Impact économique de la pandémie de Covid-19 sur le marché du travail et l'emploi en France
La pandémie de Covid-19 a eu un impact majeur sur le marché du travail et l'emploi en 2020 : chute de l'activité économique, travailleurs empêchés de se rendre sur leur lieu de travail, recours massifs au télétravail et à l'activité partielle, fermeture des écoles, personnes vulnérables à la Covid. Mais la pandémie ne s'est pas arrêtée une fois terminé le confinement et ses effets vont perdurer en 2021. De fait, la reprise de l'activité économique ne permettrait pas d'absorber rapidement les pertes d'emplois enregistrées au premier semestre 2020 (– 794 000 emplois). D'un côté, le plan de relance soutiendrait l'activité et les créations d'emplois via les mesures sur l'emploi (prime à l'embauche des jeunes et dispositifs d'emplois aidés), de l'autre, l'activité resterait durablement déprimée dans certains secteurs du fait de la pandémie et des mesures prophylactiques prises pour ralentir la diffusion du virus (fermetures administratives, diminution des capacités d'accueil dans les bars-restaurants, les activités récréatives, de sport et de loisir, les transports, chute du tourisme). In fine, du fait des destructions d'emplois anticipées au second semestre 2020 (– 50 000 emplois) et de trop faibles créations prévues durant l'année 2021 (+ 510 000 emplois,) seuls deux tiers des pertes d'emplois enregistrées au premier semestre 2020 seraient comblées fin 2021. Dans ce chapitre, nous revenons sur les effets massifs de la pandémie sur le marché du travail : nous analysons l'impact du confinement sur le travail et l'emploi, et les perspectives d'emploi et de chômage en 2020-2021.
Le confinement : l'emploi et le travail chamboulés
Durant la période de confinement, de nombreux salariés ont été empêchés de travailler, soit parce qu'ils devaient garder leurs enfants, soit parce qu'ils travaillaient dans un secteur « non essentiel » et touché par les fermetures administratives, soit parce que leur entreprise a été contrainte de réduire le volume d'heures travaillées du fait de la chute d'activité ou pour cause de maladie. Combien de travailleurs ont-ils été affectés ?
Fermeture des commerces et restaurants en France : quel impact sur l'emploi ?
L'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus SARS-CoV-2 a acté la fermeture de nombreux commerces. Restaurants, magasins d'habillement, d'informatique ou de loisir, théâtres, cinémas ou encore musées sont autant de lieux accueillant du public qui ont dû fermer. Au total, plus de 1,8 million de salariés ont été directement impactés et 330 000 indépendants ont vu leurs commerces fermés administrativement (Ducoudré et Madec, 2020). Les TPE sont les premières à subir les effets des fermetures puisqu'elles concentrent à elles seules plus d'un tiers des emplois impactés, soit deux fois leur part dans l'emploi total. Ainsi, plus d'un tiers des emplois concernés y sont recensés alors qu'elles ne représentent que 16 % de l'emploi total. De même, les femmes occupent 58 % des emplois concernés, soit 10 points de plus que leur part dans l'emploi total. Enfin, à l'image de la forte densité commerciale des zones urbaines les plus peuplées, près de la moitié des emplois impactés sont des emplois se trouvant dans des zones urbaines de plus de 500 000 habitants.
Avec 600 000 salariés et 120 000 non-salariés impactés, le secteur de la restauration dite traditionnel (hors restauration rapide notamment) est le secteur le plus touché par la fermeture administrative. Le secteur du commerce de détail (hors automobile et alimentaire) est le deuxième secteur le plus touché avec 530 000 salariés et 130 000 non-salariés empêchés de travailler. Au sein de ce dernier, le secteur de l'habillement est celui comptant le plus d'emplois touchés (170 000) suivi des grandes surfaces de bricolage (65 000) ou d'ameublement (50 000).
Combien de télétravailleurs potentiels en France ?
À partir de l'enquête Emploi en continu de l'Insee, nous avons tenté d'identifier au sein des 528 professions qui y sont décrites celles pouvant faire l'objet d'une mise en place du télétravail. Bien évidemment, cette évaluation ne tient compte ni des contraintes propres à chaque entreprise ni de la volonté des salariés (ou des entreprises) d'adhérer à la pratique. Elle permet néanmoins de fournir des ordres de grandeur. Selon cette première estimation, 7,9 millions d'emplois salariés, soit 33 % des emplois salariés, et 400 000 non-salariés (14 %) pourraient être concernés par la mise en place du télétravail (hors commerces fermés). Logiquement, la généralisation du télétravail devrait avoir un impact très différent selon les catégories socioprofessionnelles. Si les cadres devraient pouvoir le pratiquer facilement, cela semble être difficile pour les ouvriers et de nombreux employés.
