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B) Les enjeux économiques de la formation des actifs.

Publié le 28/04/2009
Auteur(s) - Autrice(s) : Stéphanie Fraisse-D'Olimpio
Le rendement de la formation peut différer selon le niveau de celle-ci et le domaine auquel elle se rapporte, certains programmes engendrant un accroissement beaucoup plus fort du salaire que d'autres à un niveau donné. Il peut aussi varier en fonction de caractéristiques individuelles telles que l'âge, le sexe et la situation socioéconomique ou au regard de l'emploi. C'est un enjeu pour les pouvoirs publics qui mesurent l'importance de mieux informer les citoyens en développant une meilleure évaluation du rendement de l'éducation et de la formation des adultes.

2) Les enjeux salariaux

Une enquête de S.Blöndal, S.Field, N.Girouard [6] montre qu'un adulte en âge de travailler peut tirer des avantages non négligeables d'un retour à l'enseignement formel en vue d'y obtenir un diplôme d'études secondaires du deuxième cycle ou d'études supérieures. L'avantage principal serait l'accroissement du salaire.

Il ressort ainsi de plusieurs études que l'éducation et la formation des adultes ont un impact très appréciable sur le salaire. W.Ok et P.Tergeist [7] présentent des données qui montrent l'existence d'une corrélation positive entre la formation et la productivité des travailleurs, et entre la formation et le niveau des salaires dans plusieurs pays de l'OCDE. L'accroissement des salaires des salariés ayant suivi une formation est bien plus élevé que celui des salariés n'ayant suivi aucune formation sur la période 1994-1998. Cet écart atteint même 3 points de pourcentage en Grèce où le salaire réel des salariés ayant suivi une formation s'accroît en moyenne de 10% tandis que celui des salariés n'ayant pas eu accès une formation s'élève de 7%.

En ce qui concerne le Royaume-Uni, M.A, Loewenstein et J.R. Spletzer [8] ont calculé qu'une semaine de formation financée par l'employeur au moment de l'embauche engendrait une progression du salaire supérieure de 1.4 % après deux ans, 17 % de ce gain étant dû à la formation. De même, Booth et Bryan [9] ont constaté qu'une semaine de formation structurée entraînait une hausse de 1 % environ du salaire versé par les employeurs ultérieurs.

Le graphique 3 illustre l'impact que l'obtention de diplômes a exercé sur les salaires des Canadiens adultes au milieu des années 90. Chez les personnes âgées de 30 à 49 ans, le salaire a progressé de 32 % dans les deux années qui ont suivi l'obtention d'un diplôme universitaire, et il s'était accru de 37 % deux ans après l'obtention d'un diplôme d'autres établissements d'enseignement post-secondaire, alors que son augmentation a été inférieure à 10 % dans le cas des diplômés de l'enseignement secondaire du deuxième cycle qui n'ont pas relevé leur niveau de formation au cours de la période considérée.

Graphique 3. Croissance des revenus par rapport à l'éducation initiale et à celle acquise à l'âge adulte au Canada au milieu des années 90.

Promouvoir la formation des adultes. OCDE. 2005. p.40.

Les effets de la formation sur les salaires sont assez bien connus en France. Selon les méthodes utilisées et les variables retenues, l'impact de la formation continue sur les salaires varie de 0 a 2% pour Dominique Goux et Eric Maurin [10] a 14-15% pour C.Bollenot [11].

Goux et Maurin étudient à partir de l'enquête FQP 1993, les effets de la formation professionnelle, financée par l'entreprise, sur les salaires dans le secteur privé. Ils montrent que la prise en compte d'un biais de sélection annule quasiment les effets de la formation sur les salaires. En effet, il existe un effet de composition (50% de la hausse de salaire est due au fait que l'entreprise paye mieux ses salariés que d'autres entreprises) et un effet de sélection (50% due au fait que ce sont déjà les meilleurs salariés qui accèdent a la formation).

Une étude plus récente de l'OCDE [12] fait aussi apparaître que la formation produit un avantage de salaire dans un certain nombre de pays membres (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas et Portugal) en comparant la progression du salaire perçu par ceux qui en ont suivi une à celle du salaire des personnes qui ne l'ont pas fait. Selon des données de panels européennes et nationales, les avantages de salaire apportés par la participation à des activités de formation durant la seconde moitié des années 90 allaient d'à peine un peu plus de 0 % en France (ce qui semble confirmer les résultats de Goux et Maurin) à 2.5 % par an en Allemagne et 5 % au Portugal (Graphique 4).

Graphique 4 : Les salaires progressent plus rapidement après une formation.

Différence dans la progression des salaires entre salariés formés et non formés, points de pourcentage.

