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Les politiques de l'emploi qui portent principalement sur l'appariement sur le marché du travail

Publié le 07/07/2008
Auteur(s) - Autrice(s) : Patrick Cotelette
Cette ressources traite de deux sous-catégories de politiques de l'emploi qui s'attaquent à l'appariement sur le marché du travail. Dans un premier temps, elle concerne la dynamique sur le marché du travail, dont la principale politique est la protection de l'emploi et tout ce qui existe pour l'alléger, donc le temps partiel et les contrats à durée déterminée. Ce dossier se contentera d'exposer les effets de la protection de l'emploi. Cela nous conduira dans un deuxième temps aux politiques jouant moins sur la dynamique générale des flux que sur la meilleure adéquation de l'offre à la demande au sein de chaque flux. On s'intéressa ici principalement aux effets de la formation et aux aides non financières au retour à l'emploi.
 

La protection de l'emploi

L'objectif à la base de la protection de l'emploi est triple :

1° le premier objectif sur lequel repose les deux autres, c'est l'idée de responsabiliser les entreprises dans leur comportement à l'égard de l'ensemble des salariés ;

2° le deuxième est alors de stabiliser l'emploi pour les salariés ;

3° le troisième objectif est celui de sécurité de l'emploi et est souvent compris comme un corollaire du deuxième objectif en reposant sur l'hypothèse qu'un emploi stable est le meilleur moyen d'assurer à tous l'obtention d'un emploi.

Ce qui est donc recherché, c'est d'assurer l'emploi, de minimiser le chômage et d'éviter les transitions "abusives" sur le marché du travail et tout ceci par la responsabilisation des entreprises à l'égard du collectif des travailleurs. Cette idée est finalement très marquée historiquement par son optimisme. Avec tous ces objectifs en tête se sont élaborés les systèmes nationaux de protection de l'emploi après la Seconde Guerre Mondiale qui vont passer principalement par l'établissement de coûts de licenciement pour l'entreprise. En théorie, on peut en effet considérer qu'un coût de licenciement est un moyen de forcer l'entreprise à valoriser l'emploi d'un salarié.

A partir de cet ensemble d'objectifs, il s'est avéré que la protection de l'emploi n'a finalement pas eu les effets escomptés et la critique s'est vraiment développée depuis 20 ans. Pour comprendre tout cela, on peut d'une manière générale voir quels vont alors être les conséquences économiques des coûts de licenciement. Un modèle de Pissaridès augmenté permet de montrer deux effets de l'introduction du coût de licenciement : réduction des taux de destruction ce qui augmente la concentration des travailleurs, mais également réduction des taux de création, ce qui conduit à un effet ambigu sur le niveau du chômage mais a pour principale caractéristique de rendre le chômage d'équilibre un peu plus indépendant des fluctuations cycliques.

L'effet des coûts doit alors être analysé dans deux cadres, selon que le salarié est négociable ou non. L'effet des coûts distingués tantôt est identique sur l'emploi quand les salaires sont exogènes (effet ambigu comme déjà vu) ce qui est donc intéressant dans les cas du salaire minimum. Quand les salaires sont négociés, on peut distinguer les effets des deux types de coûts : les coûts de licenciements sont portés par les employés et se manifestent par une diminution de leur salaire de première embauche ou par une diminution de leurs perspectives d'évolution de salaire (vérifié par Leonardi & Pica 2007) ; les coûts administratifs sont portés par les employeurs qui diminuent alors leur demande de travail, mais diminuent en même temps leurs destructions d'emploi. Là encore, l'effet total est ambigu sur le niveau de chômage. Mais l'effet de la protection de l'emploi est clairement négatif sur les salaires quand ceux-ci sont négociés (donc supérieur au salaire minimum) ; quand ils ne sont pas négociés car non négociables, les flux de création en pâtissent plus que dans le cas avec négociation puisque la demande de travail n'a pas d'autre source d'ajustement que la quantité dans le cas des individus au salaire minimum.