Fermeture des écoles : quel impact sur l'emploi en France ?
À partir du 16 mars, l'ensemble des crèches et des établissements scolaires de France ont été fermés. Au total, 12 millions d'enfants ont été concernés. Dès lors, plusieurs solutions s'offraient aux parents. S'ils pouvaient travailler à distance, ils devaient privilégier cette option. Dans le cas contraire, leur employeur pouvait enclencher une demande visant à les faire bénéficier d'un « arrêt de travail pour garde d'enfants ».
À partir de l'enquête Emploi en continu de l'Insee, nous avons quantifié le recours potentiel à ce dispositif. Pour les familles monoparentales, si le parent isolé ne peut pas télétravailler, s'il n'est pas concerné par une fermeture administrative ou s'il n'appartient pas au personnel soignant pour qui sont mis en place des modes de garde alternatifs, nous le considérons éligible à l'arrêt de travail. Cela aurait concerné 430 000 familles monoparentales. Pour les couples, les conditions décrites précédemment doivent être vérifiées pour l'ensemble des deux membres. Autrement dit, aucun des membres du couple ne doit pouvoir télétravailler ou être touché par la fermeture des commerces. De même, aucun des deux ne doit appartenir au corps médical. Évidemment, les deux membres du couple doivent être des actifs occupés. Sous ces hypothèses, ce sont 1,1 million de couples avec enfant(s) qui auraient été dépourvus de mode de garde du fait de la fermeture des écoles et des modes de garde. Au total, plus de 1,5 million de personnes en emploi ont en théorie été touchées par la fermeture des écoles. En termes de catégories socioprofessionnelles, les professions intermédiaires, les employés non qualifiés et ouvriers qualifiés représenteraient sans surprise le gros des effectifs puisqu'ils ne peuvent recourir que difficilement au télétravail. Du côté sectoriel, les secteurs « administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale » et « commerce » auraient été les principaux touchés.
Les ajustements de l'emploi (2020-2021)
Durant le confinement, le flux des embauches a été empêché dans certains secteurs, tandis que les contrats courts arrivaient pour partie à échéance, ce qui s'est traduit par une asymétrie sur le marché du travail : des contrats se sont terminés, des salariés ont quitté leur entreprise (départ à la retraite, changement d'emploi décidé avant le confinement, fin de préavis…), mais n'ont pas été remplacés. Face à l'incertitude, les projets de recrutement ont été repoussés. Quelles ont été les conséquences sur l'emploi ? Dans le même temps, afin d'éviter les destructions d'emplois, soutenir les entreprises et le revenu des ménages, et permettre aussi une reprise rapide de l'activité, le gouvernement a mis au cœur de sa stratégie de réponse à la crise le dispositif de chômage partiel (dit d'« activité partielle »), destiné aux salariés du secteur privé. Comment fonctionne le dispositif ? A-t-il été efficace ? Quel est son coût pour les finances publiques ?
L'ajustement du marché du travail pendant le confinement concentré sur les plus précaires
Durant le confinement, on a assisté à un ajustement très rapide et très violent de l'emploi à l'activité. Dès la seconde quinzaine du mois de mars, les entreprises ont massivement mis fin aux missions d'intérim et n'ont pas renouvelé les contrats à durée déterminée. L'emploi intérimaire a ainsi baissé de 424 000 fin avril 2020 par rapport à fin décembre 2019, les deux tiers de l'ajustement ayant lieu dans l'industrie et la construction, et le taux d'emploi en CDD/intérim a baissé de 1,2 point au deuxième trimestre 2020. En moyenne, sur ce trimestre, l'emploi intérimaire a chuté de 265 000 par rapport au quatrième trimestre 2019, soit un tiers de l'ajustement total de l'emploi salarié (voir tableau 1). L'ajustement a été très marqué dans la construction, avec l'arrêt d'une grande partie des chantiers au moment du confinement (– 83 % d'emplois intérimaires fin avril 2020 par rapport à fin décembre 2019), suivi d'une reprise rapide en sortie de confinement. Cette dernière s'est ainsi traduite par une réembauche des intérimaires, mais dans une moindre mesure : 64 % de l'emploi intérimaire détruit à fin avril avait été recréé fin juillet 2020. Cet ajustement particulièrement violent de l'emploi a principalement touché les jeunes et les moins diplômés (voir encadré). En contrepoint, l'activité partielle a permis de protéger les salariés en contrat à durée indéterminée et en CDD longs en faisant porter l'ajustement sur les heures travaillées de ces salariés plutôt que sur le niveau d'emploi.
