La sociologie du travail autour de Michel Lallement
Stéphanie Fraisse-D'Olimpio
Michel Lallement est sociologue et professeur titulaire de la chaire d'Analyse sociologique du travail, de l'emploi et des organisations au Centre National des Arts et Métiers (Cnam). Il dirige également le Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique (LISE-CNRS). Il est enfin membre des comités de rédaction de Sociologie du travail et Temporalités.
Ses recherches en sociologie du travail ont essentiellement porté sur les relations professionnelles, comme l'atteste le Repères Sociologie des relations professionnelles récemment réédité [1], qui présente les règles structurant les rapports entre les salariés, les employeurs et l'Etat. L'auteur met en lumière dans cet ouvrage les logiques, variables d'un pays à l'autre, qui ont conduit à la genèse et au conditionnement de quelques modèles types de relations professionnelles distincts par les formes de représentation des intérêts, le niveau de négociation privilégié, les stratégies et identités des acteurs de la négociation sociale. M. Lallement s'attache aussi à décrire le passage progressif d'un «gouvernement de l'emploi», caractéristique des Trente Glorieuses, à une forme de «gouvernance de l'emploi» [2]. Cette notion de gouvernance traduit le souci de rendre compte de la diversité des acteurs qui interviennent dans la conduite d'une politique publique et des modes de coordination de leurs actions. Appliquée à la gestion de l'emploi, elle amène concrètement à souligner la valorisation des politiques d'emploi locales et la place nouvelle occupée par les collectivités territoriales et les petites entreprises. Les gouvernances sont donc plurielles, variant d'un territoire à l'autre mais aussi entre secteur d'activité. L'auteur souligne les enjeux d'une gouvernance de l'emploi par la flexibilité du temps de travail en se demandant comment le contrôle collectif peut garantir «l'équilibre entre les temps de la vie personnelle, de la vie familiale, de la sociabilité au sens large, de l'accès aux services...». Cette réflexion amorce celle engagée dans Temps, travail et modes de vie [3].
Michel Lallement a par ailleurs très tôt intégré une perspective comparative dans ses analyses en particulier avec l'Allemagne dans l'ouvrage précédant, mais aussi avec les grands pays occidentaux, ou encore avec l'Algérie [4]. Cette lecture comparée fait ainsi l'objet d'une démarche critique et réflexive que l'auteur mène avec plusieurs chercheurs d'autres disciplines [5] sur les problèmes méthodologiques que posent les comparaisons internationales du fait de l'influence du contexte institutionnel sur l'objet de comparaison («l'effet sociétal»). La «posture de modestie et d'ouverture» que propose Michel Lallement induit de combiner davantage l'analyse relationnelle (pour saisir un objet souvent isolé dans ses relations avec les autres acteurs ou institutions concernés) et la mise en perspective historique (qui permet de mieux rendre compte des trajectoires et éventuelles bifurcations et convergences).
Michel Lallement propose aussi une réflexion théorique riche comme celle engagée autour de la notion de capital social [6], de sa définition et de sa mesure mais aussi à travers son Histoire des idées sociologiques [7].
Ses recherches actuelles portent sur la construction de la notion de genre dans la sociologie classique française et allemande, mais aussi sur les stratégies de gestion de l'emploi dans le secteur de l'informatique et les effets de la globalisation sur la mobilité professionnelle. Il s'interroge enfin sur l'ébauche d'un passage d'une logique centrée sur l'identité à une logique de la reconnaissance [8]. En effet, dans un contexte où l'on demande aux salariés de s'investir fortement dans leur travail, leur reconnaissance apparaît indispensable pour les sortir du registre de la souffrance.
Nous avons choisi de mettre en avant l'ouvrage de Michel Lallement Le travail. Une sociologie contemporaine [9] car il présente une synthèse extrêmement riche et pédagogique de ses travaux à la croisée de l'économie et de la sociologie. Les thèmes abordés sont fondamentaux, en particulier pour les cours de Terminale. Nous remercions M. Lallement d'avoir accepté de répondre à nos questions.
L'entretien avec Michel Lallement
Ecouter l'intégralité de l'entretien
L'entretien question par question
Question 1 : Sur le choix des chapitres : di-vision / individuation / intégration / régulation.
Question 2 : La di-vision engendre des divisions. Illustration par le genre et le sexe.
Question 3 : De la logique de compétence...
Question 4 : Les apports de la sociologie contemporaine pour penser la pluralité des modèles d'organisation du travail.
Question 5 : Conséquences et contradictions de l'individuation dans le procès de travail.
Question 6 : De l'aliénation à l'identité au travail.
Question 7 : L'influence de l'environnement institutionnel sur les conceptions du rapport salarial. Une approche comparée entre la France et l'Allemagne.
Question 8 : Des spécificités des relations de travail françaises.
Question 9 : Les conséquences de la mondialisation et de la construction européennes sur les relations de travail.
Question 10 : La conclusion: le travail a plus que jamais un statut d'institution.
Présentation de l'ouvrage « Le travail. Une sociologie contemporaine »
La présentation de l'ouvrage Le travail. Une sociologie contemporaine, de Michel Lallement.
Des contributions importantes de Michel Lallement sur ses principaux thèmes de recherche
Nous vous proposons en téléchargement un ensemble d'articles de Michel Lallement, gracieusement mis à disposition par l'auteur.
