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Les politiques de l'emploi

Publié le 29/09/2008
Auteur(s) - Autrice(s) : Patrick Cotelette
L'objectif de ce dossier est de donner une vue synthétique des enseignements actuels que tirent les économistes sur les politiques de l'emploi. Au travail de classement analytique des politiques de l'emploi s'ajoute une recension de leurs effets sur les taux de chômage (et dans certains cas sur les taux d'emploi). Des entretiens avec des économistes spécialisés dans certaines politiques de l'emploi (Philippe Askenazy sur les 35 heures, Elena Stancanelli sur la prime pour l'emploi) viennent compléter le dossier.

Introduction

Si l'on s'intéresse aux politiques de l'emploi, en prenant pour cadre de référence le modèle de Pissaridès (1990), on peut s'intéresser à trois grands types de politiques de l'emploi :

- celles qui portent principalement sur l'appariement sur le marché du travail.

- celles qui portent principalement sur les salaires.

- celles qui portent principalement sur le taux de chômage lui-même.

On se restreindra dans ce compte rendu aux informations disponibles sur l'effet des politiques de l'emploi sur le taux de chômage, grande préoccupation des 30 dernières années dans les pays développés.

Une analyse complémentaire et sans doute indispensable nécessiterait d'observer l'impact des politiques de l'emploi sur le taux d'emploi puisque ce dernier dépend beaucoup moins des comportements d'activité que le taux de chômage.

On pourra malgré tout établir un bilan de l'effet global des politiques de l'emploi sur le taux de chômage et le taux d'emploi en conclusion de ce dossier.

Qu'est-ce qu'une politique de l'emploi ?

Que signifie le terme de « politique de l'emploi ». La définition la plus générale et la plus pertinente à nos yeux est alors la suivante : c'est l'« ensemble des interventions publiques sur le marché du travail, visant à en améliorer le fonctionnement et à diminuer les déséquilibres qui peuvent y apparaître » (Gautié 1993).

Cette définition a en effet le mérite d'appuyer deux points importants lorsque l'on veut aborder sereinement la question des politiques de l'emploi.

Premièrement, parler d'interventions publiques luttant contre les « déséquilibres » sur le marché du travail permet de dépasser l'éternelle question de la lutte contre le chômage. Une politique de l'emploi n'a pas en soi un objectif de lutte contre le chômage. Ce n'est que lorsque le chômage est le problème principal sur le marché du travail, par pénurie de demande de travail, que les politiques de l'emploi peuvent se voir assigner cet objectif global. Un regard sur l'histoire française prouvera cette première affirmation.

Deuxièmement, parler des interventions publiques « sur le marché du travail » permet de distinguer les politiques de l'emploi « politiques pour l'emploi » qui sont une catégorie plus générale et qui se définissent comme l'« ensemble des politiques publiques visant, à titre principal et secondaire, à agir sur le niveau et la quantité de l'emploi » (Freyssinet 2006). Cette distinction a pour but de rappeler que les mécanismes économiques jouant sur un marché dépassent bien souvent le cadre de ce seul marché. On ne peut ainsi comprendre le marché du travail qu'en regard des marchés des biens et de services ou des marchés financiers. Les « politiques pour l'emploi » peuvent ainsi être déployées sur n'importe quel marché tandis que les « politiques de l'emploi » n'ont lieu que sur le marché du travail.

Une analyse des « politiques de l'emploi » doit donc se restreindre à l'analyse des interventions publiques portant uniquement sur le marché du travail mais sans chercher à réduire l'objectif de ces interventions à la lutte contre le chômage.

Comment fonctionne alors une politique de l'emploi ? On voit selon la définition retenue qu'une politique de l'emploi peut avoir deux rôles. Dans un premier temps, les politiques de l'emploi portent sur l'amélioration du fonctionnement du marché du travail. En parlant de fonctionnement, on s'intéresse alors, en tant qu'économiste, à la question de la circulation des flux sur le marché et des conditions de la découverte de l'équilibre. La question posée est essentiellement une question de dynamique économique. Dans un deuxième temps, les politiques de l'emploi portent sur la réduction des conséquences liées aux déséquilibres sur le marché du travail. On s'intéresse alors à une question de statique qui se rapporte aux conditions des défavorisés sur le marché du travail.

