Le Bayon et Christine Rifflart sont économistes à l'OFCE.

 

Cet article est extrait de L'économie européenne 2017, La Découverte, coll. Repères, février 2017.

Introduction

L'intégration des pays de l'Est à l'Union européenne (UE) [1], la crise financière et la crise des dettes souveraines ont entraîné une augmentation de l'hétérogénéité au sein de l'UE. Ce qui vaut pour la situation globale des économies vaut aussi pour la population et les marchés du travail. De 2008 à aujourd'hui, le chômage a connu des évolutions extrêmement variées, allant d'une baisse de 2,6 points en Allemagne à une hausse de 17,4 points en Grèce.

L'emploi a suivi des trajectoires très différentes selon les pays. Le premier facteur qui oppose fortement les pays entre eux est lié aux grands écarts de niveau de développement. Les pays les plus riches (les pays de l'Europe des quinze) connaissent une croissance faible, alors que les ex-pays de l'Est, qui sont en phase de rattrapage, connaissent une croissance plus élevée (Pologne, Hongrie).

Le second facteur de différenciation des trajectoires de l'emploi a trait à l'ampleur de la crise de 2008-2009 qui a frappé différemment les pays européens. Les pays de la zone euro fortement touchés par la crise (Espagne, Grèce, Italie, Portugal) ont dû supporter en outre le poids des ajustements budgétaires imposés par les règles communautaires. La combinaison du choc initial et de la politique restrictive de la zone euro a conduit à une chute de l'emploi telle que celui-ci n'a pas encore retrouvé son niveau d'avant-crise.

Les évolutions sur le marché du travail résultent aussi de situations démographiques très contrastées entre les pays qui voient leur population baisser du fait de l'émigration massive de leurs ressortissants (Roumanie), ceux où le renouvellement naturel de la population (qui résulte de l'écart entre les naissances et les décès) n'est plus assuré mais qui compensent cette évolution par l'immigration (Allemagne) et ceux qui connaissent un taux de natalité satisfaisant, sans mouvement migratoire important (France).

L'équilibre global du marché du travail

La croissance et l'emploi n'ont pas suivi le même chemin dans l'ensemble des pays de l'Union. Sur la période 2008-2015, les nouveaux pays de l'Est européen (PECO) ont connu une croissance légèrement plus forte que celle des autres pays (sauf Slovénie et Croatie).

Cette hétérogénéité se retrouve dans l'évolution des marchés du travail. Entre 2008 et 2015, le taux de chômage a augmenté dans vingt-quatre des vingt-huit pays de l'UE. Seuls l'Allemagne, la Hongrie, Malte et le Royaume-Uni échappent à la règle. Tous les autres pays ont connu une hausse de leur taux de chômage qui s'échelonne entre 0,4 point (Pologne) et 17,2 points (Grèce).

La disparité des taux de chômage rend difficile l'établissement d'une typologie des marchés du travail. Pour autant, l'analyse des dynamiques qui sont à l'œuvre du côté de l'emploi et de la population fournit des éléments intéressants, tant les mouvements peuvent être amples. C'est ce que l'on voit en décomposant l'évolution du chômage à partir de ses composantes d'emploi et de population [2] (tableau 1).

Tableau 1. Contribution de la démographie et de l'emploi à la variation du taux de chômage (2008-2015)

Tableau taux chômage et variation taux de chômage (2008-15) pour les pays de l'UE
Sources : Eurostat ; calculs des auteurs.

1. Quand la contribution de l'emploi est négative (positive), cela signifie que l'emploi pousse à la baisse (hausse) le taux de chômage, c'est-à-dire qu'il y a des créations (destructions) nettes d'emplois. Quand la contribution de la population en âge de travailler et celle du taux d'activité sont positives (négatives), cela pousse à la hausse (baisse) le taux de chômage, c'est-à-dire que la population en âge de travailler et le taux d'activité augmentent (baissent).
La somme des contributions de la démographie (évolutions de la population en âge de travailler et des taux d'activité) et de l'emploi ne correspond pas exactement à la variation des taux de chômage à cause des effets croisés entre les composantes.

Une même hausse du chômage peut résulter de combinaisons opposées : entre 2008 et 2015, le taux de chômage augmente de 3 points en France comme en Irlande, alors que le premier pays crée des emplois et que le second en détruit. Les créations d'emplois sont en effet plus que compensées en France par la poussée démographique et la hausse du taux d'activité, tandis qu'à l'inverse, en Irlande, la population en âge de travailler (15-64 ans) et le taux d'activité (population active/population en âge de travailler) se contractent, limitant la progression du taux de chômage.

