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La construction socio-politique de la question environnementale en France

Publié le 28/06/2021
Auteur(s) - Autrice(s) : Chantal Aspe, Marie Jacqué
Le développement des sociétés industrielles modernes s'est accompagné d'une montée des préoccupations liées à l'environnement à partir des années 1960. Dans cet article, les sociologues Chantal Aspe et Marie Jacqué mettent au jour les processus sociaux, économiques et politiques qui ont construit historiquement la question environnementale comme « problème » en France. Elles retracent la naissance d'un nouveau domaine de l'action publique et montrent que l'institutionnalisation progressive de la question environnementale s'est faite dans un rapport dynamique avec les revendications sociales et les mouvements contestataires.

Chantal Aspe est maîtresse de conférence HDR en sociologie à Aix-Marseille Université. Marie Jacqué est maîtresse de conférence en sociologie à Aix-Marseille Université (AMU). Elles sont toutes deux chercheuses au Laboratoire Population Environnement Développement (LPED, UMR 151 IRD) et autrices de l'ouvrage Environnement et société. Une analyse sociologique de la question environnementale (Maison des sciences de l'homme, Quae) publié en 2012.

Introduction

La question environnementale telle qu'elle se pose aujourd'hui dans les pays industrialisés est née des transformations économiques, sociales et idéologiques qui émergent au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Sa prise en charge politique et institutionnelle se fera dans les années 1970, avec la mise en place de politiques publiques spécifiques, la création d'un ministère consacré et le développement d'un arsenal juridique et normatif sur le plan économique. La construction progressive de la question environnementale s'est faite dans un rapport dynamique entre contestations sociales et institutionnalisation.

1. L'émergence de la notion d'environnement et la recherche d'une définition

À l'instar du mot « oekologie » qui est proposé par Haeckel en 1866 pour désigner une science qui ne s'est pas encore constituée, le terme « environnement » va être utilisé pour qualifier en 1971 un nouveau Ministère, celui « de la protection de la nature et de l'environnement », alors que ce mot n'est pas encore avalisé de manière officielle dans le dictionnaire et que son usage est limité. Comme l'indiquait Robert Poujade lors de sa prise de fonction à la tête de ce nouveau Ministère : « Le mot d'environnement était indéfinissable pour la plupart des Français. C'était un avantage au moins autant qu'un inconvénient, car on en appauvrissait le sens à vouloir trop le définir et le cerner » (Poujade, 1975). Ainsi, avant d'être un champ pour les scientifiques, il semblerait que l'environnement ait été une construction politique, donc sociale. Terme flou aux multiples sens, l'environnement désigne à la fois ce qui est en lui et hors de lui. Comme le soulignait Jérôme Monod, alors délégué à l'Aménagement du territoire, en 1971 : « À la limite, le mot environnement pourrait servir à décrire la société tout entière : institutions, culture, nature, villes, habitat, économie, technique et arts ; bref tout ce que l'homme crée, tout ce dont il s'entoure, tout ce dont il se souvient, ce qu'il subit et aussi ce qu'il espère » (Jung, 1971). Vaste programme ! Et pourtant ce mot « parle », il dit des choses et en fait dire. En fait, il ne pêche pas par manque de définitions mais plutôt par excès. Mais pourquoi la société crée-t-elle à un moment donné un mot, ou le transfère-t-elle dans d'autres sphères sémantiques, comme c'est le cas pour le terme « environnement », alors qu'elle ne sait pas encore quel contenu précis lui donner ? Robert Poujade (1975) affirmait à ce sujet : « Quels furent les sentiments des Français lorsqu'ils apprirent de la bouche du secrétaire général de l'Élysée (c'était Michel Jobert) la naissance du ministère de la Protection de la nature et de l'Environnement ? Le premier terme ne leur déplaisait sûrement pas. Le second ne leur disait, sauf à quelques spécialistes, rien du tout. Drôle de ministère ! ».

1971 : la création du ministère de l'environnement

Cette vidéo de l'INA revient sur les conditions de création du premier ministère de l'Environnement en janvier 1971 et les volontés politiques de défense de la nature dans les années 1970. Elle fait partie d'une série de cinq vidéos à voir sur le site de l'INA, comprenant trois interviews de Robert Poujade, ministre de l'environnement, en 1971 et en 1972.

Il semblerait que la notion d'environnement ait été empruntée au domaine de l'art et plus exactement à une branche du Pop Art : l'« Environmental Art » (voir ci-dessous). C'est à la fin des années 1950 que ce dernier se développe en tant qu'expression d'une sensibilité à l'environnement humain et se propose de mettre en scène l'American way of life. Les artistes vont réunir des objets d'usage courant, voire des déchets, dont l'agglomération constitue l'œuvre d'art. Ils abandonnent l'idée d'esthétisme pour proposer des œuvres « réalistes » qui donnent à voir la réalité telle que l'approche artistique peut la saisir. Ces œuvres utilisent le pouvoir symbolique de « l'environnement construit » pour révéler par un choc psychologique un environnement réel mais non encore perçu. C'est ainsi la conscience de l'objet qui lui donne sens. La deuxième particularité de ce mouvement est de réunir dans une seule œuvre, peintres, sculpteurs, architectes. Ce double caractère, regard critique sur la société de consommation et multiplicités de regards, va se perpétuer dans les contenus donnés à cette notion par la société.

L'Environmental Art et le Nouveau Réalisme : quelques œuvres emblématiques

Après son importation en Europe, c'est l'architecture qui s'empare du terme. On retrouve le mot dans les années 1966-67, en particulier dans la « plate-forme revendicative » des élèves de l'École des Beaux-Arts de Paris qui réclament une « Faculté de l'Environnement ». Le glissement du terme s'organise alors dans le sens de « créations d'espaces nouveaux ». Le parcours de la notion d'environnement dans la sphère artistique est déjà porteur de contenus variés : déchets, regards sur la société de consommation, espace, qui vont participer à la polysémie du terme encore très forte aujourd'hui.

L'émergence et la diffusion de ce terme dans la société française, son appropriation sociale comme nouveau domaine d'action publique et de revendications sociales s'explique en grande partie par les changements structurels que connaît la société française au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ces transformations ont des conséquences profondes sur les modes de vie : passage d'une société rurale à une société à dominante urbaine, croissance économique basée sur la consommation de masse, nouvelles organisations du travail et de la production, et nouvelles formes d'habitat.

2. Transformations économiques et sociales et requalification de la campagne en nature

Pour expliquer le phénomène de développement, la pensée économique classique repère un certain nombre d'indicateurs révélateurs du processus de transition vers la « modernisation » ou « l'industrialisation », notions présentées comme synonyme du développement économique, le passage d'une économie rurale à une économie urbaine avec exode rural étant un de ces principaux critères (Rostow, 1962). La société française de 1950 n'échappe pas à ce processus.

La « ville » est alors affublée de valeurs positives, synonymes d'ouverture, de confort, de loisirs, valeurs présentées comme antinomiques aux modes de vie ruraux. Mais le regroupement urbain est aussi et surtout favorisé par l'attrait de l'emploi salarié offrant des revenus stables qui permettent d'accéder à de nouveaux biens de consommation, dont l'acquisition d'un logement neuf, bénéficiant en particulier de sanitaires (summum de la distinction avec « la campagne »).