Dans l'ensemble, il apparaît alors théoriquement que la protection de l'emploi a un effet sur le niveau de chômage en augmentant le chômage des individus au salaire minimum et qu'il a un effet sur les individus avec un salaire supérieur au salaire minimum en faisant diminuer leur salaire mais sans augmentation concomitante claire de leur niveau de chômage.

Passé cette explication théorique et l'importance de la possibilité de négociation des salaires pour comprendre l'effet de la protection de l'emploi sur le chômage, quels enseignements pouvons-nous tirer de l'observation empirique ?

Tout d'abord, on peut clairement voir que la protection de l'emploi joue sur les flux en diminuant les destructions et les créations ce qui va alors conduire à l'augmentation du chômage de longue durée et à la diminution du chômage de courte durée (Nickell & Layard 1999). L'exemple le plus frappant de ce phénomène apparaît dans l'article de Blanchard & Portugal (2001) qui compare le fonctionnement du marché du travail aux Etats-Unis d'Amérique et au Portugal. Les deux pays ont un taux de chômage à peu près identique de 7% à la fin des années 1990 mais le marché du travail portugais est beaucoup moins fluide que le marché du travail américain. Il faut ici faire attention à une chose, c'est que la réallocation des emplois existe dans les deux pays. Au niveau annuel, il y a autant de création et de destruction dans les deux pays. Ce qui est fort étonnant a priori, mais nous pouvons l'expliquer. On peut d'abord remarquer une différence entre les deux pays : ce sont les flux de l'emploi vers le chômage qui sont trois fois inférieurs au Portugal par rapport aux Etats-Unis d'Amérique et la durée moyenne du chômage est trois fois plus longue au Portugal. Cette différence vient du fait que les Etats-Unis d'Amérique ont des flux de travailleurs (comprend tous les ajustements, que ce soit en raison du poste ou de la mauvaise qualité de l'appariement) qui sont beaucoup plus importants que les flux d'emploi (changement du niveau d'emploi dans une entreprise au cours du temps) tout au long de l'année. Si on mesure trimestre après trimestre les créations et destructions, on remarque que leur niveau est plus élevé aux Etats-Unis d'Amérique qu'au Portugal. Dans les évaluations annuelles, on prend mal en compte l'ensemble des flux de travailleurs ce qui explique l'égalité constatée au niveau annuel dans les flux des deux pays. Mais d'une manière générale, on voit bien que l'effet de la protection de l'emploi passe dans la dynamique du marché du travail.

De cela, on peut alors comprendre l'effet sur le taux de chômage et le taux d'emploi. Sur le taux de chômage, l'idée est intuitive. Comme il existe au niveau annuel des flux identiques de création et de destruction quel que soit le niveau de protection de l'emploi, il n'y a aucune raison que la protection de l'emploi joue en soi sur le rapport entre les deux flux, donc sur la plus grande création par rapport à la destruction et inversement. Il n'y a donc pas d'effet de la protection de l'emploi sur le niveau de chômage (Nickell 1997, Blanchard 1998).

Sur le taux d'emploi, le constat est celui d'une corrélation négative entre la protection de l'emploi et le taux d'emploi. Plus précisément, cette corrélation existe surtout pour les pays dans lesquels il n'existe pas coordination entre les partenaires dans la négociation salariale (Nickell 1997, Nicoletti & Scarpetta 2001), c'est-à-dire les pays qui n'ajustent pas les salaires pour diminuer l'effet positif sur les destructions d'emploi comme le veut le modèle théorique décrit tantôt. On comprend alors comment il peut y avoir une concordance entre le taux d'emploi et la protection de l'emploi à un moment donné du temps.

Aux effets de court terme s'ajoute le fait que la protection de l'emploi a un rôle négatif sur la croissance de l'emploi dans le long terme (Garibaldi & Mauro 1999). Pour comprendre cela, on doit voir différents mécanismes.

Le premier mécanisme, le plus important, est qu'avec de moindres flux trimestriels de création et de destruction d'emplois les réallocations des employés vers les secteurs les plus productifs se font moins vite (mécanisme vérifié par Baily et al. 1982) ce qui empêche la croissance de l'économie sur le long terme et donc l'emploi d'une majorité d'individus.