Ainsi, dans plusieurs PECO (Lettonie, Bulgarie, Croatie, Roumanie, Slovénie, Lituanie) et aussi dans les pays en crise (Grèce, Espagne, Portugal, Italie, Irlande), la chute de l'emploi reste l'élément majeur qui explique la hausse du taux de chômage. Simultanément, c'est dans ces mêmes pays, auxquels on peut rajouter les PECO qui ont enregistré une baisse moindre de l'emploi (Estonie), voire une hausse (Hongrie, Pologne), que la population en âge de travailler se contracte le plus. Au final, tous les PECO enregistrent une contribution très négative de l'évolution de la population en âge de travailler qui vient atténuer, voire compenser la contribution très positive des destructions d'emplois à la hausse du taux de chômage.

Mais, alors que la population en âge de travailler se contracte, on observe dans beaucoup de pays une forte hausse des taux d'activité qui pousse le taux de chômage à la hausse (contribution autour de 5 % pour la Roumanie, la République tchèque et la Pologne, 7,2 % pour la Lituanie et 10 % pour la Hongrie).

Dans la plupart des pays situés au cœur de l'Europe (Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Autriche, France), la hausse de l'emploi est en partie ou plus que compensée par la croissance de la population en âge de travailler. Font exception l'Italie et les Pays-Bas où l'emploi diminue. À l'opposé de ce que l'on observe dans les PECO, en Grèce et en Espagne, la hausse de la population en âge de travailler se combine à la hausse du taux d'activité. En Allemagne, l'accroissement de la population active ne suffit pas à annuler l'effet favorable des créations d'emplois sur le taux de chômage.

Déformation de la structure de la population

Le taux d'activité de la population augmente dans pratiquement tous les pays (sauf Irlande, Finlande, Danemark et Portugal), quelle que soit l'évolution de la population des 15-64 ans (chute supérieure à 10 % en Lettonie, Roumanie et Lituanie ; hausse d'environ 3 % en Belgique, en France et en Autriche entre 2008 et 2015). Les variations des taux d'activité résultent à la fois de l'évolution de la structure par âge de la population et des changements de comportement, en particulier en fonction de la situation économique et sociale (allongement de la scolarité, progression de l'activité féminine) ou des réformes législatives (report de l'âge du départ en retraite, etc.).

Les taux d'activité de la population la plus jeune ont poursuivi leur baisse structurelle liée à l'allongement des études, mais ils ont aussi pâti de la crise qui a contribué au recul de l'âge d'entrée dans la vie active (Irlande, Espagne, Danemark). Dans les pays qui voient leur population générale baisser, la réduction de la population en âge de travailler a été particulièrement forte pour les 15-24 ans : entre 20 et 40 % entre 2008 et 2015 dans la plupart des PECO et de l'ordre de 10 % en Espagne, Grèce, Portugal et Hongrie. Seuls certains PECO enregistrent une hausse du taux d'activité chez les plus jeunes (tableau 2).

Tableau 2. Taux d'activité par âge

Tableau évolution des taux d'activité par âge dans les pays de l'UE entre 2008 et 2015

D'autre part, on observe un vieillissement généralisé des populations. À l'exception des pays nordiques, tous les pays de l'UE enregistrent une hausse de la part de la population des 55-64 ans dans les 15-64 ans, ce qui aurait dû pousser à la baisse le taux d'activité global.

Mais comme, simultanément, dans la plupart des pays, on a reculé l'âge de la retraite, les taux d'activité des seniors ont fortement augmenté (de 10,7 points en Allemagne, 12,8 en France et même 15,7 points en Italie).

Démographie et migrations

Comme on vient de le voir, l'évolution de la population active dépend de la structure par âge de la population en âge de travailler. Celle-ci résulte elle-même de l'évolution naturelle de la population induite par les évolutions passées de la natalité et des migrations, et du solde migratoire présent. Nous analysons donc ici l'évolution de la population à partir de sa composante naturelle (naissances-décès) et du solde migratoire. Ce dernier est fortement influencé par la situation économique du pays d'accueil et du pays d'origine, par la situation politique des pays non européens et par la législation qui favorise plus ou moins la mobilité des travailleurs et des populations. L'intégration de nouveaux pays dans l'UE depuis 2004 a beaucoup influé sur les mouvements de population — d'âge actif tout particulièrement — au sein de l'UE [3].