Sur le plan économique, ces années sont marquées par des taux de croissance jamais atteints, un faible taux de chômage et une forte augmentation du niveau de vie. La société de consommation paraît à son apogée, le pouvoir d'achat se développe, les ménages s'équipent : « Entre 1950 et 1968, le niveau de vie des familles françaises a été multiplié par deux. C'est-à-dire qu'en termes réels, hors inflation, elles disposent d'un pouvoir d'achat deux fois plus élevé, et qu'elles consomment en volume approximativement deux fois plus. Cette progression est considérable, d'autant plus qu'elle est inédite... De 1950 à 1960, la consommation a progressé en termes réels à un rythme annuel de 4,6 %. Sur une décennie ce taux est le plus rapide qu'ait connu notre pays jusqu'alors... Au cours de la décennie 60, la tendance s'est maintenue, elle a même encore légèrement progressé pour atteindre le rythme annuel de 4,9 %. Ainsi de 1950 à 1968, la consommation a crû en moyenne deux fois plus vite qu'au cours du siècle précédent. » (Rochefort, 1995).

Mais cette euphorie économique ne suffit pas à masquer les craintes d'une société qui commence à ne plus associer croissance et progrès. Ces craintes s'appuient sur des transformations objectives des modes de vie et sur l'accélération de l'intervention des sciences et techniques. Le développement de la logique « production – consommation – production » nécessite l'exploitation grandissante des ressources naturelles, et surtout produit des effets externes de nuisances (pollutions, déchets…) qui conduisent une partie de la société à reconsidérer les finalités de ce type de développement. Le progrès technique est remis en cause comme source de progrès social et les courants théoriques de l'écologie politique construisent une critique anti-productiviste du mode de développement capitaliste relayée par des auteurs comme André Gorz (1975), Ivan Illich (1973) ou encore Jacques Ellul (1954). Tout le problème consiste à passer d'un modèle économique et social fondé sur l'expansion permanente à une civilisation « sobre » dont le modèle économique a intégré la finitude de la planète (Latouche, 2007). Cette mise en garde, est aussi relayée, chiffres à l'appui, dans les conclusions du Club de Rome en 1970 avec le Rapport Meadows (1972), ou encore les nombreux écrits de René Dumont (1973).

La science-fiction et le cinéma se font aussi l'écho, sur le mode de l'imaginaire et du symbolique, des angoisses du temps : le risque lié à la non-maîtrise du nucléaire (Malevil de Robert Merle), la disparition de la couche d'ozone (déjà !) (Soleil de mort de Pierre Barbet), l'artificialisation de la production agricole (Ravage de René Barjavel), la robotisation des individus (Le meilleur des mondes, d'Aldous Huxley), etc. Le cinéma mettra en scène un discours contestataire dont les thèmes principaux sont « la protection de la nature », « les critiques de la société de consommation », « la lutte contre la promotion immobilière », « les risques pour la permanence et la reproduction de l'être humain », etc. Une constante dans les thématiques traitées pendant cette période, la société est présentée comme source d'agressions, que ce soit envers les individus, les animaux ou les territoires. Ces différents messages rendent à la fois compte des nouvelles peurs et participent à leur construction.

Les débuts de la conscience écologique au cinéma : Soleil vert (1973)

La redécouverte de la campagne et les utopies néo-rurales

C'est d'abord par un investissement social de l'espace rural, par de nouveaux modes de vie et des expériences utopistes que va s'exprimer une remise en cause des formes dominantes de développement. Certains cherchent alors hors des territoires urbains et industrialisés des lieux de ressourcement. Le début des années 1970 est ainsi marqué par une « redécouverte » des vertus de la campagne. L'opposition rural/urbain fonctionne toujours, mais cette fois-ci c'est le premier qui est paré de toutes les vertus au détriment du second. Cette « réinvention » va donner lieu à un retournement idéologique : « L'idée d'un décalage et, plus encore d'une spécificité est conservée, la plupart des traits sur lesquels ils portent également, mais le tout est affecté d'un signe positif qui se substitue aux signes négatifs des années 50. Toute noirceur est bannie du tableau, l'heure est résolument au vert. » (Jollivet, 1978).

L'espace rural, délaissé par le mode de développement industriel, va devenir lieu de réinvestissement des utopies et parmi elles, celle du mouvement de « retour à la nature » qui affectera pendant une décennie les campagnes françaises (Léger, 1979). Que ce soit sous forme de mouvement collectif ou d'actions individuelles, les porteurs de ce nouveau regain pour l'espace rural projettent sur celui-ci des pratiques qu'ils considèrent comme étant celles de l'ancienne société rurale, symbole de refuges face à un mode de développement contesté dans sa portée uniformisante. L'« utopie rustique » (Mendras, 1979) devient alors un nouveau modèle de consommation de populations en recherche de « valeurs stables » face à une société en plein bouleversement. Pour désigner à la fois le mouvement porteur de ces pratiques et représentations, mais aussi la transformation qui touche une fraction de plus en plus importante de la société vers le milieu des années 1970, les sociologues proposeront le concept de « néo-ruralisme » : « ...vivre à la campagne, voyager, avoir le temps, posséder une maison avec un petit jardin sont les rêves le plus souvent caressés. Tous ces souhaits tournent autour de l'antiville, de l'antiproductivité. Le néo-ruralisme, c'est cela : une pause, autre chose, au moment où ce qui vient à peine de passer pour un acquis montre désormais sa face négative. » (Eizner, 1978).

Le mouvement de « retour à la terre » impulsé à la fin des années 1960, même s'il a pu apparaître comme une « utopie communautaire » inachevée (Lacroix, 1981), a impulsé un réinvestissement de l'espace rural qui s'appuie sur des transformations sociales profondes de sa composition et de son organisation. La diminution de la part des agriculteurs au sein de la population rurale est en partie compensée par l'investissement urbain des communes rurales comme lieu résidentiel. L'abandon d'une agriculture paysanne dans les zones non mécanisables au profit de son intensification et de sa concentration géographique transforme alors profondément l'organisation sociale des villages (Duby et Wallon, 1977).

L'attrait des urbains pour la campagne demeure synonyme aujourd'hui d'un choix de vie permettant de renouer avec une qualité de vie opposée aux modes de vie urbains. Le développement de lotissements en zones rurales et périurbaines a renforcé le processus de retour à la campagne, caractérisé par la recherche d'un mode de vie construit en référence aux valeurs positives de la ruralité (Hervieu et Viard, 1996). Depuis les années 1990, les choix résidentiels des Français témoignent de cet engouement (Insee, 2017) qui se traduit par une augmentation de l'accès à la maison individuelle en zones périurbaines ou rurales (Bosvieux, 2005).

