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Un indicateur avancé pour la zone euro

Publié le 13/05/2003
Auteur(s) - Autrice(s) : Françoise Charpin, Hervé Péléraux, Philippe Sigogne
Un indicateur avancé permet d'apprécier en termes quantitatifs la conjoncture récente et fournit un point de départ pour la prévision.

Ce chapitre s'inspire d'un article paru dans la Revue de l'OFCE, n° 72, janvier 2000.

L'indicateur avancé est un instrument de prévision de court terme qui complète les outils déjà utilisés par l'OFCE : les analyses du cycle et les modèles économétriques.

Les analyses traditionnelles du cycle, fondées sur la collecte d'un grand nombre de séries, ont pour but de caractériser les fluctuations courantes de l'économie afin d'appréhender son niveau de tensions. Une comparaison avec les situations passées donne alors des indications sur le développement probable de ces tensions et des fluctuations de l'activité qui y sont liées.

Les modèles économétriques structurels, dont les équations reflètent les comportements des agents ainsi que les contraintes comptables, fournissent un sentier de croissance future moyennant la spécification d'hypothèses exogènes.

Les deux approches fournissent des éléments de jugement utiles, mais ne sont pas exemptes de défauts. L'analyse du cycle délivre des messages qualitatifs qui ne sont pas facilement transposables en termes de prévision quantitative. De plus, le contrôle de cohérence permanent que garantissent les modèles fondés sur un cadre comptable, lui fait défaut.

Les modèles économétriques peuvent faillir quand les changements structurels rendent obsolètes les relations fondées sur les comportements moyens passés. Ils ont aussi tendance à lisser les fluctuations et font preuve d'inertie pour détecter et prévoir les points de retournement du cycle.

Un indicateur avancé permet d'apprécier en termes quantitatifs la conjoncture récente, et fournit un point de départ pour la prévision.

Un système d'indicateurs

Diverses méthodes ont été utilisées pour construire des indicateurs avancés :

- l'approche traditionnelle, combine un ensemble de séries habituellement en avance sur le cycle économique, pour obtenir un indicateur composite avec des points de retournement qui précèdent le cycle de plusieurs mois ;

- l'approche qualitative récente complète l'analyse précédente en calculant la probabilité de survenue des points de retournement ;

- l'approche économétrique prévoit la croissance du PIB sur les trimestres à venir en utilisant un ensemble de variables avancées. Cette dernière approche est mise en oeuvre ici parce qu'elle est considérée comme la plus apte à remédier aux lacunes mentionnées auparavant. Elle établit un lien entre l'analyse cyclique et la prévision modélisée : elle permet la nécessaire quantification des évolutions cycliques et elle facilite le calage du modèle sur la situation présente et future à très court terme, donnant un point de départ plus solide à l'exercice de prévision.

Différents indicateurs doivent être construits si l'on veut répondre à ces objectifs :

- en premier lieu, on élabore un indicateur trimestriel coïncident. Un tel indicateur est utile car il sert à tester les évaluations initiales du PIB fournies par les comptes nationaux, ces dernières pouvant faire l'objet de révisions ultérieures. Concrètement, on estime le taux de croissance du PIB réel sur quatre trimestres (i.e. en glissement annuel). L'indicateur est calculé quand un nouveau chiffre du PIB trimestriel est publié ;

- ensuite, on élabore deux indicateurs avancés à révision mensuelle, visant à estimer la croissance du PIB en glissement annuel pour chacun des deux trimestres à venir. Les indicateurs avancés sont calculés au début de chaque mois, quand de nouvelles données mensuelles sont publiées. Ceci permet de confirmer ou d'infirmer les estimations ou les prévisions des mois précédents, dans la mesure où l'information sur la période courante est actualisée et enrichie.

Quelle information conjoncturelle utiliser ?

L'information conjoncturelle susceptible d'entrer dans l'indicateur peut être subdivisée en quatre catégories : 

- les variables d'enquêtes, obtenues auprès des chefs d'entreprise, des ménages et des commerçants, constituent un domaine d'information privilégié. Elles fournissent l'opinion des agents sur divers aspects de leur situation - la production ou les carnets de commande, la situation financière, les tensions sur l'appareil productif -, et retracent par là le climat actuel des affaires ou préfigurent les comportements à venir ;

les variables réelles, qui n'ont pas toutes un caractère avancé, mais permettent, par leur disponibilité rapide, d'estimer les orientations de l'activité en cours de trimestre. On peut citer les séries utilisées pour construire les comptes nationaux, comme la consommation en produits manufacturés ou l'indice de la production industrielle. Les statistiques administratives comme les immatriculations de véhicules, variable coïncidente, ou les permis de construire, variable avancée, peuvent compléter le bloc réel ;

- les variables monétaires et financières anticipent l'évolution du PIB. Les délais de transmission de la politique monétaire à l'activité réelle confèrent aux taux d'intérêt un caractère avancé. L'évolution de la Bourse reflète les profits escomptés par les investisseurs, en lien avec l'activité future. L'évolution des crédits aux agents privés préfigure les évolutions de leurs dépenses ;

- les variables d'environnement extérieur influencent également l'économie européenne: le taux de change est un des déterminants de la compétitivité, la production industrielle américaine par exemple vise à capter le cycle de l'économie dominante, les indices de prix des matières premières témoignent des tensions sur les marchés internationaux, liées au dynamisme de la production.

Comment sélectionner, dans ce vaste ensemble, les séries susceptibles d'entrer dans l'indicateur ? D'abord, l'information commune aux différentes questions d'une enquête est extraite au moyen d'une analyse en composantes principales. Le premier facteur de cette analyse, qui est une moyenne pondérée des questions les plus corrélées de l'enquête forme une variable synthétique du climat des affaires dans le secteur.