Cette distinction renvoie à celle que l'on retient habituellement à l'heure actuelle lorsque l'on parle des politiques de l'emploi (luttant contre le chômage), celle entre les politiques actives et les politiques passives. On peut définir dans un premier temps les politiques actives comme les politiques qui « luttent directement contre le rationnement des emplois en aidant à la préservation d'emplois existants, à la promotion de nouveaux emplois et à l'adaptation de la main-d'oeuvre aux besoins de l'économie » (Gautié 1993). L'OCDE a répertorié les différentes politiques qui rentrent dans cette classification : service public de l'emploi, la formation professionnelle des adultes, les mesures en faveur des jeunes, les mesures en faveur des publics défavorisés et les aides à l'embauche.

Face aux politiques actives, les politiques passives agissent en fonction de l'état du marché du travail et « atténuent directement les effets du rationnement sur le marché du travail en apportant une aide sociale ou en essayant de limiter la population active » (Gautié 1993). L'OCDE a également répertorié les différentes politiques qui rentrent dans cette classification, en l'occurrence deux, c'est-à-dire l'indemnisation des chômeurs et les retraites anticipées.

Bien que la distinction entre des politiques actives portant sur les dynamiques du marché du travail et des politiques passives portant sur sa statique soit pertinente scientifiquement, elle rend difficile la compréhension précise de toutes les politiques de l'emploi en matière de mécanisme économique. Prenons deux exemples.

Soit une politique active de formation : elle joue sur la dynamique du marché du travail en permettant une meilleure adéquation de l'offre de travail de l'individu formé à la demande de travail des entreprises. Mais cette politique active joue dans le même temps sur l'état statique du marché du travail puisque la formation proposée à l'individu le retire temporairement de la recherche d'emploi et contribue à diminuer temporairement le taux de chômage. Une politique active de formation est ainsi également une politique passive.

De la même manière, soit une politique passive telle que l'allocation chômage. L'allocation chômage joue sur la statique du marché du travail en rémunérant temporairement un individu ne disposant pas d'emploi. Mais cette politique passive joue dans le même temps sur la dynamique du marché du travail puisque l'allocation chômage constitue une subvention à la recherche d'emploi et aide l'individu à trouver l'emploi qui correspond le plus à ses capacités et à sa productivité. Une politique passive d'allocation chômage est ainsi également une politique active.

L'analyse, idéalement exhaustive, des politiques de l'emploi implique alors de choisir un cadre de référence, pour nous le modèle de Pissaridès (1990), et d'en tirer différentes catégories de politiques influant sur le taux de chômage. On peut alors s'intéresser à trois grands types de politiques de l'emploi :

- celles qui portent principalement sur l'appariement sur le marché du travail :

- celles qui portent principalement sur les salaires :

- celles qui portent principalement sur le taux de chômage lui-même :

Les politiques de l'emploi qui portent principalement sur l'appariement sur le marché du travail

Deux sous-catégories de politiques de l'emploi s'attaquent à l'appariement sur le marché du travail.

Dans un premier temps, on peut parler de tout ce qui concerne la dynamique sur le marché du travail. A cet égard, la principale politique est la protection de l'emploi et tout ce qui existe pour l'alléger, donc le temps partiel et les contrats à durée déterminée. On se contentera d'exposer dans ce dossier les effets de la protection de l'emploi.

Cela nous conduira dans un deuxième temps aux politiques jouant moins sur la dynamique générale des flux que sur la meilleure adéquation de l'offre à la demande au sein de chaque flux. On s'intéressa ici principalement aux effets de la formation et aux aides non financières au retour à l'emploi.