Le deuxième mécanisme est en rapport avec les emplois temporaires (Boeri 1999). Avec une forte protection de l'emploi, on utilise les emplois temporaires de manière clairement intéressée et sans avoir une optique d'insérer à plus long terme l'employé, ce qui n'est pas le cas dans un pays avec peu de protection où l'on cherche à obtenir le maintien à long terme sauf si les circonstances ne le permettent pas. Les pays avec une forte protection font donc un usage de l'emploi temporaire qui ne permettent pas aux employés d'accumuler du capital humain alors que les pays avec une faible protection favorisent cette accumulation puisque celle-ci est bénéfique pour l'entreprise et n'est perdue que si les circonstances ne permettent pas le maintien de l'emploi. Il y a donc un soutien de l'employabilité par l'accumulation de capital humain dans les pays à faible protection, ce qui soutient alors l'emploi au niveau macroéconomique.

Le troisième mécanisme a lieu au niveau de l'entreprise (Bassanini & Venn 2007) : avec la mise en place de la protection de l'emploi, les moindres flux conduisent à une diminution de la productivité totale des facteurs dans l'entreprise puisque cette dernière compense les moindres flux par un ajustement temporaire consistant au maintien dans l'emploi d'employés peu productifs et parce que cette dernière prend moins de risques dans l'investissement en capital. Cet effet est trouvé par Bassanini & Venn (2007) qui montrent pour l'ensemble des pays de l'OCDE de 1979 à 2003 que l'augmentation (plus que le niveau) de la protection de l'emploi entraîne une diminution de 0,02 points de % de la croissance de la productivité du travail et une diminution de 0,04 points de % de la croissance de la productivité totale des facteurs. In fine, c'est la croissance de l'emploi des entreprises qui s'en trouve affaibli.

Le quatrième mécanisme est également microéconomique mais porte par contre à caution. Quelques études (Ichino & Riphahn 2004) ont cherché à montrer que la protection de l'emploi incitent les individus à faire moins d'effort, ce qui est néfaste pour la productivité et donc pour la croissance, et ainsi pour l'emploi à plus long terme. Mais les quelques études disponibles portent à caution puisqu'elles ne sont fondées que sur l'étude d'une seule entreprise, en l'occurrence une banque, en Italie. D'autant que l'on pourrait dire que la protection de l'emploi sur les contrats réguliers incite les employés à s'investir plus dans l'entreprise (sous la forme d'un capital humain spécifique) pour assurer véritablement leur place et leur salaire à long terme.

Avec ces quatre mécanismes et l'impact de la coordination pour la négociation salariale, on peut ainsi fonder le lien négatif entre la protection de l'emploi et le taux d'emploi de long terme observé dans les pays de l'OCDE.

Troisièmement, on peut essayer d'évaluer l'effet de la protection de l'emploi sur son objectif premier, celui de la sécurité de l'emploi qui peut relever d'une affaire de perception. Quel est alors le constat?

 

 

OCDE (2004)

 

Ceci n'est pas étonnant puisque la perception d'une insécurité est liée à l'utilisation intensive de CDD, utilisation qui est elle corrélée avec la protection de l'emploi.

La formation

On s'attaque dans cette partie à l'ensemble des politiques chargées de modifier les compétences de l'employé afin de lui permettre de retrouver un emploi ou de conserver son emploi actuel. Tel est en tout cas l'objectif actuel des politiques de formation. Mais on ne doit pas oublier que la formation est en fait surtout un effet visant à ajuster les compétences des employés, de sorte qu'une véritable politique de formation conduit également à une augmentation des salaires des individus ciblés. Si une telle augmentation n'est pas observée dans un cas ou un autre, nous pouvons alors conclure que la formation dans ce cas précis a surtout pour but de lutter contre le chômage sans prise en compte véritable de l'effet sur la productivité individuelle.

Pour analyser ces politiques, nous devons alors faire la distinction entre différents types de formation.