La création d'espaces naturels protégés et les nouvelles pratiques de nature

Ces transformations au sein de l'espace rural ont aussi été accompagnées par la mise en œuvre de politiques d'aménagement du territoire intégrant de nouvelles revendications liées à « la protection de la nature ». La politique de protection d'espaces non investis par l'industrie et l'urbanisation va devenir alors un des axes prioritaires de l'action publique : « Répondre aux aspirations de nature de la société urbaine, contribuer à l'aménagement local, préserver des richesses qui deviennent rares (...). Les modifications radicales du genre de vie d'une société en voie d'urbanisation rapide, comme la société française de 1960, rendent indispensable le maintien des équilibres biologiques et du paysage largement conditionné par la paysannerie, elle-même ébranlée et touchée à mort par la modernisation des campagnes. » (Leynaud, 1985). C'est dans ce sens que furent créés les parcs nationaux en 1963 [1].

En réalité ces derniers ne sont que très peu conçus pour les loisirs, ils correspondent beaucoup plus à l'idée de réserve de nature à protéger de l'homme, pour d'éventuelles observations scientifiques. Ce sont principalement les parcs naturels régionaux (PNR) [2] qui vont remplir le rôle d'espace support de loisir, avec une législation et une réglementation moins contraignantes. Pour ces derniers, l'accent est mis sur l'intérêt particulier qu'ils présentent pour la détente, l'éducation, le repos et le tourisme, en raison de la qualité de leur patrimoine naturel et culturel [3]. Les « pratiques de nature » différentes des usages paysans et ruraux traditionnels vont pouvoir s'exprimer sur ces espaces.

Certains sociologues, en s'appuyant sur le concept bourdieusien de distinction (Bourdieu, 1979), ont analysé ces nouvelles pratiques en liaison avec la construction de « classements sociaux ». Selon eux, « fréquenter la nature » avec de nouveaux codes d'appréciation devient une attitude productrice de distinction sociale. Ainsi, Jean-Claude Chamboredon s'intéresse d'une part au mouvement de création d'espaces protégés, d'autre part à la définition de normes de fréquentation. Il s'interroge sur le passage de « la campagne » à « la nature ». Ce passage rend compte de la transformation des usages sociaux de l'espace rural qui s'opère depuis la seconde moitié du XIXe siècle. « La nature » peut s'imposer lorsque l'espace rural perd « sa définition traditionnelle dictée par les exigences de l'utilisation agricole ». Cet espace peut alors être perçu comme « lieu protégé des oppositions sociales ». Avec cette nouvelle perception apparaissent de nouveaux modes d'appropriation symbolique de l'espace qui se différencient des formes dérivées des usages paysans (chasse, cueillette et ramassage). Basée sur la définition de normes de comportement, la fréquentation de « la nature protégée » peut se prêter à l'expression de l'opposition des classes moyennes dotées en capital culturel (pratique ascétique) aux classes populaires (pratiques prédatrices, de détente ou de curiosité superficielle) : « Opposition de désintéressement de la fréquentation à visée d'apprentissage culturel et scientifique au pragmatisme de la fréquentation prédatrice, [opposition] de la pratique ascétique (occasion d'exercice d'un savoir ou d'un art d'observer) à la fréquentation de simple détente ou de curiosité superficielle » (Chamboredon, 1985). La pratique ascétique et scientifique de la nature devient alors la norme de consommation légitime des espaces naturels.

Les nouvelles pratiques de fréquentation de l'espace rural sont aussi objet d'analyse en termes de conflits : conflits d'intérêts, conflits de savoirs, conflits de représentations. La chasse, le rapport à l'animal sont des lieux essentiels où vont se confronter, voire s'affronter physiquement, les défenseurs des anciennes pratiques rurales et ceux se réclamant d'une défense de la nature. Le statut de certains animaux évolue en passant du qualificatif de « nuisible » à celui d'« espèces » à protéger (Vourc'h et Pelosse, 1985). « Le nuisible qu'il convient de faire disparaître ne l'est qu'en tant qu'il porte avec lui ce sauvage dérangeant. Alors pourra être mis en place un nouveau sauvage : le sauvage comme signe du vraiment naturel » (Micoud, 1993). Les pratiques de gestion de la faune sauvage, par la réintroduction d'animaux jusque-là considérés comme nuisibles, et les conflits auxquels elles donnent lieu encore aujourd'hui (Mauz, 2005), indiquent la prédominance actuelle d'une représentation de la nature désignée par Larrère (1994) de « sauvagement artificielle ».

3. Normalisation, institutionnalisation de la question environnementale et construction d'un domaine d'action publique

Les condamnations de la ville et de l'urbain, synonyme d'industrialisation et de déshumanisation, seront reprises au plus haut niveau de l'État et annoncent les prémisses d'une institutionnalisation de ces formes de contestation : « Il est frappant de constater qu'au moment où s'accumulent et se diffusent de plus en plus les biens dits de consommation, ce sont les biens élémentaires les plus nécessaires à la vie, comme l'air ou l'eau qui commencent à faire défaut... C'est en grande partie la conséquence d'un développement urbain qui a atteint des proportions alarmantes et préoccupe tous les responsables... La « ville », symbole et centre de toute civilisation humaine, est-elle en train de se détruire elle-même et de sécréter une nouvelle barbarie ? Question étrange, mais qu'on ne peut s'empêcher de poser, que vous vous posez avec une inquiétude que nous comprenons bien, nous autres Européens dont l'histoire a consisté à faire reculer au profit de la cité l'antique forêt hercynienne et qui, aujourd'hui, devons nous préoccuper, de rendre sa place à la forêt. » (Collectif, 1970). Cet extrait de l'allocution du Président de la République Georges Pompidou, lors de son voyage à Chicago, fait écho aux nouvelles préoccupations sociales qui émergent dans la société française des années 1970, tout en répondant aux exigences de construction d'un nouvel espace géographique, culturel et institutionnel, celui de l'Europe. En 1971, la création du premier ministère sera d'abord un ministère de la protection de la nature, qui prend ancrage à la fois sur des réseaux scientifiques et militants dans ce domaine et sur quelques acteurs clés des cénacles institutionnels (Charvolin, 2003).

La construction progressive, et non encore arrêtée de manière définitive aujourd'hui, du Ministère ayant en charge les questions d'environnement s'est surtout élaborée sur l'attribution de domaines d'intervention et de compétences variables suivant les époques.

« Expliquer » à la société leur tâche, leurs difficultés, leurs avancées et déboires n'est pas chose commune dans la fonction ministérielle. Pourtant plusieurs ministres de l'environnement s'y sont attelés. Ainsi, deux d'entre eux, Robert Poujade (premier ministre de l'environnement, 1971-1974) et Huguette Bouchardeau (ministre de l'Environnement de 1983 à 1986) proposent, à une dizaine d'années d'intervalle, leurs analyses sur l'objet de ce ministère dans Le ministère de l'impossible pour le premier et Le ministère du possible pour la seconde. Au-delà de l'anecdotique du titre, il semblerait que le contenu de cette charge ministérielle se soit progressivement construit pour donner sens et légitimité à une intervention spécifique. Sans détailler à l'extrême les pérégrinations de ce ministère (qui se perpétuent aujourd'hui), nous nous intéresserons à la construction progressive du domaine de l'environnement par cette structure administrative et politique dont les prérogatives vont s'étendre de la « protection de la nature » aux « normes environnementales », pour concerner la problématique du développement dit « durable », qui se décline aujourd'hui en « transition écologique ».