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Les politiques de l'emploi qui portent principalement sur les salaires

La première question que l'on doit alors se poser, c'est de voir dans quelle mesure les pouvoirs publics peuvent agir sur les salaires. La première chose que peut faire un gouvernement, c'est de décider si les salaires doivent être dirigés plutôt par l'Etat ou par les partenaires sociaux. Il s'agit alors de questions institutionnelles portant sur la portée des négociations collectives (sur le salaire minimum ou non, sur les grilles de salaires ou non) et sur leur niveau d'effectuation (entreprise, branche, national). Nous n'aborderons pas cette question directement.

La deuxième chose que peut faire le gouvernement, c'est de jouer sur les salaires en faisant varier les instruments de taxation. En réalité, derrière le salaire versé par les entreprises se cachent différentes choses. Premièrement, il y a toutes les taxes payées par l'entreprise et qui font la différence entre le salaire brut et le salaire net. Deuxièmement, il y a la différence entre le salaire net perçu par l'employé et ce qu'il peut réellement consommer en raison des différentes taxes qui l'affectent et du niveau des prix. De sorte qu'entre le salaire payé par les entreprises et le montant total pouvant être dépensé par les employés il y a toute une marge que l'on nomme le coin fiscal ("tax wedge").

Quand l'Etat veut intervenir sur les salaires, il peut alors le faire en jouant sur les différentes taxes intermédiaires entre le salaire brut et le pouvoir d'achat des salariés. L'idée générale qui préside à l'heure actuelle consiste alors à diminuer en faveur du salarié ou de l'employeur le coin fiscal pour lutter contre le chômage. Il a en effet été montré par Daveri & Tabellini (2000) sur des données de panel de 1965 à 1994 pour 14 pays de l'OCDE que le coin fiscal augmente le chômage dès que la négociation des salaires a lieu au niveau intermédiaire (pour les pays tels que Australie, Belgique, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Espagne) ou quand le pays a un fonctionnement très proche du fonctionnement de marché (Japon, Canada, Etats-Unis d'Amérique, Royaume-Uni). Le coin fiscal n'a par contre pas d'impact sur le chômage dans les pays où la négociation des salaires est nationale et pleinement acceptée par les partenaires sociaux (Danemark, Finlande, Suède). De cette étude, parmi tant d'autres, émerge alors l'idée qu'un coin fiscal moins important est bénéfique pour l'emploi.

Pour autant, on ne doit pas oublier que toute baisse des taxes donne lieu à une négociation des salaires entre employés et employeurs qui essaient chacun de tirer à soi le gain et ce en raison des variations concomitantes de l'offre et de la demande. Il a alors été montré par Pissaridès (1998) qu'une diminution des taxes ne peut avoir d'effet positif sur l'emploi qu'à la condition que les allocations chômage ne soient pas indexées sur les salaires. Ce rappel est simplement fait pour ne pas oublier le troisième moyen pour les pouvoirs publics de jouer sur les salaires, à savoir de réguler tant les salaires minima que les revenus de chômage ou d'inactivité qui contraignent globalement le niveau des salaires.

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Les politiques de l'emploi qui portent principalement sur le taux de chômage

Il y a concrètement trois politiques majeures que l'on peut classer dans ce groupe. La première politique visant directement le taux de chômage agit du côté de l'offre de travail et consiste en l'incitation à la sortie de l'activité. C'est toute la question des incitations financières au retrait de l'activité que cela soit par le biais direct des préretraites ou des dispenses de recherche d'emploi ou par le biais indirect de la configuration du système des retraites.

La deuxième politique est du côté de la demande de travail et consiste en la création par les pouvoirs publics d'emplois publics sous forme temporaire ou bien permanente.

Enfin la troisième politique concerne tant l'emploi privé que public et consiste en l'extension du partage du temps de travail par le biais du temps partiel et de la réduction du temps de travail. C'est cette dernière qui donne lieu au plus grand nombre de débats.

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Conclusion

On peut alors reprendre un peu tout ce que nous avons vu et faire le tri entre les différentes politiques. Qu'est-ce qui marche concrètement?