Il y a premièrement la formation en amont (du chômage), la formation professionnelle organisée au sein des entreprises publiques ou privées. A ce stade, la formation a ainsi pour objectif d'entretenir les compétences de l'employé et d'ajuster ses compétences au processus de production adopté dans l'entreprise. L'effet principal de ces formations est sur la survie dans l'emploi et sur les salaires. Les politiques économiques incitent à ce type de formation en guidant les pratiques des entreprises par l'obligation de formation continue (DIF) et par les aides accordées pour diminuer les coûts (contrats spécifiques comme les contrats d'apprentissage).

Il y a ensuite la formation en aval (du chômage) pour permettre la réinsertion. Cette formation en aval organisée par les services publics de l'emploi peut prendre différentes formes : formation scolaire pure, formation en alternance, formation professionnelle dans le public par le biais d'un emploi temporaire, formation professionnelle dans le privé par le biais d'un emploi temporaire subventionné. Comme ces formations concernent des chômeurs, leur objectif est alors de réadapter leurs compétences aux besoins des entreprises mais aussi d'éviter que leur capital humain antérieur ne se déprécie trop en raison du temps passé au chômage. L'acquisition de capital humain constitue dans cette logique la meilleure protection contre le risque futur de chômage. L'effet principal doit alors être sur la sortie du chômage et sur le maintien dans l'emploi subséquent. Nous analyserons surtout le premier effet, le deuxième étant très peu étudié (à l'exception de l'article de Crépon et al. 2007 qui montre que l'augmentation de la durée de formation offerte de 2001 à 2005 en France aux chômeurs inscrits à l'ANPE permet l'augmentation de leur durée subséquente dans l'emploi).

On peut en premier lieu parler des effets de la formation en amont. La question est de savoir si ce type de formation permet le maintien dans l'emploi et l'augmentation des salaires de ceux qui bénéficient de la formation.

Si on regarde alors les premières évaluations (Lynch 1992, Mincer 1993), on remarque en effet un tel effet positif de la formation organisée par les entreprises pour leurs employés tant sur le maintien dans l'emploi que sur les salaires. Très vite, cependant, on s'est interrogé sur les inégalités qui existent dans l'accès à ces formations car le risque est grand que les formations ne soient accordées qu'aux plus qualifiés dans l'entreprise, ce qui expliquerait dans le même temps l'effet positif obtenu sur les salaires et le maintien dans l'emploi.

Goux & Maurin (2000) ont alors étudié ce risque de surestimation dans le cas français. Ils font une analyse en comparant le cas où l'on contrôle par le biais de sélection et sans contrôle du biais. Le résultat est alors massif : sans prise en compte du biais de sélection de formation, on observe un impact significatif de la formation sur le maintien dans l'emploi et les salaires, mais cet effet disparaît complètement quand on prend en compte le biais de sélection. Il apparaît alors que la formation en amont organisée par les entreprises a une dimension très inégalitaire : pour ceux qui bénéficient de la formation, celle-ci leur sert surtout au sein de l'entreprise et s'ils sont licenciés ils n'y gagnent pas particulièrement pour retrouver un emploi ; pour ceux qui n'en bénéficient pas, ils ne compensent ainsi pas leur handicap initial et l'entrée au chômage comporte pour eux un risque plus grand d'y rester.

La conclusion sur la formation en amont est ainsi qu'elle ne permet ni de favoriser significativement le maintien dans l'emploi ni d'augmenter particulièrement les salaires en raison des inégalités à l'accès de ces formations. Et il n'est de plus pas certain que la diminution des inégalités d'accès y change quelque chose si la formation dans l'entreprise ne débouche pas sur des titres reconnus par l'ensemble des employeurs, comme c'est le cas en France comparé à l'Allemagne (qui valorise les titres de Techniker obtenus uniquement sur le lieu de travail et non par des diplômes).

Après ce constat plutôt négatif sur la formation en amont, on peut interroger les effets de la formation en aval sur le retour en emploi et le maintien subséquent dans l'emploi.

