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La nation : une communauté culturelle et politique construite

Publié le 31/03/2008
Toutes les nations possèdent des ancêtres fondateurs, une histoire multiséculaire continue qui établit des liens entre le passé et le présent, des héros exemplaires, une langue spécifique, des œuvres culturelles remarquables, des traditions populaires etc. À cela vient se superposer une définition politique de la nation, héritée des idéaux de la révolution française, qui met l'accent sur la dimension contractuelle de l'appartenance à la nation comme adhésion à un corps politique. La question de l'intégration dans la nation implique donc d'avoir une place dans l'histoire nationale.

Une brève synthèse réalisée à partir de plusieurs articles importants sur ce thème :

Bertrand Romain, « Par delà le grand récit de la Nation : l'identité nationale au prisme de l'histoire globale » in savoir / agir, no 2, Décembre 2007.

Thiesse Anne-Marie, « La fabrication culturelle des nations européennes », in Identité(s), L'individu, le groupe, la société. Editions Sciences Humaines, 2004.

Thiesse Anne-Marie, « Crise identitaire, crise de la modernité », Cahiers Français, no 342, Janvier-Février 2008.


La nation est le cadre historique des sociétés européennes qui en ont inventé l'idée. Dès le XIIIe siècle, le sentiment national français se manifeste et est renforcé par la guerre de Cent ans contre les anglais, par les conflits entre Européens avant d'être exalté par la Révolution Française (article 3 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789: « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ») qui va considérer la nation comme une société politique organisée, source de légitimité politique.

Il y aurait en définitive une définition politique de la nation héritée des idéaux de la révolution française qui mettrait l'accent sur la dimension contractuelle de l'appartenance à la nation comme adhésion à un corps politique. (La nation présentée comme « un plébiscite renouvelé tous les jours » par Ernest Renan dans Qu'est-ce qu'une nation ? lors du discours qu'il prononce à la Sorbonne en 1882). A cette conception, on oppose souvent l'approche plus culturelle de la nation, dite allemande, qui serait issue du mouvement romantique. Dans cette perspective, l'appartenance nationale serait déterminée par des critères ethniques et culturels.

Cette opposition entre nation politique et nation culturelle renvoie à la polémique entre intellectuels allemands et français en 1880 à propos de l'appartenance nationale du territoire de l'Alsace. Cette opposition entre la conception française, politique, de la nation, respectueuse des droits de l'homme et la définition allemande, culturelle, affective et déterministe de la nation est flatteuse mais reste caricaturale (les Alsaciens n'ont pas décidé de leur rattachement à la France). La nation, dans la conception moderne de ce terme reste définie dans l'ordre politique et dans l'ordre culturel. Cela explique en partie l'universalisation de cette forme politique qui associe un principe politique abstrait (la souveraineté légitime qui émane de l'ensemble des citoyens, appelé nation) et une définition culturelle, particularisante et concrète : le fait d'être français, anglais...

Pourtant l'hétérogénéité culturelle est importante dans les sociétés pré-nationales et les références identitaires communes et fortes que nous connaissons aujourd'hui ont été construites par le travail d'intellectuels, d'artistes, de savants, d'écrivains selon des modalités comparables dans les différents pays européens. Toutes les nations possèdent des ancêtres fondateurs, une histoire multiséculaire continue qui établit des liens entre le passé et le présent, des héros exemplaires, en général une langue spécifique [1], des œuvres culturelles remarquables, des traditions populaires...

Le passé occupe une place fondamentale dans la construction des identités nationales et dans leur consolidation. L'enseignement de l'histoire a ainsi constitué dès le début de l'enseignement de masse une matière fondamentale, associée à l'instruction civique. Elle retrace des épisodes importants de l'histoire de la résistance des pays à leurs divers ennemis et met en avant des moments et des figures emblématiques (Gergovie, Jeanne d'Arc, la prise de la Bastille, l'appel du 18 juin...). L'intégration dans la nation impliquant d'avoir une place dans l'histoire nationale, des français d'origine africaine ou des populations issues de l'ancien colonial revendiquent  aujourd'hui leur place légitime dans l'histoire nationale.


NB : c'est seulement à la fin du XVIIIe siècle que les gaulois ont été présentés comme les fondateurs de la nation française et que Vercingétorix est devenu le premier héro de l'histoire française à la suite d'une valorisation des héros celtes dans les pays européens à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les Allemands retrouvèrent Arminius devenu Hermann qui avait gagné une bataille contre le général Romain Varus et qui devint le modèle de la résistance de la nation allemande pendant les guerres napoléoniennes.

 

Note :

[1] Edit de Villers-Cotterêt (1539) qui impose l'usage du français pour tous les actes politiques, administratifs et juridique.

Pour aller plus loin :

Noiriel Gérard, Le Creuset français. Histoire de l'immigration (XIXe-XXe siècle), Paris, Seuil, 1988.

Schnapper Dominique, Qu'est-ce que l'intégration ? Gallimard, Folio « actuel », janvier 2007, 240 p.

Schnapper Dominique, La communauté des citoyens, Essai, Gallimard, 1994

 

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