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Encadré 1. Les salariés vulnérables à la Covid-19
En France, l'entame d'une sortie du confinement depuis le 11 mai s'est accompagnée de préconisations visant à réduire les contacts pour les populations dites « vulnérables », c'est-à-dire à risque accru de forme grave de Covid-19 en raison de leur âge ou de leurs pathologies. Ainsi, le décret du 5 mai 2020 définit la « vulnérabilité » au sens de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020, c'est-à-dire comme pouvant donner droit au dispositif d'activité partielle.
Selon nos estimations, en excluant les critères liés à l'âge, la France métropolitaine compte 12,6 millions de personnes vulnérables, soit 24 % de la population au titre du décret du 5 mai 2020. Même si la prévalence des pathologies à risque est liée à l'âge, elle reste importante aux âges actifs et même si un nombre important de personnes vulnérables sont hors de l'emploi, en raison de leur âge, mais aussi de la sélection par la santé dans l'emploi, ce sont 4,8 millions de personnes vulnérables qui occupent un emploi, soit 17,5 % des personnes en emploi (Jusot et al., 2020). Si la pratique du télétravail est théoriquement possible pour certains de ces travailleurs, 3,5 millions d'actifs occupés répondraient aux critères de vulnérabilité sans possibilité de travailler à distance dont 2,8 millions de salariés. Selon nos estimations, sous l'hypothèse que l'ensemble des salariés éligibles à l'activité partielle pour vulnérabilité y recoure, et sous l'hypothèse que ces derniers ne soient pas déjà en activité partielle pour cause de baisse de l'activité de leur entreprise, l'indemnisation des 2,8 millions de salariés concernés coûterait 2,8 milliards d'euros par mois à l'État et l'Unedic et 400 millions d'euros aux entreprises.
Le 29 août 2020, un nouveau décret paru au Journal officiel réduisait drastiquement la précédente définition de la « vulnérabilité » liée à la Covid-19. Selon les premières estimations, le nombre de salariés éligibles à ces nouvelles conditions ne dépasserait pas 700 000. Le nombre de salariés éligibles à l'activité partielle pour cause de vulnérabilité aurait donc été divisé par quatre entre fin avril et fin août.
Le dispositif d'activité partielle : la rétention de main-d'œuvre à tout prix
Le gouvernement a mis le dispositif de chômage partiel (dit d'« activité partielle ») au cœur de sa stratégie de réponse à la crise. D'après les dispositions prises par le ministère du Travail, l'activité partielle s'adresse aux salariés subissant une baisse de rémunération due soit à une réduction de l'horaire de travail, pratiqué dans l'établissement en deçà de la durée légale de travail, soit à une fermeture temporaire de l'établissement. De manière générale, tous les salariés soumis au code du travail sont éligibles au dispositif, quel que soit leur type de contrat de travail. A contrario, ne sont pas éligibles les travailleurs non salariés (un fonds d'indemnisation leur a été destiné) et les fonctionnaires.
À compter du 1er mai 2020, les salariés placés en arrêt maladie pour garde d'enfants sont intégrés au dispositif d'activité partielle.
Un dispositif qui évolue rapidement
Pour chaque heure de chômage partiel déclarée, l'entreprise indemnise le salarié à hauteur de 70 % de son salaire brut au minimum, soit environ 84 % du salaire net. L'indemnité horaire ne peut toutefois pas être inférieure au SMIC net horaire, soit 8,03 euros (excepté pour les contrats de professionnalisation et d'apprentissage). L'État et l'Unedic indemnisent l'entreprise à hauteur de 70 % du salaire brut par heure de chômage partiel déclarée (100 % au niveau du SMIC). Si l'entreprise décide de compenser au-delà de 70 % du salaire brut la rémunération de ses salariés, ce complément n'est pas soumis à cotisations sociales. Avant le confinement, le dispositif consistait à une indemnisation forfaitaire s'élevant au 1er janvier 2020 à 7,74 euros par heure dans les entreprises employant jusqu'à 250 salariés (7,23 euros par heure dans les entreprises à partir de 251 salariés). Pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, le dispositif a donc été considérablement étendu. Afin d'inciter les entreprises à en sortir, tout en soutenant les secteurs durablement affectés par la crise sanitaire, le gouvernement a d'un côté décidé une baisse du taux de prise en charge par l'État et l'Unedic (60 % du salaire brut à partir du 1er juin 2020). De l'autre, il a créé un dispositif d'activité partielle longue durée (APLD), soumis à accord collectif et qui plafonne la durée d'activité partielle à 40 % du temps de travail sur une période pouvant s'étendre sur vingt-quatre mois, avec un taux de prise en charge de 70 % du salaire brut. Enfin, une liste des secteurs touchés par les restrictions liées aux mesures prophylactiques conserve une prise en charge par l'État et l'Unedic à son maximum (hôtels, restaurants, cinémas, transports, clubs de sport…) au moins jusqu'au 31 décembre 2020.