Ce qui frappe de prime abord, c'est l'extrême mobilité des structures politico-administratives de ce ministère. Depuis 1971, on a dû s'habituer à des mutations à un rythme annuel ou bisannuel. Cette instabilité très « Quatrième république » se révèle aussi bien dans le nombre de ministres ou de secrétaires d'État qui se sont succédés, que dans les changements de dénomination, de structure, d'objet d'intervention qui ont affecté ce département ministériel. Celui-ci a subi différentes « expériences » administratives sans jamais atteindre de véritable stabilité : Ministre délégué auprès du Premier Ministre s'appuyant sur une administration légère, Ministère ou Secrétariat d'État à part entière, différents types d'unions ministérielles pour privilégier la collaboration de l'Administration de l'environnement avec d'autres départements ministériels, jusqu'à quasiment la position de « super ministère » ayant à intervenir dans l'ensemble des affaires des autres ministères. Ses multiples appellations jusqu'à nos jours, plus de 50 ans après sa création, interrogent sur la réelle portée de ses actions.

C'est l'une des directions du ministère de l'Agriculture qui a servi à l'origine à la constitution du ministère « délégué à la protection de la nature et à l'environnement ». Il s'agit de la « Direction générale de la protection de la nature », créée en 1970, pour « étudier, animer et conduire, au ministère de l'agriculture, l'ensemble des actions tendant à la défense de la nature et à la préservation des équilibres biologiques, à l'aménagement du milieu naturel en vue de développer et d'exploiter toutes ressources ainsi que toutes les possibilités pour l'homme et ses activités de loisir, notamment les actions de pêche et de chasse. » (Billaudot et Besson-Guillaumot, 1979).

L'origine de ce ministère nous informe doublement. D'une part, elle souligne l'analogie encore extrêmement persistante entre « nature » et « environnement ». D'autre part, la construction de ce ministère s'appuie dès ses débuts sur des objets d'intervention préexistants et relevant d'autres ministères, donc sur d'autres découpages politico-administratifs de la réalité sociale. L'analyse historique constitutive du domaine de l'environnement étudiée sous cet angle nous conduit à dire que la « nouveauté » des politiques d'environnement réside dans l'affectation catégorielle de compétences, dans la recomposition des zones d'intervention des différentes composantes ministérielles, changement justifié par la mise en place « d'une autre démarche ».

Après donc avoir investi l'une des compétences du ministère de l'Agriculture, « la protection de la nature », une partie de celles du ministère chargé de l'Industrie avec la charge des établissements dits « dangereux, insalubres ou incommodes » (établissements relevant de la loi de 1917), une partie de celles du ministère des Affaires culturelles (à propos de la protection des monuments et des sites à caractère naturel), et enfin du ministère chargé du Plan et de l'Aménagement du Territoire pour ce qui est de la coordination interministérielle dans le domaine de l'eau, ce ministère fait une courte incartade aux « Affaires culturelles » (3 mois en 1974). L'intitulé d'environnement est ensuite abandonné pour la dénomination de « ministère de la Qualité de la vie » en mai 1974. La politique environnementale sera par la suite associée à la « Culture » (1977), au « Tourisme » et au « Cadre de vie » (1981), à « l'Équipement, logement et aménagement du territoire » (1987). Une période relativement stable s'ouvre à partir des années 1990 faisant du « Ministère de l'Environnement » un portefeuille inscrit aux formations gouvernementales.

Les domaines d'intervention du ministère de l'environnement se sont démultipliés, en même temps que les problèmes et revendications posés par la société progressaient en ampleur. Cette démultiplication a de fait élargi le champ politico-administratif de l'environnement qui semble couvrir aujourd'hui la plupart des secteurs de la vie économique et sociale. De la « protection de la nature » aux problèmes urbains, en passant par les transports et les modes de production de l'entreprise, ainsi que le développement des « écoproduits », des « technologies propres », du secteur industriel de la « dépollution », des énergies renouvelables et de la protection de la biodiversité, le secteur de l'environnement couvre aujourd'hui un champ si large qu'il parait de plus en plus difficile de lui trouver un contenu spécifique.

La place croissante tenue par les réponses et outils économiques dans l'action publique du ministère est en lien avec l'adoption à l'échelle internationale du principe de développement durable lors de la Conférence de Rio en 1992 (Brundtland, 1987). Depuis 2002, le terme d'environnement a disparu de la désignation du ministère, laissant place à ceux d'écologie et de développement durable (Tableau 1).

Tableau 1 : Les appellations successives du Ministère en charge des questions d'environnement depuis 2002

Désignation du Ministère

Date

Ministère de l'Écologie et du Développement Durable 2002
Ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement Durable 2007
Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire 2008
Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement Durable et de la Mer 2009
Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement 2010
Ministère de l'Écologie, du Développement Durable et de l'Énergie 2012
Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, chargé des Relations internationales sur le climat 2016
Ministère de la Transition écologique et solidaire 2017
Ministère de la Transition écologique 2020

Source : Site du Ministère de la Transition écologique.

Depuis 2017 et la nomination de Nicolas Hulot, le ministère en charge de l'environnement est devenu celui de la « Transition écologique et solidaire », auquel a été retiré le terme solidaire en 2020 pour devenir le « Ministère de la Transition écologique ». La disparition du terme environnement au profit du développement durable, puis de la transition écologique, marque une orientation et une inflexion de l'action publique en matière d'environnement fondée sur le recours croissant aux solutions technologiques et de substitution et aux outils économiques dans le traitement des problèmes écologiques.

Ces multiples pérégrinations, si elles font « un peu désordre », ont permis au ministère de l'environnement de construire progressivement son domaine d'intervention, donc de se définir et de se légitimer socialement.

L'action politique du ministère s'est construite en outre, depuis les années 1970, dans un rapport dynamique avec les contestations environnementales qui ont émergé à une échelle nationale et internationale depuis cette même période.

4. Les mouvements sociaux et contestations environnementales : des revendications nées à l'extérieur du monde de l'entreprise qui portent une critique globale du mode de développement

La naissance du mouvement environnemental

L'émergence des revendications environnementales dans la société française s'appuie sur des transformations objectives des modes de vie et sur l'accélération de l'intervention des sciences et techniques dans les rapports sociaux. Le développement industriel nécessite l'exploitation grandissante des ressources naturelles et surtout produit des effets externes de nuisances qui conduisent la population à reconsidérer les finalités de ce type de développement.