Sur la flexibilité
Bevort, M. Lallement, C. Nicole-Drancourt (dir.), "Flexicurité. La protection de l'emploi en débat", Avant propos au n° de Problèmes politiques et sociaux, n°931, décembre 2006, p.5-10.
Michel Lallement, Arnaud Mias (dir.), "Flexibilité du travail et «glocalisation» des relations professionnelles ", in M. De Nanteuil, A. El Akremi (eds), La société flexible, Ramonville Saint Agne, érès, 2005.
Sociologie des relations professionnelles
Antoine Bevort, Michel Lallement, "Quel avenir pour les relations de travail à la française ?", Le Banquet, n°22, septembre 2005, p.239-253.
Michel Lallement, "Relations industrielles et institutionnalisme historique aux Etats-Unis", L'Année sociologique, 2005, vol 55, n°2, p.365-390.
Michel Lallement, "Transformation des relations du travail et nouvelles formes d'action politique", in P.D. Culpepper, P. Hall, B. Palier (eds), La France en mutation 1980-2005, Paris, Presses de Science Po, 2006, p.109-156.
Michel Lallement et alii, "Réseaux et innovations organisationnelles : Une approche par les relations professionnelles", Travail et Emploi, n°95, juillet 2003.
Sur le concept de capital social
"Capital social et théories sociologiques", in A. Bevort, M. Lallement (eds), Le capital social. Performance, équité et réciprocité, Paris, La Découverte, 2006, p.71-88.
Réflexions sur la régulation
M. Lallement et alii, "Gestion des temps et régulations sociales : quelles incidences de la loi Aubry II sur l'organisation des entreprises et les conditions de travail des salariés ?", Revue de l'IRES, n°44, vol.1, 2004, p.3-37.
Michel Lallement, "Régulation et rationalisation", in G. de Terssac ed., La théorie de la régulation sociale de Jean Daniel Reynaud, Paris, La Découverte, Recherches, 2003, p.231-240.
Epistémologie des sciences sociales
Michel Lallement, "Héros et anti-heros ? Intérêts de connaissance et nouvelles rationalisations institutionnelles", Revue européenne des sciences sociales, tome XLI, n°127, 2003, p.87-106.
Epistémologie de la comparaison internationale
"Comparer, traduire, bricoler", in J.C. Barbier, M.T. Letablier (eds), Politiques sociales. Enjeux méthodologiques et épistémologiques des comparaisons internationales, Bruxelles, Peter Lang, 2005.
Histoire de la pensée
Michel Lallement, "Max Weber, La théorie économique et les apories de la rationalisation économique", Cahiers du centre de recherches historiques, n°31, avril 2005.
Charles Gadéa, Michel Lallement, "Une révolution inachevée : Durkheimisme et sociologie du temps", Temporalités, n°1, 1er semestre 2004, p.48-68.
Des synthèses d'ouvrages récents en sociologie du travail
Eric Roussel, Vies de cadres. Vers un nouveau rapport au travail, Presses universitaires de Rennes, coll. "Le sens social", 2007.
Françoise Piotet, Emploi et travail. Le grand écart, Armand Colin, 2007.
Gwenaële Rot, Sociologie de l'atelier. Renault, le travail ouvrier et le sociologue, Octarès, 2006.
Alexandra Bidet, Sociologie du travail et activité, Octarès, Coll. "Le travail en débats", juillet 2006.
Richard Sennett, La culture du nouveau capitalisme, Albin Michel, 2006.
Voir aussi le dossier de SES-ENS : La sociologie du travail depuis Georges Friedmann.
Bibliographie
Vous trouverez une bibliographie plus complète en consultant les liens suivants :
Sur le site du MAGE : http://recherche.parisdescartes.fr/MAGE/Presentation-du-MAGE/L-equipe-du-Mage/Michel-Lallement
Sur le site du LISE : http://www.lise.cnrs.fr/spip.php%3Farticle5.html
Stéphanie Fraisse-D'Olimpio pour SES-ENS.
Notes
[1] Sociologie des relations professionnelles, Paris, La Découverte, Repères, 2008 (1996). Fiche de lecture sur SES-ENS.
[2] Les gouvernances de l'emploi - Relations professionnelles et marché du travail en France et en Allemagne, Paris, Desclée de Brouwer, 1999.
[3] Temps, travail et modes de vie, Paris, PUF, 2003.
[4] Relations sociales et PME, co-édition avec Abedou A., Bouyacoub A., Madoui M., Paris, L'Harmattan, Logiques sociales, Cahiers du Griot, 2006.
Entrepreneurs et PME. Approches algéro-françaises, co-édition avec Abedou A., Bouyacoub A., Madoui M., Paris, L'Harmattan, Logiques sociales, Cahiers du GRIOT, 2004, 280 p.
[5] Stratégies de la comparaison internationale, co-édition avec Spurk J., Paris, CNRS éditions, CNRS sociologie, 2003.
Travail et emploi - Le temps des métamorphoses, Paris, L'Harmattan, Logiques sociales, 1994, 283 p.
[6] Le capital social. Performances, équité, réciprocité (dir), La découverte, 2006
[7] Histoire des idées sociologiques (2 tomes : t.1 : Des origines à M. Weber ; t.2 : De Parsons aux contemporains), Circa, Armand Colin, 2002.
[8] Michel Lallement, Guillaume Malochet, « La reconnaissance », Revue Idées, no 149, Septembre 2007.
[9] Le travail. Une sociologie contemporaine, Gallimard, 2007.