Encadré 2. Les contrats courts, principales victimes de la crise économique
Les destructions d'emplois durant la période de confinement intervenues pour une grande part via un ajustement des contrats courts (CDD, intérim) reflètent la flexibilité accrue du marché du travail ces dernières décennies via le développement massif du recours aux contrats courts. En exploitant l'enquête Emploi en continu de l'Insee, il est possible de caractériser ces salariés en contrats courts (tableau 2). Les actifs occupés de moins de 25 ans, non éligibles au RSA, représentent plus du quart du contingent des contrats courts contre 14 % de l'emploi total. Ils représentent de plus 19 % des salariés en période d'essai, potentiellement touchés par la chute brutale de l'activité. De même, plus de la moitié des contrats (55%) sont occupés par des salariés ayant un niveau de diplôme inférieur au bac. Si les femmes sont plutôt sous-représentées, les temps partiels représentent quant à eux près d'un contrat court sur cinq. Pour les salariés en contrat court à temps plein, leur salaire net annuel était en moyenne 6 800 euros inférieur à celui observé en France métropolitaine en 2016.
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Un recours massif des entreprises au dispositif
Les entreprises ont largement recouru au dispositif d'activité partielle durant le confinement. En moyenne, au deuxième trimestre 2020, 16,5 % des salariés auraient été placés en activité partielle – soit l'équivalent de 4,2 millions de salariés travaillant en moyenne 27 heures par semaine –, principalement dans l'hébergement-restauration, les matériels de transport, la construction, les services de transport et le commerce. Le nombre d'heures d'activité partielle indemnisables est estimé par la Dares à 2,1 milliards d'heures entre mars et août 2020. Compte tenu de nos prévisions de recours au dispositif, ce total d'heures s'élèverait à 2,3 milliards en 2020 pour un coût de 24,4 milliards d'euros et 330 millions d'heures en 2021 pour un coût de 3,2 milliards d'euros, y compris APLD. Ces estimations ne portent que sur les montants d'indemnisation versés par l'État et l'Unedic aux entreprises, et n'intègre pas les pertes de cotisations sociales et de CSG (Dauvin et al., 2020). In fine, le dispositif soutiendrait largement le revenu des ménages en 2020 et sauvegarderait massivement l'emploi en diminuant le coût de la crise porté par les entreprises.
Le plan de relance en soutien de l'emploi
En septembre 2020, le gouvernement a présenté son plan de relance, qui concentre notamment des mesures favorables à l'emploi, à l'insertion et à la formation professionnelle sur la période 2020-2022, pour environ 15 milliards d'euros. Ce plan inclut des entrées supplémentaires en contrats aidés (1,5 milliard d'euros), des mesures pour l'alternance (2,4 milliards d'euros), la formation (1,5 milliard d'euros) ou encore une prime à l'embauche des jeunes (1,1 milliard d'euros) et 6,6 milliards d'euros de dépenses pour la prise en charge de l'activité partielle en 2021. Nous estimons que ces mesures auraient un effet net sur les créations d'emplois positif en 2020 (+ 55 000 emplois au quatrième trimestre 2020 en glissement annuel) et en 2021 (+ 45 000 emplois au quatrième trimestre 2021 par rapport au quatrième trimestre 2020), auquel il faut ajouter les 97 000 emplois maintenus grâce à l'activité partielle en 2021 pour un coût estimé de 3,2 milliards d'euros (soit la moitié environ de ce qui est budgété dans le plan de relance).
Encadré 3. Quels effets sur l'emploi de la prime à l'embauche des jeunes ?
Face à la crise sanitaire et à la chute de l'emploi, le gouvernement a élaboré un plan de relance intégrant une mesure spécifique visant à favoriser l'embauche des jeunes de moins de 26 ans. La mesure consiste en une prime forfaitaire pouvant atteindre 4 000 euros sur un an pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans en CDI ou en CDD d'au moins trois mois entre le 1er août 2020 et le 31 janvier 2021, avec un salaire brut inférieur à 2 000 euros. La prime est calculée au prorata de la durée effective du contrat et de la durée hebdomadaire de travail (50 % de la prime, soit 2 000 euros pour un an à mi-temps ou six mois à plein temps par exemple). Pour ce faire, le gouvernement a prévu une enveloppe de 1,1 milliard d'euros dans son plan de relance au titre du financement du dispositif.