C'est d'abord au sein de l'entreprise que va naître une contestation des effets néfastes du processus de production, que ce soit les dangers de certaines émanations ou matériaux pour la santé des ouvriers ou les problèmes de sécurité dans les conditions de travail. Le travail se parcellise, se morcelle. Cette division des tâches poussée à l'extrême aboutit à « des unités de travail si réduites qu'elles ne correspondent plus aux tendances psychologiques de beaucoup d'êtres humains, à leur tension latente vers des difficultés, à leur besoin de dominer leur tâche, donc de lutter, dans une certaine mesure avec elle. » (Friedman, 1956). Cette parcellisation ne touche pas seulement le secteur de l'industrie mais également « le monde des employés de bureau », à l'organisation fortement bureaucratisée (Crozier, 1970). Les employés confinés à des tâches d'exécution se désintéressent des objectifs de l'organisation et manifestent un comportement apathique ou de désapprobation. Cette nouvelle organisation du travail qui laisse peu d'initiative aux salariés aura un impact non négligeable sur le développement associatif, qui sera une des marques importantes de réaction des individus face à leurs nouvelles conditions de vie. Au malaise provoqué par l'excès de taylorisation va s'ajouter (ou peut-être en est-elle aussi une conséquence) une revendication ancienne qui prend un nouvel essor dans les années 1970 : la prise en compte des pollutions comme un risque pour la santé des travailleurs.

Ces revendications passent par l'intermédiaire des Comités d'Hygiène et Sécurité, créés en France par un décret de 1947, mais aussi et surtout par les organisations syndicales : « Il faut attendre les années 1970-1974 pour que les organisations ouvrières s'emparent de la question en tant que telle, tout à la fois par de multiples conflits éclatant à ce propos, et par des analyses plus globales... » (Duclos, 1980). Mais les syndicats ouvriers, fortement marqués par une approche marxiste des rapports de production, restent postés sur des revendications liées aux conditions de travail, à la lutte interne entre ouvriers et patronat (ou entre travail et capital), estimant que les effets externes de ce rapport seront réglés lorsque les contradictions inhérentes au mode de production capitaliste prendront fin. Leurs actions vont donc s'appuyer avant tout sur une contestation de l'organisation de la production, leur objet et sujet de revendications resteront la lutte entre ceux qui détiennent les moyens de production et « les autres ». Si les luttes pour une meilleure prise en compte des dangers pour la santé et la sécurité des travailleurs se développent au sein des entreprises dans les années 1970, on ne peut pas les considérer comme fondamentalement nouvelles. « L'hygiène et la sécurité » sont en effet des batailles traditionnelles du monde ouvrier depuis le XIXe siècle, mais ces batailles restent souvent confinées à l'intérieur de l'entreprise et ne remettent pas en cause le mode de développement économique global.

Il aurait été légitime de penser que, des conflits opposant industriels et ouvriers à propos des effets polluants de la production, émerge le mouvement environnemental. En fait, les revendications environnementales vont être portées par d'autres couches sociales et vont s'affirmer autour de valeurs étrangères, voire antinomiques, avec celles du monde ouvrier. Le mouvement ouvrier, né de l'industrialisation, cherche à défendre les intérêts des travailleurs dans le cadre de cette société industrielle, et il est engagé dans un processus de maximisation de la croissance. Le mouvement environnemental va au contraire remettre en cause les retombées négatives de la croissance et puiser ses références dans l'écologie scientifique, et non dans l'économie ou la sociologie comme le mouvement ouvrier. Ce mouvement est né au sein des mouvances contestataires des années 1960-1970 qui se caractérisent par la multiplicité des causes défendues mais se rejoignent sur un même principe, la portée globale des actions locales. Les mouvements tiers-mondistes, ceux défendant un autre rapport à la santé et l'alimentation par la revendication d'une reconnaissance des médecines dites parallèles, les luttes anti-nucléaires, les luttes régionalistes témoignent de l'émergence et du développement social d'une nouvelle pensée interactionniste et systémique, qui sera reprise par le mouvement d'écologie politique et qui se résume en partie dans le slogan idéologique qui leur sert de base d'action : « Penser globalement, agir localement ». Les formes de contestation contemporaines puisent leurs sources dans cette approche interactive avec une amplification de l'acte individuel comme acte militant.

Le mouvement environnemental appréhende l'homme d'abord comme être vivant et non comme être social, comme espèce et non comme classe sociale. Il part des relations qu'il entretient avec la nature, et non des rapports que les hommes nouent entre eux à l'occasion de la production. La technique est définie comme un processus de modification de la nature. Elle n'est pas perçue à travers le métier comme un facteur déterminant les conditions de travail. Alors que les ouvriers revendiquent en priorité de meilleures conditions de travail et des mesures de prévention pour leur santé, le mouvement environnemental va se construire dans un premier temps sur des revendications liées au cadre de vie, à la qualité de la vie, c'est-à-dire sur des éléments extérieurs au lieu de travail, à l'entreprise, à l'espace de production.

Ce mouvement aura peu de rapport avec les formes traditionnelles de contestation syndicales ouvrières. Il ne s'appuie pas sur l'unité de classe, mais sur la diversité des revendications. Il ne prétend pas à l'avènement d'un renversement des rapports de production, mais met en avant les petits changements qui peuvent résulter des actions individuelles quotidiennes qui, par effet d'agrégation, auront un impact sur les transformations globales.

Un engagement par les actes à l'échelle individuelle

Incontestablement, et ce depuis son émergence, la question environnementale est au cœur de la problématique du développement des sociétés dites modernes. Portée par une pensée critique, collective et minoritaire dans les années 1970, elle a progressivement été intégrée dans une logique adaptative d'un mode de développement qu'elle contestait. Cette intégration s'est traduite par l'acceptation généralisée de conduites singulières qui s'accordent avec une éthique qui se veut universelle, celle de « la protection de la planète ».

L'environnement est aujourd'hui une référence collective partagée, lieu d'élaboration d'un rapport à la fois pratique et éthique au monde qui permet de relier l'acte individuel à l'engagement pour le collectif. Les pratiques environnementales peuvent donc apparaître comme des actes éparpillés, éclatés mais certainement pas isolés. L'engagement par les actes, caractéristique de ces pratiques, s'inscrit aussi dans une histoire, celle d'une contestation et de formes d'engagement qui ont investi l'espace hors travail comme lieu de construction d'un espace politique.

Les formes et les lieux de sociabilité se sont effectivement modifiés ces quarante dernières années, avec, en particulier, des transferts hors de la sphère du travail (Green, 2002). Les transmissions de savoir-faire par exemple ont quitté le domaine de l'usine (culture de l'apprenti, du compagnon) pour envahir celui du voisinage ou du réseau associatif. Ce phénomène est particulièrement sensible dans la diffusion des technologies « propres », « douces » ou de pratiques qualifiées de « respectueuses de l'environnement » : construire sa maison en économisant de l'énergie et des ressources naturelles, utiliser des matériaux moins polluants, jardiner bio, bricoler pour réparer, recycler en redonnant une autre vie à des objets délaissés, etc. Le modèle renouvelé des jardins ouvriers, rebaptisés jardins familiaux ou partagés, est un bon exemple de ces nouvelles formes d'échanges et transmissions de savoir-faire qui se traduisent par l'apprentissage sur le terrain, l'échange de procédés de culture, de graines ou de produits.