GRAPHIQUE IX.1. - TAUX DE CROISSANCE DU PIB ET FACTEUR DE L'ENQUETE INDUSTRIE (ZONE EURO)

En %, t/t-4

TAUX DE CROISSANCE DU PIB ET FACTEUR

Source: Eurostat

Les facteurs d'enquête apparaissent liés au glissement annuel du PIB (graphique IX.1). On retrouve là un résultat connu: les soldes d'opinion sont représentatifs du glissement annuel de l'agrégat sur lequel porte la question. Ainsi, l'indicateur s'attachera-t-il à estimer et prévoir le glissement annuel du PIB.

Les enquêtes de conjoncture fournissent l'essentiel des composantes coïncidentes (industrie et commerce de détail) ou légère-ment avancées (construction). La sélection des autres variables a été réalisée sur la base des résultats économétriques. Dans le bloc réel, on a retenu le glissement annuel des immatriculations de voitures de tourisme, qui est coïncident.

Les conditions monétaires sont appréhendées par l'écart entre le taux d'intérêt réel à court terme de la zone euro et le taux de croissance tendanciel du PIB (le taux annuel réel sur les cinq dernières années). Cette variable, qui approxime la composante cyclique du taux d'intérêt, est exprimée en variation sur deux ans et anticipe les variations du PIB de deux trimestres.

Le bloc environnement extérieur inclut le taux de change réel euro/dollar qui, en glissement annuel, anticipe aussi de deux trimestres la croissance du PIB. Enfin l'indice du prix des matières premières en dollars, hors pétrole, introduit dans l'indicateur avancé, précède le PIB d'un trimestre. Au total huit variables entrent dans les indicateurs coïncidents et avancés (tableau IX.1).

TABLEAU IX.1. - LES VARIABLES COMPOSANT LES INDICATEURS

LES VARIABLES COMPOSANT LES INDICATEURS

L'estimation des indicateurs

L'indicateur coïncident vise à estimer la croissance du PIB au moment où les comptes sont publiés par Eurostat. Il est donc calculé chaque trimestre (tableau IX.2). La série de PIB pour la zone euro a pour origine le premier trimestre 1991: le glissement annuel commence donc au premier trimestre 1992. L'estimation d'indicateurs sur une période aussi courte est peu fiable dans la mesure où elle donne trop d'importance à la récession de 1992-1993. Pour augmenter le nombre de points on utilise, avant 1992, une série de PIB construite selon l'ancien système comptable. Cette solution présente l'inconvénient de raccorder deux séries construites à partir de bases de prix différentes, mais elle fournit une meilleure assise aux estimations.

Les résultats d'estimation sont de bonne qualité: les variables ont le signe attendu et sont très significatives. L'erreur moyenne de l'équation est plutôt faible, égale à ? de point. Une telle équation peut donc servir de point d'appui à la construction d'indicateurs avancés (graphique IX.2).

Les équations de prévision vont s'appuyer sur les variables avancées de l'équation coïncidente. Quand on connaît le PIB du trimestre T, on a une connaissance partielle sur variables coïncidentes associées au trimestre (T + 1). Par exemple, début janvier, on connaît le PIB du troisième trimestre de l'année précédente et toutes les variables explicatives jusqu'à décembre, sauf les immatriculations et l'indice de la production industrielle américaine publiés plus tard (vers le 15). On peut quand même utiliser l'équation coïncidente, en estimant les valeurs manquantes de décembre. Ainsi, on estime une équation économétrique liant l'indice américain et les résultats de l'enquête américaine auprès des directeurs d'achat (enquêtes NAPM), dont les résultats pour décembre sont disponibles début janvier. Dès le début de février, toute l'information du trimestre (T + 1) est connue. On peut alors estimer le PIB du quatrième trimestre avec l'équation coïncidente. Ainsi, au fur et à mesure que l'information progresse en cours de trimestre, l'indicateur est révisé au mois le mois.

TABLEAU IX.2. - ESTIMATION DE L'INDICATEUR COÏNCIDENT

ESTIMATION DE L'INDICATEUR COÏNCIDENT

GRAPHIQUE IX.2. - TAUX DE CROISSANCE OBSERVÉ ET ESTIMÉ DU PIB (ZONE EURO)

TAUX DE CROISSANCE OBSERVÉ ET ESTIMÉ DU PIB

Sources: Eurostat, calculs OFCE.

Pour la prévision à deux trimestres, on essaie de remplacer au mieux les variables inconnues. Ce qui revient à utiliser l'information la plus récente. L'ajustement est légèrement moins bon que le précédent mais permet néanmoins d'effectuer une prévision fiable.


L'indicateur a été élaboré pour le compte d'un groupe de huit instituts européens de conjoncture, CPB (La Haye), DIW (Berlin), ETLA (Helsinki), IFO (Kiel), OFCE (Paris), Prometeia (Bologne) et WIFÖ (Vienne). Il fait l'objet d'une publication mensuelle dans le Financial Time Deutschland, le Financial Time Londres et Les Echos. Une note méthodologique complète est disponible sur le site : www.ofce.sciences-po.fr.

Bibliographie

ANAS J., "Un indicateur avancé de retournement conjoncturel de l'économie française", Lettre mensuelle de conjoncture, COE, n°408, novembre 1998.

ANAS J., "Datation et détection du cycle économique en France", in C. de BOISSIEU (sous la dir. de), Les mutations de l'économie française, Economica, 1997.

ARTUS P., KAABI M. et SASSENOU N., "L'indicateur avancé de la Caisse des Dépôts et Consignations", Études-numéro spécial, janvier 1996.

CHARPIN F. et PÉLÉRAUX H., " L'indicateur avancé de l'OFCE", Revue de l'OFCE, n°72, janvier 2000.

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