Graphique 1. Croissance de la population entre 2008 et 2015 et ses composantes

Graphique évolution de la population dans les pays de l'UE (2008-&(), avec contribution des soldes migratoire et naturel

Cette analyse, menée sur la période 2008-2015, permet d'identifier quatre catégories de pays :

- une première catégorie dont la population augmente sur la période du fait d'un solde naturel et d'un solde migratoire positifs (partie droite du graphique). On y trouve la plupart des pays du cœur de l'UE (France, Belgique, Pays-Bas, Autriche, Royaume-Uni, Suède, Finlande et Danemark) ainsi que la République tchèque, la Slovénie et la Slovaquie ;

- l'Allemagne et l'Italie qui, pénalisées par la faiblesse de leur taux de natalité, voient leur population augmenter avec l'arrivée de nouveaux migrants. La même combinaison se retrouve en Hongrie, mais le solde migratoire demeure insuffisant pour compenser l'insuffisance des naissances ;

- à l'inverse, l'Irlande, l'Espagne et la Pologne bénéficient d'une démographie naturelle positive, mais enregistrent un solde migratoire négatif, notamment, pour les deux premiers pays cités, en raison de la crise. Si la population augmente en Irlande et en Espagne entre 2008 et 2015, elle baisse légèrement en Pologne ;

- enfin, un dernier groupe de pays voient leur population baisser du fait à la fois d'un solde migratoire et d'un solde naturel négatifs. On y trouve la plupart des pays récemment entrés dans l'UE ainsi que la Grèce et le Portugal.

Depuis fin 2014, l'arrivée de nombreux réfugiés en Europe a poussé à la hausse la population d'un certain nombre de pays, même si au niveau de l'UE cette vague migratoire reste limitée dans son ensemble (0,3 % de sa population).

Au-delà de ces traits généraux de la démographie européenne, on examinera maintenant plus finement l'évolution démographique au sein des quatre grands pays de la zone euro : Allemagne, France, Espagne et Italie.

Allemagne

Le recul de la population allemande, amorcé en 2003, a pris fin en 2011. Le solde naturel continue d'être négatif, de l'ordre de 200 000 par an. Mais le solde migratoire, qui était négatif en 2008 et 2009 au plus fort de la crise, a depuis connu une augmentation régulière, avant d'exploser en 2015 (+1,1 million), dépassant même le pic de 1992 (+782 000). La forte immigration dans les années 2011-2014 provient essentiellement de la levée des restrictions mises à la libre circulation des citoyens des nouveaux États membres entrés dans l'UE en 2004 et 2007, avec 44 % des entrées nettes entre 2008 et 2014 qui proviennent de Pologne, de Roumanie, de Bulgarie et de Hongrie. Les pays en crise d'Europe du Sud (Espagne, Italie, Portugal et Grèce) ont aussi vu les départs (nets des retours) vers l'Allemagne s'accélérer depuis 2010, puisque 194 000 personnes se sont installées en Allemagne entre 2008 et 2014, soit 11 % du flux total. Enfin, les entrées nettes des personnes demandant l'asile en Allemagne et originaires des Balkans (Albanie, Kosovo, Bosnie, Macédoine et Serbie) et de pays en guerre (notamment Syrie, Irak et Afghanistan) représentent respectivement 7 % du flux et 10 % sur cette période (avec une très nette accélération en 2014). En 2015, les demandes d'asile expliquent la majorité du solde migratoire allemand : l'immigration en provenance de Syrie, d'Afghanistan et d'Irak a explosé. La Syrie représente ainsi 26 % des entrées nettes en 2015 ; si l'on y ajoute l'Afghanistan et l'Irak, cela correspond à 50 %.

L'effet de l'immigration sur le marché du travail est visible dans l'évolution de la population en âge de travailler qui a moins reculé à partir de 2008 et a même recommencé à croître depuis 2012. Ceci a permis un accroissement plus rapide de la population active (+0,5 % en moyenne par an entre 2012 et 2015) qui avait auparavant bénéficié d'une hausse du taux d'activité.