Les valeurs sous-jacentes à ces nouvelles formes de sociabilité hors de la sphère du travail sont à la fois la recherche d'un certain hédonisme, d'un plaisir, mais aussi d'une forme de maîtrise sur le quotidien, qui renvoie à la capacité de chaque individu à pouvoir agir face à une organisation de la production qui lui échappe de plus en plus. Cette recherche de contrôle de la vie quotidienne s'accompagne de l'idée de « se faire du bien » (Hébel, 2008), de trouver d'autres formes d'échanges et de participer en même temps à une cause commune s'affranchissant du marché du capitalisme écologique qui a accompagné le développement d'une consommation engagée [4].

Manger bio, manger sain et éthique, notions en partie confondues aux rayons des supermarchés, sont aussi des pratiques engageantes, en particulier par le refus qu'elles expriment d'une alimentation issue de l'industrie agroalimentaire. La consommation de produits biologiques et équitables, au-delà d'une recherche de qualité, permet par l'acte individuel de consommation de donner sens à une organisation collective alternative de production.

Le basculement des modes de consommation dans les années 1990 se caractérise par la recherche d'une « consommation rassurante » au regard de nouvelles peurs, en particulier dans le domaine de la santé. Cette tendance à associer l'acte de consommation à des valeurs touchant au bien-être et à la santé de l'individu s'est renforcée aujourd'hui tout en se transformant, puisque ces pratiques de consommation ne sont plus uniquement tournées vers la sécurité de l'individu mais constituent aussi une forme d'engagement individuel au nom de valeurs communes. D'un acte permettant d'affirmer l'attachement à des valeurs collectives mais aussi distinctives, cette consommation engagée devenue une « consommation citoyenne » (Seguette, 2004) relève davantage de la recherche d'une conciliation entre un modèle de démocratisation de la consommation et désir de formes alternatives de consommation et de production.

L'essor de la consommation citoyenne est caractéristique d'un déplacement de la critique sociale et écologique qui ne s'inscrit plus dans la dénonciation des rapports de production mais qui place l'action politique au cœur de la relation entre production et consommation (Aspe, Jacqué, 2010). La recherche d'autonomie prônée par les tenants d'un autre mode de consommation passe par la valorisation de la récupération (que ce soit des biens de consommation ou des ressources naturelles) et la production nécessaire à cette autonomie (production d'énergie par le solaire, autoproduction en matière alimentaire). C'est autour de ce principe que va prendre sens un ensemble de pratiques de consommation réinscrites dans leur contexte de production. Ainsi, à la « moyennisation » des modes de vie semble aujourd'hui répondre une recherche d'autonomisation des formes de consommation et une relocalisation des modes de production.

Ces pratiques quotidiennes ne s'inscrivent pas nécessairement dans un discours global sur la transformation de la société, mais sont pour les acteurs un engagement qu'ils maîtrisent à leur niveau, dans leur quotidien, permettant par leurs actes de signifier l'adhésion à un ensemble de valeurs collectives. L'engagement est ici davantage mesuré à l'aune de son efficacité pratique qu'à la portée politique des idées véhiculées par un projet de société. « Penser global, agir local », « Small is beautiful », ces slogans portés par les mouvements contestataires des années 1970 (Collectif, 1981 ; Collectif, 1983) sont actuellement convoqués sur la scène publique, mais avec une portée politique distincte et un sens nouveau. La valorisation du local doit aujourd'hui se lire au regard du processus de mondialisation mais aussi des crises économiques connues depuis la fin des années 1990. L'espace local permettrait ainsi une maîtrise des changements liés à l'accélération des échanges économiques et des transformations technologiques. Le local devient le lieu de valorisation d'une innovation à la fois technique et sociale, conciliant le respect de principes écologiques et la finalité de l'insertion ou de l'équité sociale.

La revendication d'un « projet alternatif de développement économique » regroupe aujourd'hui un ensemble hétéroclite de mouvements associatifs et d'entreprises dont l'unité tient à la structuration de réseaux socio-économiques, réseaux qui dessinent les contours non pas d'un « projet de société mais d'une société de projets » [5]. Les adhérents de ce milieu associatif ou les tenants de ces nouvelles pratiques ne sont pas tous inscrits dans un projet utopique de changement de société, mais œuvrent à leur niveau dans ce qu'ils considèrent pouvoir avoir un impact sur la transformation des rapports sociaux.

Des contestations associatives environnementales aux dispositifs participatifs

Les années 1980 ont été marquées par un « boom associatif » : parents d'élèves, sports, mouvements de citoyens, thèmes régionalistes, etc. Cet essor de la vie associative s'est accompagné en particulier du développement d'associations ayant pour objet les problématiques du cadre de vie, de la qualité de la vie, de la protection de l'environnement ou de la nature. Les associations remplissent alors plusieurs rôles : créatrices d'activités ou de services collectifs, force socio-politique susceptible d'intervenir et de modifier les décisions politiques (Larzac, TGV...), médiateur entre le système politico-administratif et les acteurs locaux, investissement et reconnaissance de savoirs non investis (ou non reconnus) sur le plan professionnel.

Le plateau du Larzac, une lutte historique

Rassemblement pour la défense du Larzac le 14 août 1977

De nombreuses associations se sont mobilisées, au côté des agriculteurs et agricultrices, dans la lutte contre l'extension d'un camp militaire sur le plateau du Larzac de 1971 à 1981. Cette décision menaçait d'expropriation une centaine de paysans. L'élection de François Mitterrand mit fin au projet. Cette lutte mythique a contribué à structurer le mouvement écologiste en France et a inspiré beaucoup de mobilisations ultérieures contre des projets d'infrastructures et d'aménagement, du barrage de Sivens à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, en passant par la ferme usine dite des « Mille Vaches ».

Voir également ce reportage : Qui sont les écologistes, (INA, 13 août 1977, à partir de 00:01:14) et ces rapides historiques du mouvement : Le Larzac, symbole de la contestation depuis plus de 30 ans (INA, 7 août 2003) ; La leçon du Larzac, (France TV Info, Histoires d'info, 2 novembre 2014).

L'action associative à l'échelle de la localité a été un lieu privilégié de revendications pour les couches moyennes intellectuelles, leur permettant l'expression de compétences sociales propres. La remise en cause des modes de développement économique local s'est appuyée sur un renouvellement du militantisme. Basé à son origine sur une contestation des choix et formes de développement, il s'est transformé progressivement en exigence de participation aux instances de décision repositionnant l'action associative dans les domaines de la médiation et de l'expertise.

Les conflits locaux autour de la préservation de l'environnement se multiplient en France dans les années 1970-1980. Au-delà des grandes lignes revendicatives des associations de défense de l'environnement, ce sont en fait les acteurs de la production qui sont mis en cause (agriculteurs et industriels), mais aussi l'État et ses représentants au niveau local. Contester les décisions de ces derniers permet de justifier le positionnement de nouveaux médiateurs entre le local et le global, et de se présenter comme acteurs alternatifs d'un autre pouvoir.