On a déjà vu que la formation en aval peut prendre différentes formes : formation scolaire pure, formation en alternance, formation professionnelle dans le public par le biais d'un emploi temporaire, formation professionnelle dans le privé par le biais d'un emploi temporaire subventionné. Quel constat général apparaît lorsque l'on compare ces différentes mesures? Un travail de Gerfin & Lechner (2002) permet d'apporter une conclusion assez logique sur ces politiques de formation/réinsertion dans le cas de la Suisse. Des résultats similaires ont d'ailleurs été trouvés en Suède. On remarque que les politiques publiques d'aide à l'emploi visant l'augmentation de l'employabilité des individus ciblés fonctionnent mieux quand l'emploi aidé est proche d'un emploi régulier. En première place se trouvent les subventions à l'emploi dans le privé ; mais l'emploi créé n'y est pas nécessairement temporaire, donc n'a pas vocation particulière à la formation. En deuxième place se trouvent le remplacement temporaire et la formation en alternance. Enfin, la troisième place revient à l'emploi temporaire dans le public et la formation de type scolaire hors de l'entreprise. On va ici observer les deuxièmes et troisièmes types de mesures et comprendre cette position par rapport à l'emploi simplement subventionné. Nous ne parlerons pas ici de l'emploi public. Pour cette analyse globale, la référence la plus massive est l'article fleuve de Heckman et al. (1999).

Commençons par la formation scolaire. La conclusion générale qui émerge des études tant américaines qu'européennes est que celle-ci a dans l'ensemble un faible effet. Chez Main & Shelly (1990) sur le Youth Training Scheme en Ecosse qui consiste en trois mois minimum de formation scolaire ou professionnelle en dehors de l'emploi, les effets mesurés sont très faiblement positifs. On obtient parfois des résultats négatifs comme chez Regner (2002) sur la formation scolaire à l'égard des chômeurs en Suède.

Comment comprendre ces phénomènes ? Ceci n'est en fait pas étonnant quand on remarque une chose générale, c'est-à-dire que les rendements de l'éducation sont décroissants avec l'âge.

Cette relation permet cela dit aussi de comprendre pourquoi la formation de type scolaire peut dans certains cas avoir une efficacité. Aux Etats-Unis d'Amérique, les conclusions globales sont de dire que la formation de type scolaire est surtout bénéfique pour les femmes de milieux défavorisées pour lesquelles l'apport de la formation est effectivement important. On peut remarquer la même chose pour les programmes de lutte contre l'illettrisme qui existent en France. Roche (2005) décrit l'initiative ECLOR (apprendre à lire, écrire, compter, ce qui est un palier symbolique et qui comporte tout aussi bien des composantes cognitives que des composantes non-cognitives finalement tout aussi importantes) du groupe de travail intérimaire ADIA pour des intérimaires déjà en emploi. Ce programme a de grandes conséquences sur les compétences au travail et sur le bien-être des individus bénéficiaires. Mais le problème de cette analyse est de n'être que descriptive et aucune conséquence sur l'emploi lui-même ou les salaires n'est connue. On peut alors voir que certains contenus de formation scolaire sont bien bénéfiques mais il n'est pas possible de généraliser à l'ensemble de la formation scolaire.

On doit cependant ajouter une autre source de variation que certains contenus et qui concerne le montant des moyens déployés et la manière dont ils sont déployés par le centre de formation scolaire. Même si le constat général est celui d'un effet insignifiant de la formation, il y a toujours quelques cas où la formation scolaire est bénéfique en raison de la manière dont celle-ci a été mise en place par le centre de formation. Deux exemples américains peuvent être pris. 1° On observe une moindre efficacité du programme Jobstart par rapport aux Job Corps aux Etats-Unis, de contenu similaire avec des moyens moindres. 2° Stanley (1995) analyse le programme CET (Center for Employment and Training) à San Jose qui conduit à une augmentation des salaires annuels de 3000$ pour ses bénéficiaires contre un coût de 4200$. Ceci s'explique par le fait que le programme a des liens forts avec le marché du travail, que les compétences apprises sont fortement professionnalisées même si tout se passe de manière scolaire, que les offres du centre dépendent très spécifiquement des besoins des bénéficiaires et que les membres du centre ont 25 années d'expérience et une bonne réputation derrière eux.