France

Selon l'Insee, la population française (Mayotte incluse) comptait 66,6 millions d'habitants au 1er janvier 2016, soit 247 000 de plus qu'un an plus tôt. Cette hausse est portée essentiellement par le solde naturel (+200 000 en 2015). Cette évolution, fondée sur des estimations provisoires, confirme les tendances passées issues des recensements jusqu'en 2013. Entre 2008 et 2013, la population s'est accrue de 1,8 million, dont 1,6 million du seul fait du solde naturel. Le taux d'accroissement démographique de la France reste l'un des plus élevés de l'UE : 0,4 % par an en moyenne, devant le Royaume-Uni qui enregistre un taux de 0,35 % et surtout la moitié des pays de l'UE qui ont un taux négatif. Pour autant, l'accroissement naturel de la population décroît régulièrement depuis plusieurs années (+243 000 en 2013 contre 286 000 en 2008), sous l'effet conjugué de la baisse des naissances (réduction conjointe de la population féminine en âge de procréer et de la fécondité) et de la hausse des décès sur la période (vieillissement de la population). Concernant le solde migratoire, les flux nets restent positifs mais faibles (46 000 en moyenne par an, avec une hausse à 72 000 en 2012, suivie d'une évaluation à 47 000 en 2014 et 2015).

Cette évolution favorable de la natalité en France n'empêche pas le vieillissement en cours de la population liée à l'accroissement du nombre de papy-boomers. La part de la population des plus de 65 ans dans la population totale s'est accrue de 2,4 points entre le 1er janvier 2006 et le 1er janvier 2016 et s'élève désormais à 18,8 %. Au contraire, la part des moins de 20 ans a perdu 0,5 point, pour atteindre 24,6 % de la population totale au 1er janvier 2016, et celle des 20-64 ans 1,9 point, à 56,6 % aujourd'hui.

Espagne

Après une période de très forte croissance jusqu'en 2008 (1,8 % en moyenne par an depuis 2001), la population espagnole diminue depuis 2012, bien qu'en 2015 elle se soit à peu près stabilisée. Cette inflexion résulte de deux facteurs : une baisse de la fécondité et un fort effet migratoire. Alors que le nombre d'enfants par femme était passé d'un point bas de 1,16 à 1,44 entre la fin des années 1990 et 2008, il a baissé entre 2009 et 2013 jusqu'à 1,23 et remonte légèrement depuis. Pour comparaison, il atteint 2,00 en France en 2015. Le solde naturel est ainsi devenu négatif pour la première fois en 2015. L'autre facteur qui pèse sur la croissance démographique espagnole et surtout qui lui donne son profil cyclique est le solde migratoire. Très positif pendant la période de forte expansion économique d'avant-crise (plus de 690 000 entrées nettes par an entre 2002 et 2008), il n'a cessé de baisser jusqu'à devenir négatif en 2012 et surtout 2013 (–252 000). Avec la reprise de la croissance économique en 2014, la tendance s'est de nouveau inversée et le solde migratoire n'était plus que faiblement négatif en 2015 (–8 000). Pour autant, ces mouvements ne sont pas uniformes selon la nationalité des migrants. Ainsi, le solde migratoire des Espagnols, légèrement négatif en 2008, s'est creusé depuis lors (–47 000 en 2015). Les ressortissants espagnols sont de plus en plus nombreux à quitter un pays où les perspectives d'emploi restent difficiles. Le chômage frappe plus d'un tiers des jeunes actifs de moins de 30 ans (43,3 % pour la tranche des 20-24 ans et 26 % pour ceux âgés entre 25-29 ans). Dès lors la migration vers des pays où le marché du travail est plus dynamique s'accroît. Les principaux pays de destination sont le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et les États-Unis. À l'inverse, les résidents étrangers, nombreux à partir entre 2008 et 2013, sont moins volontaires au départ depuis la reprise économique, tout comme on observe un retournement de tendance du nombre d'étrangers qui viennent s'installer en Espagne en 2014. Au final, le solde migratoire des étrangers est passé de +312 000 en 2008 (dont 126 000 en provenance d'Amérique latine, 80 000 de l'UE et 68 000 d'Afrique) à –210 000 en 2013, avant de redevenir positif en 2015 (+38 000).

Dans ce contexte d'émigration, couplé à la chute des naissances entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990 (et donc à la chute de la population en âge de travailler aujourd'hui), la structure par âge de la population s'est profondément modifiée. Entre 2009 et 2015, la population des 15-64 ans accuse une baisse de plus d'un million de personnes. Elle est de plus très largement concentrée sur la tranche la plus jeune, celle des 20-34 ans (–2,2 millions, dont –1,3 million pour les ressortissants espagnols et –0,9 pour les autres nationalités sur la période).