Les conflits environnementaux qui se développent à la fin des années 1970 et au cours des années 1980 constituent une sorte de « synthèse » du rapport entre l'environnement, les couches moyennes et la localité (Aspe, 1991). L'objet de ces conflits porte sur des problèmes locaux : projets de carrières ou d'installations industrielles, projets routiers ou autoroutiers, ferroviaires, de barrage, mais qui ont en commun une remise en cause des fonctions productives et aménagistes du territoire. Ce qui permet en partie d'expliquer le développement simultané de conflits locaux est le changement de profil social et démographique des communes concernées. En effet, ces conflits éclatent principalement dans les zones industrialisées (comme la région Rhône-Alpes et l'Alsace), les départements littoraux et la moitié sud de la France. Ces zones sont touchées par une forte urbanisation et par des mutations socio-économiques importantes, caractérisées par le déclin de l'activité industrielle au profit d'activités de service. La redéfinition des fonctions économiques et sociales du territoire est ainsi au cœur de ces conflits, opposant une conception productive et utilitariste de l'espace à une conception hédoniste et esthétique du cadre de vie. Les acteurs sociaux impliqués dans les associations locales de défense de l'environnement n'appuient pas leur légitimité sur des références classiques (représentativité professionnelle ou sociale, nombre d'adhérents), mais sur leur capacité à représenter et à défendre un intérêt général, celui de l'environnement, opposable à celui de l'État. Ainsi, les conflits environnementaux vont rassembler des acteurs locaux qui ne se reconnaissent plus socialement et politiquement dans les formes traditionnelles d'expression politique et qui trouvent dans ces mobilisations locales un lieu de reconnaissance des valeurs dont ils sont porteurs.

L'action menée par ces acteurs associatifs s'accompagne d'une critique des modes et des réseaux traditionnels de décisions, par la mise en exergue de l'absence de transparence dans les modalités d'élaboration des projets. La défense de l'environnement permet, par la mobilisation de réseaux distincts, aussi bien à l'échelle locale, nationale qu'internationale, de remettre en cause la logique traditionnelle de prise de décision et le rôle qu'y tiennent les notables locaux.

La diversité des conflits locaux trouve son homogénéité dans les registres d'action mis en place par les acteurs associatifs. Au cours des années 1990, ce qui apparaît comme phénomène social nouveau est la montée en puissance d'une expertise associative. Aux compétences et savoirs aménagistes qui fondent l'intervention publique, les acteurs associatifs répondront par un travail militant de contre-expertise puisant sa légitimité sur d'autres formes de savoirs que ceux des ingénieurs d'État. Pour cela, les acteurs associatifs mobilisent ce qu'ils possèdent, leur capital intellectuel et scolaire, et s'appuient sur des réseaux alternatifs de savoirs. La réalisation de contre-projets ou de contre-expertises constitue une récurrente des mobilisations environnementales.

La mise en place des cadres de la participation citoyenne par les politiques publiques constitue une réponse aux différents conflits qui ont opposé l'État et le milieu associatif. La revendication d'une prise en compte des réalités locales dans l'application des décisions centralisées, la remise en cause des principes aménagistes des corps d'État et l'absence de transparence dans les prises de décision constituent les revendications principales du milieu associatif au cours des années 1980. La réponse de l'État va s'accompagner de différents textes législatifs intégrant davantage les dimensions locales dans l'application de ses politiques.

Les premières lois qui visèrent une plus grande démocratisation des processus de décision ont été impulsées par deux anciens ministres de l'environnement, Huguette Bouchardeau et Michel Barnier, qui d'ailleurs ont laissé dans le langage courant leur nom accolé à la loi. La première votée en juillet 1983 et intitulée « Démocratisation des enquêtes publiques et protection de l'environnement » se proposait d'inciter à une plus large information sur les projets d'aménagement pouvant mettre en cause des effets environnementaux, et de prendre en compte les remarques et propositions faites par la population concernée. Une des critiques essentielles faite à cette loi est que la population était mise au courant une fois le projet élaboré, élément qui fut largement invoqué par les opposants au tracé du TGV Sud-Est. Suite à ces insuffisances, en février 1995 est votée la loi dite Barnier « relative au renforcement de la protection de l'environnement » qui complète la loi Bouchardeau en proposant que le débat public puisse être organisé pendant la phase d'élaboration des projets (et non après). Toutefois, le texte stipule bien que « le débat public peut être organisé » et non pas doit être organisé. La loi Barnier marque pourtant un tournant majeur dans la diffusion de ce principe de concertation des citoyens dans la mise en œuvre des projets d'aménagement et apparaît précurseur du « renouveau » de l'implication citoyenne au sein des politiques publiques par l'instauration obligatoire de mesures de concertation et la création de la Commission Nationale du Débat Public. Les textes législatifs qui suivront la loi Barnier, et plus particulièrement la convention européenne d'Aarhus [6], proposent et précisent un cadrage et une institutionnalisation de la concertation en rendant obligatoire la consultation des « publics concernés » par les projets environnementaux.

Environnement et militantisme associatif : l'exemple du conflit lié à l'opposition au tracé du TGV Sud-Est

17 août 1990 : les opposants au TGV Sud-Est manifestent sur les voies ferrées

Entre 1989 et 1994, la mobilisation associative contre le tracé du TGV Sud-Est, portée par la Coordination associative régionale de défense de l'environnement (CARDE), a conduit à une modification du tracé initial. Ce conflit aboutira à la publication de la circulaire Bianco (1992) qui institutionnalise la mise en place d'un débat public comme préalable à tout projet d'aménagement. La loi Barnier, relative au renforcement de la protection de l'environnement (1995), entérinera ensuite le principe de consultation du public et des associations en amont des décisions d'aménagement. D'autres vidéos de ce conflit sur le site de l'INA ici (18/08/1990) et (7/05/1994).

Pour aller plus loin : Aspe C., Jacqué M. (2012), Environnement et société. Une analyse sociologique de la question environnementale, Maison des sciences de l'homme / Quae : chapitre 2.

Le recours systématique à la « participation citoyenne » par la « concertation » au sein des politiques publiques, présentée comme un « changement de référentiel » et une réforme profonde des modes de gouvernement, s'accompagne d'une mise en scène du débat public et collectif qui tend à effacer dans sa mise en œuvre les intérêts contradictoires au profit d'une recherche du consensus. En effet, l'homogénéisation et la normalisation sociale des cadres prévus pour l'expression politique ont eu comme effet de rendre l'expression démocratique de plus en plus problématique.

A titre illustratif, le déroulé de la Convention Citoyenne pour le Climat relève de cette logique d'intégration participative de revendications environnementales. Cette expérience démocratique qui a réuni 150 personnes, toutes tirées au sort sur la base d'un panel représentatif de la population française, a été mise en œuvre en 2018 et a été présentée comme un « moment historique » dans la rénovation des institutions démocratiques. La convention citoyenne fait surtout suite à deux années jalonnées d'expression d'une forte conflictualité sociale avec l'émergence de deux mouvements inédits : celui des gilets jaunes, dont le point de départ fut l'annonce en novembre 2018 d'une taxe carbone sur l'essence, et les mobilisations des jeunes pour le climat revendiquant un engagement plus fort de l'État pour lutter contre le changement climatique. Le texte de loi [7] issu de la convention citoyenne a rejeté ou largement modifié les propositions des citoyens lorsque celles-ci s'éloignaient trop d'un modèle de « croissance verte » s'accommodant du « green washing ». Seulement 15 des 149 propositions de la convention citoyenne ont été reprises telles quelles. Les propositions les plus engageantes ont été rejetées, comme par exemple, la révision des accords du CETA, la reconnaissance du crime d'écocide, l'interdiction de la publicité pour les produits polluants. En revanche, les mesures soumises dans la loi sont en partie la transposition de normes européennes en droit français et font déjà partie à ce titre du cadre réglementaire national [8]. La loi énergie et climat de 2019 prévoit le recours aux ordonnances pour mener à bien cette transposition technique et reprend la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments de mai 2018.