L'effet attendu du dispositif serait temporairement positif sur l'emploi, via la baisse de coût du travail engendrée par la prime. Au niveau du SMIC, la prime correspond à une baisse du coût du travail équivalente à 22 % du SMIC brut. Cet effet pourrait toutefois être minoré par l'existence d'un effet d'aubaine (certaines embauches auraient eu lieu sans l'existence du dispositif) et une possible substitution de l'embauche d'un salarié de plus de 26 ans par l'embauche un salarié de moins de 26 ans. Une consommation intégrale de l'enveloppe budgétaire consacrée à la mesure correspondrait à 400 000 contrats signés, avec un effet sur l'emploi maximal au premier trimestre 2021 (+ 44 000 emplois) pour une élasticité de l'emploi à son coût de 0,7. Celle-ci est plus faible que celle rapportée dans la littérature (L'Horty et al., 2019) évaluée à 1,5 au début des années 2000, ce qui viendrait minorer l'effet total de la prime sur l'emploi. Ce choix est justifié par le fait que l'empilement des dispositifs de baisse du coût du travail depuis l'apparition des premiers allègements de cotisations sociales employeurs en 1993 pourrait avoir abaissé la sensibilité de l'emploi à son coût. Le pic d'embauches pourrait aussi être temporairement plus élevé juste avant la fin du dispositif, les entreprises ayant intérêt à avancer leurs embauches pour bénéficier du dispositif. Le nombre d'embauches retomberait fortement juste après la fin du dispositif.
L'emploi durablement marqué par la crise
Sous l'hypothèse que les mesures prophylactiques pèseraient sur l'activité économique durant toute l'année 2021, la sortie du confinement et la reprise de l'activité économique ne permettraient pas de recréer rapidement l'ensemble des emplois détruits au moment du confinement : la reprise de l'activité est progressive et, malgré le soutien apporté par le plan de relance à l'activité, l'économie française ne retrouverait pas son niveau d'activité de fin 2019 avant la fin d'année 2021. En conséquence, l'emploi resterait dégradé fin 2020 (– 749 000 emplois salariés et – 90 000 emplois non salariés par rapport au quatrième trimestre 2019), principalement dans les branches marchandes. La contraction de l'activité sur l'année aurait pour conséquence une baisse de la population active via un effet de flexion (des chômeurs découragés cessent temporairement de chercher du travail). Au total, le nombre de chômeurs augmenterait de 810 000 sur l'année 2020 et le taux de chômage atteindrait 11 % en fin d'année (voir tableau 3).
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En 2021, l'économie française recréerait des emplois (+ 510 000 emplois au total, dont 451 000 emplois salariés), mais ne retrouverait pas les niveaux d'emploi observés avant la crise. L'emploi dans l'industrie et l'agriculture resterait pénalisé par une activité progressant à peine suffisamment pour absorber les gains de productivité : aux gains de productivité tendanciels s'ajouterait une fermeture du cycle de productivité avec la reprise de l'activité. L'emploi serait plus dynamique dans la construction, bénéficiant des mesures du plan de relance à l'activité dans cette branche. Dans les services marchands, les créations d'emplois seraient tirées principalement par la reprise de l'activité dans le commerce et les services aux ménages. Enfin, les contrats aidés dans le secteur non marchand soutiendraient l'emploi salarié dans cette branche.
La reprise de l'activité en 2021 se traduirait pour partie par un retour des chômeurs découragés (+ 4 000 personnes), ce qui soutiendrait la croissance de la population active (+ 107 000 personnes en 2021) au-delà de son évolution tendancielle (+ 60 000 personnes). Le chômage baisserait de 403 000 personnes et le taux de chômage atteindrait 9,6 % de la population active fin 2021, soit 1,5 point supérieur à son niveau observé fin 2019.
Repères bibliographiques
Dauvin M., Ducoudré B., Heyer É. et al. (2020), Évaluation au 26 juin 2020 de l'impact économique de la pandémie de la Covid-19 et des mesures de confinement et du déconfinement en France, Revue de l'OFCE, 166.
Ducoudré B., Madec P. (2020), Évaluation au 6 mai 2020 de l'impact économique de la pandémie de Covid-19 et des mesures de confinement sur le marché du travail en France, Policy Brief de l'OFCE, 67, mai.
Jusot F. et al. (2020), Les “vulnérables” à la Covid-19 : essai de quantification, Policy Brief de l'OFCE, 74, juin.
L'Horty Y., Martin P. et Mayer T. (2019), Baisses de charges : stop ou encore ? , Note du CAE, 49, janvier.