On remarque alors que seules quelques politiques remplissent vraiment leur objectif affiché :

- la formation ne permet pas de manière générale d'adapter les chômeurs à l'emploi mais y réussit dans quelques cas

- parmi les politiques ayant pour objectif la sécurité, seules les allocations chômage induisent clairement un sentiment de sécurité chez les employés

- les politiques s'appuyant sur une logique d'incitation du côté de l'offre de travail fonctionnent généralement bien pour ce qui est du retrait de l'activité et du retour à l'emploi par les moyens non financiers

- sur l'ensemble des politiques visant la demande, les subventions aux entreprises ciblées sur les chômeurs et les subventions à la création d'entreprises sont les plus efficaces pour réinsérer une certaine catégorie de la population. Mais leur effet sur l'emploi total et le chômage sont nuls en raison d'un effet massif de déplacement, de sorte que les seules les subventions générales accordées selon les caractéristiques de l'emploi permettent véritablement de jouer sur le niveau de long terme du chômage et de l'emploi.

De ce constat au cas par cas, qu'est-ce que nous pouvons finalement dire des politiques de l'emploi? Concrètement, on a longtemps dit que les politiques de l'emploi, et surtout les politiques actives, permettent de lutter efficacement contre le chômage et d'augmenter l'emploi. Eh ben non!

Une première preuve nous vient des champions des politiques actives, la Suède. Dans un article publié en 2001, Calmfors et al. évaluent l'effet total des politiques actives du marché du travail mises en place par la Suède dans les années 1990. Deux conclusions émergent :

- les politiques actives arrivent bien à réinsérer leurs bénéficiaires sur le marché du travail mais surtout par le biais des politiques mises en œuvre par les agences pour l'emploi et grâce aux subventions ciblées qui génèrent des effets de substitution dans les files d'attente du chômage

- mais les effets des politiques actives sur la réduction du chômage d'équilibre sont proches de zéro puisque les effets positifs sur l'emploi des subventions ciblées sont contrés par des effets de déplacement. De sorte que les dépenses trop importantes dans les politiques actives sont une perte d'argent.

Une deuxième preuve provient des comparaisons internationales. Grubb & Martin (2001) ont réalisé pour l'OCDE différents comptes-rendus des politiques de l'emploi et ils montrent que les seules politiques qui fonctionnent véritablement sont les subventions ciblées et les aides fournies par les agences pour l'emploi, ce qui converge avec les conclusions de Calmfors et al. (2001). Ces aides jouent surtout sur les flux mais pas sur les niveaux de chômage et d'emploi.

Pour conclure, on ne doit donc pas surestimer les politiques de l'emploi vis-à-vis des autres politiques macroéconomiques. Le rôle de la politique de l'emploi est en fait surtout conjoncturel : elle permet l'enrichissement de la croissance en emplois dans les phases d'expansion et ralentit la hausse du nombre de chômeurs en phase de récession. Quant à la mise en place de politiques agissant vraiment sur les taux d'emploi et de chômage, il y a malgré tout une petite marge de manœuvre sans avoir à aborder les questions fiscales.

 
Dossier réalisé par Patrick Cotelette pour SES-ENS.
 
 

Références générales

Le plus utile pour une base empirique :

EUROSTAT (2007), European Social Statistics. Labour Market Policy. Expenditure and Participants. Data 2005.

OCDE (2007), Perspectives de l'emploi, Annexe Statistique.

Livres généraux en économie du travail et invoquant de manière claire les politiques de l'emploi :

BARBIER & GAUTIE (1998), Les politiques de l'emploi en Europe et aux Etats-Unis, Puf.

BENASSY-QUERE, COEURE, JACQUET & PISANI-FERRY (2004), Politique économique, Chapitre 8 : « Politiques de l'emploi », De Boeck.

CAHUC & ZYLBERBERG (2004), Le chômage : fatalité ou nécessité ?

CAHUC & ZYLBERBERG (2004), Labor Economics, MIT Press.

CERC (2006), La France en transition : 1993-2005, La Documentation Française.

GAUTIE (1993), Les politiques de l'emploi, Vuibert.

L'HORTY (2006), Les nouvelles politiques de l'emploi, Repères, La découverte.

 

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