OCDE, Perspectives de l'emploi, chapitre 4 « Améliorer les compétences : la formation permet-elle d'accéder à des emplois plus nombreux et meilleurs ? », Paris. 2004. p.217

Cette étude montre également que les travailleurs qui ne changent pas d'employeur après avoir reçu une formation en tirent généralement un avantage salarial plus faible (parfois même insignifiant). Le rendement de la formation suivie auprès des employeurs précédents semble donc plus grand, les meilleurs résultats à cet égard étant obtenus par les travailleurs jeunes et dotés d'un niveau d'instruction élevé. En outre, la prime salariale à la formation reçue auprès d'employeurs précédents est plus faible dans le cas de la formation professionnelle que dans le cas de l'éducation formelle. Cela s'explique en particulier par le fait que les compétences acquises par une formation formelle sont plus facilement identifiées et reconnues. L'accréditation et la validation des compétences acquises au cours de formations professionnelles courtes et de formations non structurées sont en effet capitales pour la transférabilité de la formation.

Notons pour finir qu'une formation à temps plein risque d'obliger les salariés à renoncer au salaire pendant sa durée et entraîner ainsi pour les travailleurs concernés une baisse du taux de rendement de la formation sur l'ensemble de leur existence. Il importe donc de faire connaître le rendement économique et non économique que peut avoir la formation des adultes selon le contexte dans lequel elle s'exerce.

Les études réalisées à ce jour montrent que le rendement économique peut être assez considérable pour certains salariés, et que dans certaines conditions, les salariés peuvent trouver dans la formation des avantages économiques qui compensent une part importante de la charge financière

Le rendement de la formation peut ainsi différer selon le niveau de celle-ci et le domaine auquel elle se rapporte, certains programmes engendrant un accroissement beaucoup plus fort du salaire que d'autres à un niveau donné. Il peut aussi varier en fonction de caractéristiques individuelles telles que l'âge, le sexe et la situation socioéconomique ou au regard de l'emploi. C'est un enjeu pour les pouvoirs publics qui mesurent l'importance de mieux informer les citoyens en développant une meilleure évaluation du rendement de l'éducation et de la formation des adultes, La formation tout au long de la vie apparaît désormais comme une des sources principales de l'augmentation du stock de capital humain.

 

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CAPITAL HUMAIN ET FORMATION DES ACTIFS.

A) Valoriser le capital humain par la formation tout au long de la vie : des principes à la réalité.

1) Une profonde évolution de l'approche de la formation continue en France et dans l'Union Européenne.

2) Un accès encore largement inégalitaire à la formation continue.

B) Les enjeux économiques de la formation des actifs.

1) Un enjeu de croissance économique et de compétitivité des entreprises.

2) Les enjeux salariaux.

3) Les enjeux en matière d'accès à l'emploi et de protection contre le chômage : la question de la sécurisation des parcours professionnels.

Retour au dossier "Capital humain" (Partie 2)

 


Notes :

[6] Blöndal et al., 2002 L'investissement en capital humain : le rôle de l'enseignement secondaire du 2e cycle et de l'enseignement supérieur. Revue économique de l'OCDE, no 34, 2002/1

[7] Ok, W. and P. Tergeist (2003), "Improving Workers' Skills: Analytical Evidence and the Role of the Social Partners", OECD Social Employment and Migration Working Papers, No. 10, OECD Publishing. p.26

[8] Loewenstein, M. A. et J.R. Spletzer (1999), « General and Specific Training: Evidence and Implications », Journal of Human Resources, vol. 34, n° 4, pp. 710-733.

[9] Booth, A. et M. Bryan, « Who Pays for General Training? New evidence for British Men and Women », IZA Discussion Paper, n° 486, Bonn, avril, 2002.

[10] D.Goux, E.Maurin "Les entreprises, les salariés et la formation continue". Économie et Statistique, n°306.1997

[11] Bollenot C. (1998) : "Logiques de formation continue et politiques salariales." Thèse pour le doctorat en sciences économiques, Dijon, 360p.

Crocquey E., (1995) : La formation professionnelle continue : des inégalités d'accès et des effets sur la carrière peu importants à court terme, Travail et Emploi, n° 65 -4.

Paul, J.J., (1999), "La formation continue favorise-t-elle l'augmentation de salaire ?" (pp 227-238) in C.Dubar et C. Gadéa (dir.), La promotion sociale en France, Presses Universitaires Septentrion

[12] OCDE, Perspectives de l'emploi, chapitre 4 « Améliorer les compétences : la formation permet-elle d'accéder à des emplois plus nombreux et meilleurs ? », Paris. 2004.