Que devons-nous alors retenir? Dans l'ensemble, la formation scolaire a peu d'effet sur le retour à l'emploi et surtout sur le maintien ultérieur dans l'emploi, mais celle-ci peut fonctionner par rapport à certaines catégories ciblées lorsque le contenu de la formation et les moyens déployés sont adéquats et suffisants.

Passons maintenant à la formation en alternance et à l'emploi temporaire dans le privé que nous allons analyser conjointement. Cette fois-ci, on doit distinguer l'effet de ces aides aux Etats-Unis d'Amérique de cet effet en Europe.

Aux Etats-Unis d'Amérique, on remarque en général (Couch 1992, Heckman et al. 1999) que la formation en alternance et l'emploi temporaire ont un effet positif pour les femmes désavantagées et ont un effet négatif pour les jeunes, ce qui est identique aux résultats sur la formation. Nous pouvons alors indiquer les mêmes précautions qu'auparavant. Certains types d'emplois et certains centres de formation en alternance arrivent à améliorer les performances des personnes bénéficiaires mais l'effet est dans l'ensemble faible.

En Europe, le résultat est plutôt différent. La principale différence tient en la relative efficacité des programmes de formation en alternance et de l'emploi temporaire subventionné dans le privé et ce surtout pour les jeunes. Un exemple en est donné par Fleuret & Zamora (2005) sur la France. On remarque en effet que les stages en alternance ont permis l'obtention d'un emploi et ce surtout pour les peu qualifiés. Par contre, Bonnal et al. (1997) ont montré que les plus qualifiés qui bénéficiaient de telles formations avaient plus de mal à retrouver un emploi. Il y a pour eux un effet de stigmatisation lié à l'utilisation d'aides pour le retour à l'emploi.

Cependant, peu est dit sur le véritable mécanisme à l'œuvre dans cet appariement. L'idéal d'une politique de formation serait l'augmentation du capital humain général et spécifique de l'offreur de travail, mais l'effet peut également être obtenu par l'acquisition d'un capital social qui sert au chômeur à réintégrer le marché du travail. Et tout laisse à penser que c'est ce second effet qui domine. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, on mesure généralement un faible effet des formations en alternance et des emplois temporaires dans le privé sur les salaires ultérieurs. Deuxièmement, on doit incriminer le comportement des entreprises qui voient les aides sous leur angle financier et non sous leur angle productif. Si l'on regarde en effet l'ensemble des mesures dont ont bénéficié les jeunes chômeurs peu qualifiés pour retourner à l'emploi, ce furent les stages en alternance qui étaient beaucoup utilisés dans les années 1980 mais dès leur création en 1993, ce sont les emplois subventionnés qui s'y substituent de plus en plus au courant des années 1990 (Bodraty et al. 2003).

En conclusion on peut alors comprendre plusieurs choses. De fait, la formation en alternance et l'emploi temporaire ont un effet sur le retour à l'emploi des chômeurs et ce surtout dans les pays européens comme la France où les flux du chômage vers l'emploi sont moins intenses que dans d'autres pays. Dans ces pays, cet effet positif passe cependant principalement par l'acquisition d'un capital social qui est ainsi une mise en contact de l'employé avec le marché du travail, ce qui se transcrit par le fait que les salaires ultérieurs augmentent rarement. On comprend alors pourquoi la formation scolaire a moins d'effet relativement, même s'il y a quelques exemples positifs (comme celui de San Jose). Et on comprend dans le même temps pourquoi Gerfin & Lechner (2002) classent comme mesure principale au retour à l'emploi des chômeurs les emplois réguliers subventionnés : ces mesures sont les plus efficaces car elles donnent un emploi sans passer par le filtre de la formation qui, d'une manière générale, n'intéresse pas les entreprises.

De toutes les politiques de formation se dessinent ainsi un tableau plutôt mitigé dans l'ensemble. Concrètement, dans sa dimension de lutte contre le chômage, l'effet est plutôt marginal. La formation en amont est surtout réservée à ceux qui n'en ont pas besoin. La formation en aval fonctionne dans certains cas mais principalement en raison de leur effet sur le coût du travail et non en raison de leur effet sur la productivité du travail.

 

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