C'est pourquoi, la convention citoyenne relève dans sa forme d'une continuité plus que d'une rupture dans le processus d'intégration politique des contestations environnementales. Sur le fond, elle est caractéristique du déploiement de réponses technologiques par la croissance verte aux problèmes environnementaux, faisant de leur traitement une source renouvelée de croissance, pourtant mise en exergue comme étant la principale cause des problèmes écologiques.

L'environnement est-il toujours porteur d'utopie ?

Depuis le milieu des années 2010, la lutte contre le changement climatique et la défense du vivant sont des revendications portées par une nouvelle génération de militants qui cherchent dans leurs engagements à prendre une distance avec le modèle dominant de gestion de l'environnement et d'engagement écocitoyen.

Les mouvances actuelles s'organisent en réseaux informels, relevant non plus nécessairement d'une association d'individus qui se regroupent ne serait-ce que temporairement pour une cause ou pour faire opposition, mais de la constitution de réseaux dont l'élément distinctif est l'échange. En effet, ces mouvements ne fonctionnent pas en « groupements » dans la mesure où ce qui fait leur essence est d'assurer des rencontres et des échanges entre des individus désireux de s'engager et surtout d'agir. Contrairement au modèle associatif, ces organisations ne sont pas constituées a priori mais se renouvellent en tant que telles au long de la réalisation d'un ensemble d'actions et de manifestations. En France, elles sont multiples, portées par de nouveaux mouvements et acteurs, comme les Youth For Climate (YFC) (Gaborit, 2019), les « zadistes » [9] (Pruvost, 2017), Alternatiba ou Extinction Rebellion (XR) (Gunningham, 2019), entre autres. Ces mouvements sont révélateurs d'une réappropriation contestataire de la question environnementale dans la mesure où ils sont porteurs d'une critique du mode de développement dominant et appellent à des actions qui visent à le contester et à le dépasser au nom d'un autre rapport à la nature, à l'espace et au temps. De ce point de vue, ils peuvent apparaitre comme les héritiers des contestations écologistes qui les ont précédés et des mouvements altermondialistes (Agrikoliansky et al., 2010 ; Pleyers et Brieg, 2016). Mais ils témoignent aussi de transformations structurelles dans les modes d'engagement propres à la période contemporaine.

L'importance accordée dans ces mouvements au lieu, à l'espace, à son occupation, assimile ces éléments à l'émergence d'un collectif, dont l'entité physique (la place, la rue, le terrain du futur aménagement) tient lieu de symbole, de configuration. La pérennité du collectif tiendrait à celle de l'occupation et de la défense des espaces investis. L'exemple du mouvement des ZAD (Zones à Défendre) est de ce point de vue illustratif. La majorité du temps des zadistes est occupée à la construction de bâtis, la restauration des ruines et bâtiments, la production maraîchère et le petit élevage, la fabrication du pain et de divers produits nécessaires à la consommation quotidienne. Il se développe aussi un ensemble d'échanges de savoir-faire sous la forme d'une autoformation informelle mais aussi avec des soutiens extérieurs qui peuvent venir soit participer à certains travaux, soit fournir la ZAD en outils et matériaux. Cette centralité des savoir-faire par la réappropriation de techniques et de métiers artisanaux et agricoles prend dans ces expériences une valeur critique et politique qui peut aussi donner sens au parcours social des militants qui s'y investissent. Pour conquérir cette autonomie, les militants interrogés s'engagent dans des réseaux, ateliers ou « collectifs » d'échanges. Ces lieux se sont multipliés depuis une dizaine d'années, et représentent d'une certaine façon l'enjeu de la rencontre, de la construction de collectifs plus ou moins éphémères.

Ces expériences alternatives peuvent être rapprochées de formes contemporaines d'engagement politique, où ce qui s'exprime semble relever d'une réalisation de soi à travers le projet collectif. La question de l'individualité et de la reconnaissance de soi devient aujourd'hui un élément clé de la constitution de collectifs qui, par les actes individuels et la revendication d'une multiplication d'expériences, signifient l'engagement au politique. L'individualisme tant décrié comme source d'égoïsme, d'un déclin supposé de l'intérêt pour la chose publique, est plutôt pour nous la source d'une diversification et d'une multiplication des formes de l'engagement. Mais, afin d'affirmer toute sa portée critique, une reconstruction politique du sujet s'impose pour dépasser les cadres du rôle d'individu limité aux fonctions de consommateur.

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Pour aller plus loin

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Notes

[1] Loi n° 60-708 du 22 juillet 1960 relative à la création de parcs nationaux. Les premiers parcs nationaux sont créés en 1963, sous l'égide du ministère de l'Agriculture (Vanoise et Port-Cros).

[2] Institués par le décret n° 67-158 du 1er mars 1967. Le premier PNR est créé en mars 1968 sur le territoire de St Amand / Raisne, devenu depuis Scarpe / Escaut.

[3] Décret n° 75-983 du 24 octobre 1975.

[4] Voir Dubuisson-Quellier S. (2018), La consommation engagée, Presses de Sciences Po, coll. Contester, 2e édition.

[5] École et Nature, Charte du Réseau École et Nature, 1997.

[6] La convention d'Aarhus, votée dans le cadre de la commission économique pour l'Europe de l'ONU en 1998 et ratifiée par la France en 2002, consacre un droit à l'information, à l'accès à la justice et surtout à la participation du « public concerné » à l'élaboration des réglementations dans le domaine environnemental et ce à un moment où « toutes les options et solutions sont encore possibles et où le public peut exercer une réelle influence » (article 6).

[7] Projet de loi nº 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, enregistré le 10 février 2021.

[8] Une des mesures phares de ce texte de loi est la « rénovation énergétique des bâtiments ». Cette mesure est en réalité adoptée et en cours de transposition dans le droit français, puisqu'elle fait partie du corpus règlementaire du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » ou « paquet d'hiver ». Cet ensemble d'actes législatifs européens – huit au total, quatre directives et autant de règlements – traduit les objectifs de l'Union européenne (UE) pour 2030 en matière de climat et d'énergie et a été élaboré par la commission européenne en 2014 avant d'être présenté en commission en novembre 2016.

[9] Les « zadistes » sont les militants et occupants des Zones à Défendre, espaces destinés à des projets d'aménagement comme un aéroport, un contournement autoroutier, un village vacances, désignés comme des projets dits « inutiles ».

Photographie : Grève des scolaires pour le climat, 24 janvier 2019, Bruxelles, Belgique. Crédit : StampMedia « De exponentiële groei van Youth for Climate » © Kayin Luys