Italie

Alors que la population italienne augmentait de 0,4 % en moyenne entre 2008 et 2013, grâce à un solde migratoire positif et en dépit d'un solde naturel négatif, elle s'est stabilisée en 2014 et a baissé pour la première fois en 2015, le solde migratoire n'ayant pas suffi à compenser le déficit du solde naturel. Ce dernier s'est accru énormément ces dernières années, pour atteindre –160 000 en 2015, un niveau proche de celui de l'Allemagne alors que la population totale est inférieure de 25 % à la population allemande. Dans le même temps, le solde migratoire a diminué ces dernières années et a été très faible en 2015 (+31 000), alors qu'il était d'environ 420 000 en 2008, en raison de la crise économique qu'a traversée le pays. Les entrées d'étrangers ont nettement diminué : celles en provenance de Roumanie ont été divisées par plus de trois sur cette période (175 000 au pic en 2008, 51 000 en 2014), celles en provenance du Maroc par deux (37 000 en 2008, 18 000 en 2014). Les départs d'étrangers sont restés relativement faibles. En revanche, le solde migratoire des Italiens s'est creusé sur la période récente (à –60 000 en 2014), avec une émigration vers le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suisse et la France principalement. Paradoxalement, alors que le pays est un point d'entrée important pour les réfugiés, les demandes d'asile sont restées modérées, à 83 000 en 2015, une partie des arrivants demandant vraisemblablement l'asile dans d'autres pays européens. Les demandes d'asile en Italie concernent essentiellement des pays africains (22 % pour le Nigeria, 10 % pour la Gambie, 6 % pour le Mali) et asiatiques (12 % pour le Pakistan, 7 % pour le Bangladesh).

In fine, malgré une population relativement dynamique jusqu'en 2013, la population en âge de travailler s'est accrue de seulement 0,8 % sur l'ensemble de la période 2018-2015, du fait du vieillissement important de la population. La population active a été un peu plus dynamique (+2,6 %), grâce au rattrapage du taux d'activité des seniors en lien avec la réforme des retraites.

Conclusion

La croissance de l'emploi ne suffit pas à expliquer les variations du taux de chômage. Les évolutions de population expliquent une grande partie de la réponse du taux de chômage à l'évolution de l'emploi. Et l'entrée des PECO dans l'UE et la libre circulation des travailleurs qui va de pair (au-delà des contraintes temporaires) ont encore augmenté les possibilités d'ajustement. Si certains pays tels que l'Espagne ou le Portugal ont depuis longtemps connu d'importantes vagues de migration vers des destinations plus porteuses en matière d'emploi, l'entrée des PECO marque une nouvelle étape dans le processus européen d'intégration des marchés du travail.

Il est très dommageable que ce mouvement de convergence se produise dans un contexte de faible croissance globale, d'autant qu'un autre défi à relever dans les prochaines années est celui de l'intégration des réfugiés [4]. Si, à court terme, cet apport de population représente un coût pour les pays européens, il constitue également une chance de croissance à moyen terme, permettant d'atténuer l'insuffisance démographique structurelle au sein des grands pays européens vieillissants.

Repères bibliographiques

OCDE, Perspectives de migrations internationales, différents numéros.

Notes

[1] Avec dix nouveaux États membres en mai 2004 (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie), deux en janvier 2007 (Bulgarie et Roumanie) et la Croatie en juillet 2013.

[2] Pour rappel, on a U = PA – N = PAT * (PA / PAT) – N = PAT * taux d'activité – N, avec U le nombre de chômeurs, PA la population active, PAT la population en âge de travailler (15-64 ans) et N l'emploi.

[3] Les autres pays membres peuvent décider de restreindre l'accès des travailleurs des nouveaux pays à leur marché du travail pendant au plus sept ans. C'est ce qu'ont fait de nombreux États pour les PECO entrés en 2004 et 2007. Aujourd'hui, seule la Croatie, entrée en 2013, connaît un droit d'accès restreint au marché du travail de cinq pays, et ce jusqu'à juillet 2020 au plus tard.

[4] Voir le chapitre X de L'économie européenne 2017 : Jules Bergeot, Gérard Cornilleau et Sabine Le Bayon, "L'Europe face aux réfugiés : un aperçu".

Carte Union Européenne : Taux de chômage en % de la population active - Données Eurostat 2016 (extraites le 28/02/2018)